Billet de blog 3 janvier 2013

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CE FUT LA VOIX DU CHAT NOIR DE l’***…

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CE FUT LA VOIX DU CHAT NOIR DE l’***…

Les mythes sanscrits relatifs aux origines

racontent que les premiers éléphants de la création

étaient blancs, qu’ils avaient des ailes pour voler,

qu’ils pouvaient changer de forme à volonté et

qu’ils possédaient le pouvoir d’apporter la pluie.

(Gavin PRETOR–PINNEY)

Ce fut la voix du chat noir  de l’***, qui me conseilla, en son miaulement constant, et si charmeur, de lire Le chat noir d’Edgard Allan Poe. Cela, lorsque  l’on me soumettait encore aux mœurs si cadenassés, et aux bons vouloirs des « soignants » de cet Hôpital, qui est l’Hôpital de l‘***. 

Aussi, lorsque je le puis, lorsque l’on me laissa sortir un peu de ce pavillon barricadé que l’on nommait Voltaire  (pardonnez–les !), et que finalement je pus me rendre à la bibliothèque de l’Hôpital, où – à ma grande surprise – je fis la rencontre heureuse de personnes si « quiete », si courtoises !, je l’empruntai illico, ce conte, et je le lus d’un seul trait. Tout en ne comprenant pas, bien que j’y m’y efforçais, pourquoi ce chat noir (que j’aimais si fort et que, dans l’obscurité de la Nuit, j’appelais Néron, en souvenir de mon fougueux chat du temps de mon enfance), pourquoi me l’avait–il suggéré. Qu’avait–il (/qu’avais–je ?) voulu me dire ?, m’interrogeais–je incessamment… Le mystère resta, et reste encore… entier…

Oui…  Or, j’en connus bien d’autres voix–aidantes, à l’***…, dont je vous fais grâce !

Néanmoins, ce qui me gène en tout cela, est cette question, que je ne cesse de me poser, et que je me posais alors : est–ce que j’avais crié, est–ce que je criai à l’aide ! au secours ! à ces voix amies, lorsque j’étais glacialement enfermée dans cette sale (au sens métaphorique du terme) chambre de contention ? À ces moments que je vécus, signés et signifiés d’une rage si profonde, d’un si bouleversant désespoir, est–ce que je les criai – gagnée par cette rage et par ce  désespoir – les secrets que j’aurais voulu garder cachés, au tréfonds de mon cœur ? Et ce qui me chagrine, mieux, ce qui me travaille encore, également, est la question suivante : y eut–il des corps nus ( : dénudés ?), sous le regard de corps habillés de voyeurs–écoutant, pour ainsi dire ? Quoique… Qu’y faire, désormais ?...

Néanmoins, et s’il faut  tout dire, ce fut également une voix,  la voix de l’être aimé, la voix du Bien–Aimé, à me suggérer que – une fois sortie pour de bon de ce foutu Hôpital, j’aurais dû m’enquérir sur ce que faisait à l’heure présente,  le docteur R. M. Car, je savais, qu’il s’intéressait à la Chine, mais c‘était à peu de choses près, tout ce que je savais, ou dont je me souvenais, de lui.

Or, il ne faut pas oublier de dire que, dans ce si haut placé hôpital de l’***, on ne pouvait pas téléphoner, on ne pouvait pas lire, on ne pouvait pas écrire, on ne pouvait même pas écouter de la musique. Pire que ça ! Lorsqu’on était dans le hall, l’on y était perpétuellement soumis à l’écoute d’une station radio complètement débile, mais qui savait/pouvait vous empêcher tout véritable échange de paroles avec l’autre.  

On ne pouvait donc RIEN faire de ce qui aurait pu/su vous « accompagner » dans le quotidien, à la recherche de ce même réel d’où vous  vous étiez échappé, dans votre fuite si éperdue hors ! , loin ! loin de ce même réel ! Une fuite dictée par autant de souffrance provoquée par ce deuil non réalisé, mais également entrelacée à cette visée si haute de la quête qui serait à faire, à réaliser, par nous, les êtres humains, tout au long de notre bref, fugace séjour, sur cette planète.

Or, plongés dans un total esseulement, nous y étions tous, là–bas. Bien sûr, il nous restait les cigarettes (lorsqu’on en avait), et faire les cent pas. Les cent pas ? Ô que  non ! Des milliers et des milliers de pas, tout autour de ce jardin fermé,  ou tout le long de ce long couloir, tout à fait droit !

Mais revenons donc aux voix…

À leur sujet, il faut sans doute dire, ajouter que, là–bas, on était  sûr (parce qu’on l’avait bu, pardon ! parce qu’on l’avait appris avec diligence à la Faculté), l’on était donc plus que sûr, l’on était  absolument certain, que ces comprimés qu’on vous faisait avaler, les arrêteraient, vos voix, ou les feraient reculer loin de cet apparent désert, où vous sembliez mouvoir. Reculer… À jamais ?  Et une fois pour toutes ? Une fois pour toutes, peut–être pas. (Il ne faut pas les ouvrir toutes grandes, ces portes et ces fenêtres, laissant libre passage à une trop vive espérance, qui pourrait être tentée de trop se raviver, lorsqu’on la laisserait plonger dans un semblable miroir…)

Dirions–nous, plutôt, que peut–être ces voix (dont en réalité on sait si peu de choses, et que, même, en d’autres Temps, et sous d’autres Cieux, sont reçues et perçues d’une manière tout à fait autre), ces voix se feraient–elles moins entendre, durant tout le temps que vous avalerez ces traitements miraculeux ? Oh !... Des traitements  expressément conçus pour vous ? Conçus pour vous, peut–être, mais également pour tous ceux autres qui se trouveraient dans le même, identique état, ou mieux, qui constitueraient le même cas que vous, et qui donc entendraient eux aussi, ces mêmes, morbides voix. Oui. Ces voix maladives... Générées, en d’autres termes, par cette maladie de la mens, qu’on vous aura  diagnostiquée, et qu’on ira illico traiter.

De toute manière – ne s’agissant là que de voix délirantes, on ne pourra pas les traiter autrement ! (Oh ! mon beau chat  noir de l’*** ! Mon plus que véridique ami !)

Il paraît également que, lorsque je n’avais pas encore atterri là–bas, à savoir lorsque je remuais encore, oui, lorsque je remuais encore chez moi, et que je m’étais mise, engagée, à  tenter de recomposer mon passé, tout en faisant de l’ordre : au dedans, et en dehors de mon cœur, j’avais ressenti – tout autour – la présence d’esprits, que, dans ce texte titré « Les soubassements infuocati de la Terre » j’appellerai : les Morts.

Je me souviens très bien que, lorsque nous en avions parlé, de cela, mon amie G. et moi, à ma sortie de l’*** (à ces moments où je ne faisais que me défendre, défendre ma propre « vérité », pour ainsi dire, vis–à–vis d’Autrui), elle, cette amie, avait ricané fort, me dévisageant d’un air supérieur… Les esprits ?… Allons donc ! Et pourtant… Ne disait–elle, lorsqu’elle était encore jeune, aimer passionnément les cieux habités de Hölderlin ?

Mais voici que je ne peux que revenir à la conclusion de mon dernier texte, édité dans ces mêmes colonnes, et titré « Folie et enfance ». Une conclusion à laquelle j’aimerais ajouter quelques mots.

Car j’y ai parlé et transcrit, à ce moment–là  de mon « délire », la rencontre avérée d’une enfance, que j’ai appelée «  concrète », « corporelle », et même «  corporea » – me visitant. Des moments qui établirent  une sorte de  tournant dramatique, quasi tragique, à mon existence, mais qui ne pouvaient être affrontés et vécus, que dans l’infini de la solitude.

Je sentais que je devais faire face – en ma quête, solitaire peut–être, bien qu’accompagnée et guidée par des lumières et des représentations et des figures culturelles (lumières et représentations et figures, parfois également très sombres, et même tout à fait ténébreuses), qui – toutes – m’étaient pourtant renvoyées par des présences vivantes, et si concrètes, si corporelles, en un seul mot « così corporee », comme je l’ai dit plus haut, par ce qui fut appelé l’« in–conscient ». (Un mot, une définition si  vilains ! Si injustes ! )

Le délire, une « tentative d’auto–guérison », comme il a été affirmé ? Oh ! beaucoup plus qu’une simple tentative ! Car, il approche, il est capable d’approcher, et d’aller à la rencontre, sous une véritable multiplicité d’aspects, de la manifestation même de celui que les latins appelleraient le  Monstrum. Car, le délire est capable, et sera en état, d’affiner si puissamment votre regard, qu’il vous fera percevoir des « figures », là où – aux yeux du plus grand nombre – il n’y aura que de simples et tout à fait banales taches.

Je veux dire avec cela, que le délire – ou, tout au moins mon délire, ce délire auquel je me réfère – fut (/a été ?) une sorte de vivification extrême, une sorte de travail (de labeur ?) analytique, exécutée non pas (/non  plus ?) avec et par de vaines paroles, mais avec et par l’intervention de la totalité,  de l’intégralité, de  votre corps.

Et cela, non pas à cause d’une soi–disant psychose, ou d’un soi-disant rapport hystérique à ce même  corps – ni non plus, à cause  d’une quelconque, moyenâgeuse « possession », par laquelle ce même corps aurait été, serait « saisi ».

Il s’agira plutôt, dans et par une tentative extrême, et à jamais corporelle, vécue donc, d’établir ce lien, cet entrelacement corporeo de l’existence, telle qu’on la perçoit et on la ressent, ici, en Occident, avec les valeurs et les vues qui nous viennent des terres d’Orient, et, plus particulièrement encore, de la Chine traditionnelle.

Puisque, ce furent et ce seront le Tài Qi, et puis, le Qi Gong, en leur Art consommé, appris par un labeur lent et rigoureux, quoique soutenu par la  patience généreuse et aidante de certains de leurs exécutants, qui sauront lui redonner une présence, à ce même corps. Beaucoup plus que ces interminables traitements, analytiques ou médicamenteux, qui surent le réduire à un véritable état de larve.

Or, cette fois–ci, ici, dans cette dernière déperdition du réel, il s’est agi d’une ultérieure démarche, par laquelle j’entendais quêter, et à jamais dans la solitude, une nouvelle aventure, effectuée (je le répète : vécue), entre la  vie et la mort, entre son propre corps–sujet, accompagné de son langage spécifique, et le réel du Cosmos. Un réel vers lequel depuis toujours je me suis tournée, et bien avant que tout cela ne devienne, comme l’on dit, une mode.

Mais pour revenir à notre récit… J’étais donc en train de me sortir  de cette Panique, qui ne pouvait pas ne pas vous enlacer, en ce faire, et dont témoigne la rédaction de certains de mes mails à ce moment–là,  lorsque fut établi (par qui ?), et sans me rencontrer, sans me parler, sans rien me dire, ni m’expliquer, fut établi donc de m’amener, loin, loin de chez moi, pour pouvoir  m’enfermer, en vue de me fournir des soins appropriés à mon « état ». Couvrant tout, et tout motivant par ce terme si hautement explicatif de  «déni », signifiant, à leurs yeux, l’ignorance de votre parole.

« Déni »… Cette nouvelle, actuelle, si puissante clef de voûte langagière, qui justifiera tout jugement, toute action, toute réaction, et qui –  vous enfermant à double tour – n’obtiendra  que de vous faire submerger encore plus. – Et cela, souvent sans rien saisir, sans rien comprendre de vous. De vous qui êtes en total désaccord sur les raisons de ce même enferment, et qui le déclarez haut et fort, en vous révoltant. De  vous qui serez obligé, et même contraint – pour vous défendre – d’attaquer à votre tour.

C’est pour tout cela que j’ai parlé d’une enfance « corporea ».

Et c’est également pour cela que votre révolte – incomprise ? – sera renvoyée à l’impérissable étiquette d’un jamais éteint, fatal, et à jamais se renouvelant, « accès  maniaque ».

Ce qui – comme d’habitude – ne pourra que donner lieu, à l’ingurgitation, celle–ci, certes, forcée ( : forcenée ?) de cocktails de psychotropes, qui se révèleront si nocifs à la santé de ce même corps, – dont  pourtant vous étiez parti à la défense. Essentielle et primordiale. À  vos seuls yeux ?

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