Billet de blog 4 avril 2011

silenceontourne

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Le Club est-il thérapeutique?

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Non, ce n'est pas une tromperie sur la marchandise, et pardon pour ceux qui, ici, pensent qu'il n'existe qu'un seul club au monde.

Samedi et dimanche derniers se tenait l'assemblée générale du Club de la Chesnaie (41120 CHAILLES). Comme tous les ans depuis 1959.

Erigé au sein d'une clinique de psychothérapie institutionnelle, ce club où s'estompent les clivages traditionnels entre les statuts des gens est constitué d'adhérents, d'un CA, et d'un "bureau exécutif" qui rassemble chaque mardi toutes les les personnes concernées par la vie, l'animation et l'ambiance du lieu.

Traiter l'ambiance, un projet permanent et mouvant, délicat et riche. Cela passe par des actions au service du culturel, des sports, des loisirs les plus divers in situ et hors les murs, par des manifestations "à cheval entre un dedans et un dehors virtuels": fêtes champêtres, concerts de haut niveau..., par des interventions de solidarité, de la gestion d'appartements associatifs à l'aide pécuniaire, en passant par l'apprentissage et l'exercice du partage et de l'accueil mutuel.

La pratique de la démocratie, emprunte de transversalité (cf. Guattari), favorise un cheminement humain partagé, des prises de responsabilité inédites, des espaces de créativité et d'expression enrichissants, et un questionnement permanent de ce qui se vit dans "l'espace du soin".

Dimanche matin, un atelier débat avait pour titre: "se souvenir des belles choses". Fichtre, direz-vous, la nostalgie n'est plus ce qu'elle était!" Eh bien non. Il y avait là des gens d'ici et d'ailleurs, ou parfois de nulle part, des "du dedans", des "du dehors", des dits malades, des dits soignants, des dits ni l'un ni l'autre, et même des indiscibles. Il y avait des bavards et des "taiseux", des agités et des passionnés, des angoissés et des ravis... Bref, il y avait des gens.

Quelques caractéristiques m'ont frappé, dans l'exercice de ce débat:

-les personnes s'écoutaient vraiment (ce qui est la caractéristique de tous les clubs, comme on le sait ici...) et montraient du respect pour chaque locuteur, y compris dans la controverse et les inévitables fixités de certains points de vue.

-le champ du souvenir des belles choses a été constamment traversé de rebonds, comme on dit à présent, de relances créatives, de propositions pour "après". Et d'anecdotes riantes, de légèretés douces déclinées sur tous les modes de la prise de parole dans une communauté de ce genre. Et de références aux évènements du vaste monde, les douloureux et les problématiques, comme le sort fait aux "fous" par l'Etat, aussi bien que les passionnants, qui font appel d'air pour des gens en souffrance d'ouvertures et de culture parfois.

-le souci majeur qui s'est vu placer en exergue de ces travaux est celui de partager davantage avec toutes sortes de gens, dans des ailleurs comme dans d'autres formes de "manque social". Beaucoup de gens dits "patients" ont exprimé le désir de faire profiter ainsi d'autres populations en dérive de ce dont ils se sont dotés dans ce club.

Si je vous raconte tout ça, c'est un peu pour me faire plaisir, certes; c'est aussi pour marquer d'une trace mnésique, d'un témoignage subjectif, pour les gens concernés, cet évènement précieux...

C'est enfin pour faire émerger de la valeur, et l'intérêt les lecteurs, dans ce monde de brutes où l'image du fou est complètement réduite au profil du sujet dangereux et de seconde zone, afin de remettre en clarté ce que, dans des institutions, nous sommes capables de vivre-ensemble.

J'ajouterais de manière liminaire, pour avoir tant lu de commentaires d'articles dans ce journal fustigeant la rudesse de nos propos, qu'il est avéré, dès lors qu'un dialecte réel est consenti, que les "fous" n'ont pas peur des mots, et de ce dernier en particulier.

A plus tard, j'ai quelques citoyens douloureux à accueillir et à écouter...

JC Duchêne

PS. A la sortie de notre atelier, une personne "mutique" m'a confié: "c'était très beau, ce qu'on a dit!"...

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