Billet de blog 4 février 2014

guy Baillon

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DERNIER ESPOIR EN PSYCHIATRIE : LE RAPPORT ROBILIARD (4/4) Troisième partie : la nécessaire rénovation de la politique de secteur

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DERNIER ESPOIR EN PSYCHIATRIE : LE RAPPORT ROBILIARD (4/4)

Troisième partie : la nécessaire rénovation de la politique de secteur

QUELLE VOIE PRENDRE POUR ÉLABORER LA RÉNOVATION DE LA POLITIQUE DE SECTEUR ?

Il va nous falloir ici beaucoup de lucidité, si nous sommes encore une des psychiatries les plus riches, il va falloir accepter de ne pas cumuler mais choisir les biens que nous voulons sauver.

D’abord oser s’inspirer de travaux récents, c’est ainsi que nous nous permettons de citer trois ouvrages que le hasard a fait publier en 2013, et qui vont devenir partout incontournables.

- Allen Frances « Sommes-nous tous des malades mentaux ? La vérité sur le DSM-5 » Odile Jacob, octobre 2013. Il montre l’impossible pari de la fausse classification des USA et sa gravité, en termes de stigmatisation et d’excès graves de la chimiothérapie tout azimut, en raison de sa diffusion planétaire. Avec une seule lueur d’espoir utile pour nous : « les soins hors diagnostic pour les 6 premières séances »

-Florence Quartier, J Bartolomei, Paul Denis « Psychiatrie mode d’emploi », mars 2013, doin, comme appui clinique de la démarche de soin de base, depuis la Suisse seul pays adepte de la psychiatrie de secteur avec nous, il apporte en toute simplicité les outils pour que chacun puisse mener en toute solidité son travail quotidien de psychiatrie de secteur : en premier l’association d’idées

-sous direction de F Barruel et A Bioy « Du soin à la personne. Clinique de l’incertitude », mars 2013, Dunod, comme référence médicale découvrant les règles et l’appui institutionnel pour les pathologies graves mettant la vie en question, ici des groupes de cancérologues, venant donc du champ médical, cette référence à la médecine est une excellente leçon pour la psychiatrie, trop refermée sur elle

Complétés, comme nous venons de le préciser par l’appui sur les données précédentes, rénovées, reformulées : formation, bilan, histoire, trajectoires de patients, file active au long cours, …

Auparavant faisons un lien entre nos livres, et avec notre objectif.

Le livre de F Quartier est un véritable « mode d’emploi » de la psychiatrie de secteur, ce qui est resté malheureusement rare. Et il est une excellente introduction à une présentation de ce qu’est la ‘clinique psychiatrique’, la pratique, et ses outils majeurs, ici ‘l’association d’idées’ soutenue avec et en face du patient, puis en équipe.

Le livre d’Allen Frances est un cri d’alarme désespéré devant les dégâts de l’essai de classification des maladies mentales aux USA. Les DSM ont perverti le développement de la psychiatrie, remplaçant la Clinique, la vidant de toute perspective pour étayer les apports théoriques indispensables à sa ‘pensée’, ils veulent remplacer les psychothérapies, et ses réels effets de ‘changements psychiques positifs’, par la biologie qui tout en ayant des effets secondaires négatifs, ne modifie pas les mécanismes psychiques pathologiques. Aussi sommes-nous émerveillés de la sincérité de l’auteur lorsqu’en fin d’ouvrage (comme dans des articles récents) il nous propose sa meilleure défense contre ces démarches : il faut, écrit-il, refuser la règle américaine qui oblige les médecins à poser un diagnostic lors de la première séance de tout traitement, en montrant qu’elle est impraticable en psychiatrie (il espère par ailleurs mais sans illusion que son appel à l’arrêt de l’inflation sera entendu par les autorités scientifiques, …). Et cette proposition clinique est le seul barrage qu’il propose. Elle nous intéresse beaucoup en France aujourd’hui, car plusieurs d’entre nous ont déjà réalisé ce travail dès 1982-5 en le dénommant autrement « Travail d’accueil et de crise ». JF Bauduret, était venu sur le terrain en 1983, examiner l’efficacité et l’originalité du travail d’Accueil, il a osé venir visiter les nouveaux centres d’accueil créés ‘dans l’illégalité’ depuis quelques années par des équipes de secteur. Lucide et très intéressé, il l’avait du coup inclus dans sa liste de mars 1986, et sous deux appellations distinctes, tellement il y croyait : d’une part le Centre d’Accueil ouvert 24h/24 sans lit, et d’autre part le Centre d’Accueil Permanent avec lits. Une cinquantaine de centres très variés ont été ouverts en France les années suivantes. Nous avions créé l’Association Accueils pour les promouvoir. Mais cette mobilisation fut freinée par le Ministère quand celui-ci s’est rendu compte que certaines équipes pervertissaient la démarche, et trouvaient là une occasion seulement de demander du personnel supplémentaire pour les créer, au lieu de faire comme les premiers inventeurs, fermer un pavillon hospitalier avant d’ouvrir un Centre. Alors plutôt que de jouer les policiers, le Ministère a choisi de freiner leur création, …

Cela n’empêche que là où ces Centres ont existé, ils ont montré que le début du soin peut tout à fait se dérouler ‘sans poser un diagnostic’, et permet une entrée en psychiatrie très ‘pondérée’. Mais surtout cette forme de travail initiant toute rencontre pour un trouble psychique dit ‘urgent’, d’une part permettait à des soignants de se montrer disponibles sans délai ni détour, d’autre part installée en ville, en dehors de tout espace hospitalier, permettait une entrée en contact dédramatisée avec le soin psychique, et son éventuelle continuité.

Elle montrait en effet que pour qu’un soin au long cours puisse s’engager, c’est-à-dire pour instaurer une « continuité des soins » pour un patient, il fallait d’abord créer un climat de confiance, un lien suffisamment solide entre le patient et deux ou trois soignants, toujours les mêmes pour ne pas le dépayser, pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, avant de proposer la pseudo certitude d’un diagnostic (alors que l’on sait le peu de certitudes que nous avons en termes de diagnostics). Tout ce temps préalable « entre certitudes et incertitudes » (selon les termes du livre des cancérologues) permettait au soignant d’être attentif aux mots choisis par le patient pour « mettre des mots sur ses souffrances » (cette formulation que nous avions en 1987-98, voir notre livre « Les urgences de la folie », E Morin, nous l’avons retrouvée chez celui des cancérologues), et au décours de ces premiers entretiens d’arriver à négocier avec nous une éventuelle suite thérapeutique, tout en restant dans une grande approximation pour le diagnostic, qui restait en arrière-plan. Cet accueil constituant une introduction aux soins (un préalable) calme et proche des patients dans le monde inquiétant du soin psychique, se montrait une garantie pour la qualité des liens thérapeutiques nécessaire à la suite, écartant rejet et stigmatisation. Cette modalité d’entrée en matière a changé notre façon de travailler, nous engageant de plein pied dans la psychiatrie de secteur, car elle nous donnait la possibilité de ne pas séparer le patient de son milieu pour commencer son traitement, mesure suffisante dans la majorité des cas, et elle nous donnait l’occasion de nouer des liens d’emblée avec l’environnement relationnel du patient. Certes il fallait constamment soutenir les membres de l’équipe de ce Centre et de quelques autres par une formation permanente, car tout en étant simple, ce travail demande une très grande disponibilité d’esprit, laquelle s’use très vite, si elle n’est pas restaurée sans cesse. Elle a néanmoins rempli ses promesses puisque ce Centre reste en activité, 30 ans après, malgré le changement de chef de service et d’équipes. Elle a entrainé une nette diminution des besoins d’hospitalisation, et surtout permis une meilleure appréciation de la nature des soins nécessaires à chaque fois pour chaque patient. Elle a donc considérablement modifié les ‘trajectoires de soins des patients’, et écarté le climat de violence induit par la peur chez les soignants non formés, peur qu’avec tristesse nous voyons actuellement s’étendre.

Ce plan de rénovation de la politique de secteur doit donc commencer par une mise en lumière du terrain de la psychiatrie de secteur et de la démarche clinique.

Nous l’avons esquissée au début de cet essai.

Nous allons en tenir compte pour réviser l’arrêté du 14 mars 1986, rappelant que son objectif initial était de faire accepter son financement par la Sécurité sociale en 1985. Aujourd’hui ayant décrit la Clinique à notre Administration Centrale, nous pouvons affirmer que le contenu de cet arrêté est tout à fait ‘caduc’ ! Pour insister sur sa nécessité et se demander quelle forme nous voulons lui donner, nous sommes en mesure de préciser quels sont, d’un point de vue clinique, les outils que nous utilisons en psychiatrie de secteur, mais de façon plus affinée que nous ne l’avons fait en 1983.

Aujourd’hui avec le recul de 50 ans d’expérience de pratique de secteur, et 25 ans d’utilisation de cet arrêté, nous pouvons ‘repérer’ les différentes fonctions thérapeutiques qui ‘tiennent’, du point de vue de la durée et de l’intensité des soins. Nous pouvons en distinguer quatre, résumant les cadres de soin qui nous sont utiles :

1)une fonction « psychothérapique » ponctuelle ou au long cours, constituant le ‘soin de base’ de toute démarche thérapeutique, sa référence, son lien historique, complétée dans un certain nombre de situations, et selon le besoin par :

2)une fonction « institutionnelle », où le ‘groupe’ joue un rôle majeur, (groupe intégrant soignants et patients) incluant la gestion du fonctionnement de cet espace (sa vie), toujours à temps partiel, sur des durées moyennes, plusieurs mois, autour d’activités variées

3)une fonction « d’accueil » pour tout trouble nouveau bruyant ou s’exprimant en termes dits urgents, c’est un soin intensif, de courte durée, un jour à deux mois

4)une fonction « contenante » donc intensive aussi, à temps plein, de courte durée, de quelques jours à deux ou trois mois (ce sont les lits, mais en ville eux aussi, ‘hors hôpital’), avec certes une dimension institutionnelle, mais limitée en raison de l’acuité des troubles.

Ainsi il serait tout à fait envisageable de diminuer la litanie bloquée que constitue l’arrêté du 14 mars 1986, en mars 2014, la limiter à quatre espaces de soins, pouvant être réunis en deux (car 1 et 2 ou 3 peuvent être contigus dans le même espace), (de même que 3 et 4).

Cependant le regroupement de tout en un seul lieu est à proscrire car il est stigmatisant pour les habitants en raison de la concentration de toute la psychiatrie du secteur en un seul lieu de la Cité. À choisir il est préférable de les disperser en cinq espaces.

En même temps on comprend que le nombre de variables entrant dans la composition de différents soins est modeste, à chaque étape, et dans chaque espace, le soin psychothérapique et la biologie sont le plus fréquemment utilisés, le soin institutionnel ensuite le sera moins, (2 et 4) soit à temps partiel, soit, plus rarement à temps plein car il se déroule alors dans un lieu de vie artificiel.

Cependant le choix de la délimitation très simplifié de cet arrêté devrait évidemment être le même dans l’ensemble de la France pour permettre les comparaisons et les évaluations, ainsi que la recherche. Cette proposition va décoiffer des équipes, accrochées à ses ‘routines’.

Pour conforter ce choix de réduction d’espaces de soins, nous l’associons à plusieurs demandes ‘limitées’, dont le rapport se fait l’écho à la suite des auditions. Il faut replacer ces  demandes dans leur contexte. Elles sont le résultat de la démarche d’un certain nombre d’acteurs à la lumière de leurs propres explorations. Il est important de le préciser pour percevoir qu’elles ne défendent plus en priorité le cadre de la politique de secteur, mais des positions réductrices, qui certes s’expliquent par quelques essais localisés, mais qui se doivent d’être confrontées aux missions et aux objectifs de la politique de secteur.

Les pôles d’urgences plurisectorielles, les équipes mobiles, les tentatives de spécialisation, tous ceux-ci peuvent clairement être identifiés comme des essais de « fuites » de soignants du service public hors de la psychiatrie de secteur (qui en est le cadre, ainsi perverti, affirmation brutale, mais c’est le lot de notre lucidité). Chacune d’elles appauvrit toute la psychiatrie de secteur sans aucun bénéfice clinique, car aucune n’a été validée comme ‘meilleure’ que la psychiatrie de secteur. Et l’État n’a pas les moyens de réaliser les deux, ce qui en plus affaiblirait le secteur. Elles se sont construites devant l’insuffisance d’un certain nombre d’équipes de secteur défaillantes, constat exact, mais ce sont elles qu’il faut restaurer en priorité.

À partir du moment où les équipes de secteur sont consolidées, la persistance de ces propositions vient à nouveau fragiliser les équipes de secteur en leur retirant une partie de leur mission, qui est d’être « généralistes ». De plus chacun de ces projets appauvrit chaque patient en réduisant ou étouffant ses liens avec son tissu relationnel local. Point essentiel.

La question des urgences. Elle est centrale en psychiatrie, c’est le mode d’entrée en psychiatrie pour tous les patients traversant un moment ‘aigu’, bruyant. Ainsi permettre à chaque équipe de secteur d’être présente, active, à ce moment-là si riche, est une exigence première (demande express des familles). En son absence l’équipe ne peut que devenir frileuse de tout changement pour la suite, donc elle s’appauvrit. Le meilleur accueil de ce type de troubles pour un patient sera fait par les membres de son équipe de secteur. D’où l’effort de rénovation à faire pour que toute équipe se construise une équipe (au moins une ‘mini’)  d’accueil des urgences pour son propre secteur, c’est dans ce travail au contact des urgences que chaque équipe peut acquérir sa compétence de disponibilité. L’expérience de l’urgence est ‘la’ formation ‘de base’ des soignants.

La question de la mobilité de l’équipe de secteur est en fait l’une des exigences de toute équipe. Ici encore cela revient surtout à la mini équipe d’accueil de pouvoir se rendre sans délai au domicile lorsque suffisamment de signaux en montrent la nécessité. Par la suite certains soins, mais peu, peuvent se prolonger à domicile. Quand aux urgences survenant en différents points du tissu du secteur : il y a plusieurs cas de figure que chaque équipe connaît bien : soit les demandes proviennent d’institutions précises, hôpital général, maison de retraite, foyer, à chaque fois l’intervention doit être ‘prévenue’ par des conventions justifiant la mise en commun de moyens pour y répondre simplement à chaque fois que nécessaire par une intervention précise. L’expérience de nombreuses équipes en a prouvé la validité. Soit elles proviennent des interstices des institutions de la ville ou des villages, lorsqu’y surviennent des situations difficiles, on a pris l’habitude de parler de ‘populations précaires’. En réalité le devenir de tout patient psychique grave et vulnérable, est la précarité, c’est son destin s’il n’est pas assez entouré, d’abord par un environnement proche suffisant. Certes il est exact qu’en plus l’expérience de la rue comme celle des prisons, outre leur pathologie éventuelle, opère un effet de ‘cassure’ de la personnalité (bien repérée par Monsieur Delarue) qui demande une certaine forme d’attention, mais alors c’est à la fois la disponibilité de la mini équipe d’accueil qui intervient, ceci en interaction avec trois autres corporations, celle de la police, et celle des généralistes du secteur, auxquels il faut ajouter les travailleurs sociaux. L’expérience prouve que ce sont les liens tissés au fil des années par l’équipe de secteur avec ces différents acteurs qui permettent d’articuler de façon complémentaire les réponses adaptées à chaque situation. La multiplication des équipes mobiles de précarité viendra ici encore soustraire à l’équipe de secteur une de ses tâches fondamentales. De plus il faut expliquer que cette spécialisation vient compliquer la tâche des équipes de secteur : en effet à chaque fois un lien se tisse entre la personne recueillie et l’équipe mobile. Le résultat est satisfaisant au départ, un lien est établi, c’est la base de tout travail psychique. Mais la suite se révèle à chaque fois difficile car l’équipe de secteur se trouve discréditée aux yeux de ces patients qui préfèrent des acteurs qui ne s’occupent que d’eux et refusent d’accorder leur confiance à ces nouveaux qui se disent équipe de secteur, donc des ‘étrangers’. À chaque fois comme pour les essais de spécialisation en intersecteurs ou autres propositions, il y a « captation de clientèle » par des spécialistes, celle-ci ne croit plus qu’à cette structure ‘extra’, mise à sa disposition, et le retour à l’équipe de secteur dévalorisée se montre impossible, avec à chaque fois des séquelles graves : la disqualification de l’équipe de secteur.

Le rapport Robiliard fait une mise au point excellente sur le chapitre des prisons, aspect exceptionnellement à part dans la psychiatrie, non pour des raisons cliniques mais juridiques.

Les tentatives de « surspécialisation » sont des leurres. Elles se développent toujours au détriment du secteur : les soignants y paraissent meilleurs car n’ayant qu’une tâche, mais en fait ils appauvrissent à chaque fois le patient, ils semblent lui apporter plus, mais c’est toujours au détriment des liens du patient avec le tissu relationnel de son secteur, ‘captation de clientèle’, encore.

Le summum du désastre actuel, pur effet de « mode » dénoncé clairement par A Frances, ce sont les ‘Centres experts’, revanche de quelques universitaires sur le secteur, purs produits de la loi 2011. Leurs promoteurs se doivent de lire la critique des DSM IV et -5, l’absence de sérieux de la création de ces pseudo classifications, simples énumération de signes, sans liens, sans appui scientifique, ni validation, et annulant la dimension de ‘maladie mentale’. Ces Centres rassurent les familles, mais terrorisent les patients. Il faut le faire savoir. Elles viennent détruire le secteur, en dévalorisant la compétence diagnostique des équipes de secteur lesquelles selon eux ne sauraient pas poser les diagnostics. Le pire est qu’ils séparent diagnostic et traitements. Le tout basé sur une fausse science, sur de fausses certitudes. Le soin devient technique. L’équipe de secteur un sous-traitant docile !

Pour les différents troubles concernés dans toutes ces tentatives de spécialisation il s’agit au contraire d’entrainer les membres de l’équipe de secteur à confirmer leurs compétences par des formations complémentaires pour faire face à ces besoins en gardant l’appui relationnel local de chaque patient (que ce soient, la dépression, les troubles du sommeil, les troubles du comportement, les troubles alimentaires, les suicides, les urgences nous y avons insisté, les difficultés dues à l’avancée dans l’âge, les pathologies lourdes, les troubles durables faussement appelés chroniques, les troubles psychiques associés à des troubles physiques, en fait la liste est sans fin, … et à écouter certains la psychiatrie de secteur serait incapable de soigner ! alors que la réalité montre bien la succession possible de troubles différents chez la même personne et la validité de l’équipe de secteur, familière, proche, garante de la mémoire, disponible pour faire face à chaque fois). L’alcool et les drogues ont une place à part définie par les lois, et on sait l’importance que peut revêtir comme partenaire l’équipe de secteur. Au total l’équipe de secteur s’appuie sur deux types d’apports : les compétences internes multiples (et c’est pour cette raison qu’elle est construite de façon pluridisciplinaire, voir le livre des cancérologues), les compétences externes, c’est là que les généralistes jouent un rôle irremplaçable.

Le travail avec les généralistes est, pour chaque équipe de secteur, fondamental, à plusieurs titres. En premier lieu (c’est un préalable pour établir les liens avec les généralistes) chaque équipe de secteur doit par convention ou vacation se lier avec ‘un’ généraliste, disponible chaque jour pour évaluer l’apparition de difficultés organiques et savoir faire le choix entre le traitement médical in situ dans son équipe de secteur, ou l’envoi vers un service de médecine ou de chirurgie, dans le cadre même du fonctionnement quotidien de l’ensemble des lieux de soin de l’équipe de secteur. Rappelons qu’à la naissance du secteur (1960), la séparation de la psychiatrie et de la médecine paraissait une hérésie, doublée d’un danger ; pour cette raison le projet général de la psychiatrie de secteur aurait du être (pour certains administrateurs) de n’ouvrir des secteurs qu’entre les murs des hôpitaux généraux ;  d’ailleurs pour cette raison un tiers des équipes y a effectivement été rattaché ‘pour les protéger’ ! …. L’expérience a montré en fait que la psychiatrie y est souvent maltraitée, mise à l’écart, et occasion de lui subtiliser des moyens du fait des obligations multiples des directeurs, alors que dès le départ les équipes de secteur y ont déjà été toutes moins dotées. Au contraire la participation d’un généraliste à chaque équipe de secteur (cela existe actuellement assez souvent, mais n’est pas encore devenu la règle : un temps plein ou mi-temps au moins) permet de résoudre tout problème d’intrication physique-psychique, sans dévaloriser les soignants de la psychiatrie. Par contre vouloir faire pratiquer une partie de la psychiatrie par les généralistes est une illusion qui risque de provoquer bien des déceptions et des frustrations. Certes quelques généralistes font preuve d’une vraie compétence, ils sont rares. Aidons-nous mutuellement pour travailler en collaboration avec eux aussi souvent que possible, même de tenter des échanges de temps de formation commune. Ne prétendons pas les responsabiliser en psychiatrie pour réaliser une psychiatrie de niveau modeste, en fait dévalorisée, et à bas prix ! L’expérience prouve que c’est possible, mais reste limité. Facilitons les liens, les courriers, les rencontres (ce qui est possible quand tous les espaces de soins de l’équipe de secteur sont hors hôpital).

Les structures sociales et médico sociales sont un partenaire absolument indispensable nous l’avons vu. La continuité est encore à construire avec eux, la loi de 2005 fête son anniversaire l’an prochain, ce serait le moment pour apprécier si nos liens sont faciles, sinon de chercher à les retravailler dans le cadre de la MDPH. Les équipes de secteur doivent participer à leur élaboration et à leur complémentarité avec les soins en cherchant ‘la bonne distance’.

PATIENTS, GEM, COMITES, FINANCEMENT, UNIVERSITAIRES :

Les « patients » assemblés en associations, qui aimaient dans les années 2001-10 se faire appeler « usagers » doivent aujourd’hui faire l’objet d’une grande prudence, et d’un vrai respect de notre part.

La FNAPSY s’est décidée en 2014 à réaffirmer son appellation initiale « Fédération Nationale d’Associations de ‘Patients’ de la pSYchiatrie » et abandonner le terme d’usager (qu’elle avait choisi entretemps pour que les patients soient mieux reconnus, comme ‘citoyens’, avant d’être malades). Mais en raison des appétits provoqués par les effets de la loi 2005 sont en effet intervenues sur le terrain diverses personnes non-malades se disant aussi ‘usagers’, ceci seulement parce qu’elles ont fait partie de la famille ou des proches et disent qu’elles ont eu ainsi une expérience et ont souffert. Certes ! Mais c’est très différent. Les patients ont constaté que ces ‘acteurs’ externes à la maladie allaient même jusqu’à vouloir parler à la place des patients dans les différentes instances où l’État a reconnu la pertinence de leur participation (Établissements de soin et médico-sociaux, au niveau local, hospitalier, régional, voire national). Quelques psychiatres ont voulu à ce moment ‘importer’ du Canada, la notion d’’Empowerment’. Ce n’était que pour mieux ‘encadrer’ eux-mêmes des malades, en voulant faire croire que leur ‘expérience’ de la maladie leur donnait un savoir, un statut même, particuliers. Ils n’ont pas perçu que les malades n’ont besoin de leçons de personne pour choisir les mots qu’ils veulent mettre sur leurs souffrances, et sur les traitements qu’on négocie avec eux, ou qu’on leur impose. Ils n’ont besoin de personne pour en témoigner comme ils l’entendent. Ils défendent là leur ‘authenticité’.

C’est ainsi que des personnages extérieurs aux maladies psychiques se sont aussi introduits dans les associations gérant les GEM, groupes d’entraide mutuelle. L’urgence est donc de rétablir la garantie d’authenticité des acteurs, sans pour autant à notre tour venir prendre leur place. Le point de départ à soutenir est donc la création et le maintien de petites associations locales de patients (se fédérant en une fédération nationale), la prudence à avoir avec les associations qui se disent nationales d’emblée (elles sont toujours dirigées par des non-malades). Si nous sommes soignant ou acteur social nous devons accepter d’être simplement une « personne ressource » que les associations de patients peuvent utiliser selon leur désir à eux, nous ne pouvons être des « lieux-‘tenants’ de malades ». La France est l’un des rares pays où les malades ont gagné assez de liberté pour ne pas y être ‘coiffés’ par des faux-amis voulant agir et parler ‘à leur place’. Certains de ces acteurs extérieurs à la maladie psychiatrique, mais, voulant s’appuyer sur leur expérience d’autres maladies cherchent, pour s’introduire auprès de l’État, à s’habiller de termes intermédiaires, …qui ne leurrent personne.

Il en est ainsi des tentatives actuelles qui veulent créer au sein des hôpitaux des maisons des usagers, qui ont comme les GEM leur origine historique dans les clubs thérapeutiques, invention fabuleuse des années de la guerre dont s’est nourrie la Psychothérapie Institutionnelle pour mener la révolution jusque dans la gestion des hôpitaux avec son projet de ‘comité hospitalier’. Seulement les temps ont changé, nous cherchons aujourd’hui à diminuer aussi vite et nettement que possible l’hospitalocentrisme. Ce projet au contraire le renforce, et vient disqualifier les projets des malades à créer eux-mêmes de petites associations locales de malades. Il nous appartient de soutenir ces associations de patients et surtout les aider à vivre en dehors des établissements, car ces derniers, comme ces ‘maisons’ ne peuvent que chercher à les prendre sous leur tutelle, et les rendant à nouveau ‘dépendants’, ralentir leur chemin vers l’autonomie.

Il est temps de mesurer le progrès considérable fait en psychiatrie avec la création des GEM, ceux-ci en dehors de toute tutelle, montrent à tous, à la société, aux psychiatres incrédules, aux familles médusées, que les malades ont bien gardé leur capacité intellectuelle malgré des troubles graves, prolongés, et des traitements souvent très éprouvants. Ils ont gardé leur capacité surtout de choisir ce qui dans la vie quotidienne leur fait plaisir. Ils se montrent capables enfin de solidarité pour s’entraider, ils pourraient dans ce domaine en montrer à plus d’un non-malade qui se disent ‘citoyens’. … et sont si peu solidaires.

Il n’est donc pas question de laisser ce trésor être dévasté par les appétits habituels de la société alentour, mais par contre, comme le dit le rapport, demander l’augmentation de leur nombre, tout en mettant à distance les non-malades.

Quels sont les alliés des malades réunis en Fédération, en 2014 ? La FNAPSY sait qu’elle n’a pu faire sa percée que parce qu’elle a eu l’intelligence de faire ‘front uni’ avec les familles, l’UNAFAM. C’est ce qui s’est passé de 2001 à 2010. Après la brouille récente autour des violences induites par la loi de 2011 sur l’obligation de soin, la FNAPSY va recréer des liens tout en continuant à veiller à sa différence et son indépendance.

Il n’est pas étonnant, de voir se multiplier la générosité et les bonnes intentions autour de maladies et handicaps psychiques. Il est nécessaire seulement de se concerter suffisamment ensemble pour ‘veiller au grain’. C’est la même prudence qu’il faut avoir à l’égard des instances qui cherchent à se multiplier pour soutenir, ‘encadrer’, ou parfois ‘tenir à distance’ les malades psychiques. Ainsi les projets de « comité » qui fleurissent. Sans aucunement décourager les élus qui veulent se mobiliser autour de la psychiatrie (leur rôle est considérable à l’interface de la société et de la folie, pour faire reculer la stigmatisation) il faut ensemble que chacun puisse continuer à jouer son rôle sans empiéter sur celui des autres. Un exemple est donné avec les ‘comités de santé’ qui se mettent en place et qui choisissent un élu comme président pour analyser la ‘santé’ de leur population et veiller à sa bonne évolution : d’emblée il y a conflit d’intérêt ! La civilisation moderne est très exigeante, et sur des points différents de celles qui précèdent : la sécurité est la première exigence de la population, la folie est le premier danger dénoncé entre personnes qui se connaissent peu. L’élu peut-il faire autrement que se soumettre à cette demande collective ? La marge de manœuvre est plus qu’étroite pour l’élu dirigeant un tel comité surtout si celui-ci s’autorise à parler de personnes précises, au lieu d’en rester à des questions générales et de prévention. D’emblée dès que l’on parle de personnes précises les soignants sont exclus des débats, sinon ils brisent le secret professionnel. Les élus alors occupent toute la place et vont toujours veiller au bien commun d’abord : la tranquillité de l’ordre public, avant le bien-être limité d’une personne ou deux. Il y a conflit d’intérêt. Ces Comités sont essentiels pour diminuer l’image stigmatisante des maladies mentales. Il est indispensable que leur objectif soit précis : jamais de cas individuels, présidence collégiale élu-soignant et non unique, aborder de préférence la question de ‘la souffrance psychique’ domaine commun (ce n’est pas la maladie) que tous partagent et qui n’est pas l’apanage de la psychiatrie. Comité où sont examinées les questions collectives d’accueil et la qualité reconnue des prestations, tant de soins que sociales, insuffisances de logements disponibles, abord de la qualité de vie des quartiers, participation des différents acteurs y compris des représentants des patients à la multiplication de débats favorisant la tolérance en témoignant des différences à respecter et apprécier, la connaissance mutuelle des rôles de chacun dans la Cité, … Quelques aspects de prévention aussi certainement.

Dans l’un de ces Comités il est tout à fait pertinent d’évoquer les projets de l’équipe de secteur, et de ses partenaires sociaux et médico-sociaux, ne serait-ce que pour les faire connaître puis pour les faire valider par les représentants de la population. Il faudrait renouer avec les habitudes que certains avaient pris au début de la psychiatrie de secteur :

-d’une part faire des « rapports d’activité annuels » aussi riches que possible avec évolution globale de la file active annuelle, présentation des divers liens mis en place, des contacts, des recherches, des nouvelles préoccupations de l’équipe, … c’est une excellente ‘carte de visite’,

-d’autre part de proposer régulièrement les ‘projets’ de l’équipe, mais sur le long terme, sous forme de « Projet quinquennal », donnant toute sa force à l’ampleur de la tâche entreprise « au long cours » par toute équipe de secteur. Ce n’est que dans ce cadre que peuvent se soutenir des ‘perspectives préventives’ qui font partie des préoccupations tant de l’équipe que des représentants de la population (par exemple l’influence négative de certaines contiguïtés dans la ville, et la recherche de solutions préventives à de telles inquiétudes).

Enfin le financement est pour le rapporteur une question majeure.

Il ne s’étend pas mais affirme deux choses, nettes, à chacun de continuer sur cette lancée :

-Rapport p83 « La tarification à l’activité n’est pas pertinente tant la prise en charge au long cours d’un patient ne saurait se réduire à une succession d’actes et nécessite l’installation de relations humaines de qualité, aussi chronophages que difficiles à appréhender par un tarif ».

« Un autre modèle doit être trouvé ». La loi HPST dont les pôles sont inadéquats aussi …

Il doit donc faire l’objet d’une réflexion approfondie qui saura d’abord tenir compte des soins psychiques, tenir compte de la révolution que constitue la politique de secteur, et trouver des projets de financement qui tiennent compte de sa spécificité dans le monde médical. Des projets qui tiennent compte des erreurs du passé et prennent de la distance avec les règles classiques de la médecine, tout en ayant un maximum de rigueur.

Pour terminer ce survol, nous affirmons que c’est vers la question de la formation que nous devons nous tourner, c’est là que se rassemblent nos espoirs. Avec plus de lucidité encore.

La psychiatrie de secteur a été mondialement reconnue pendant plus de 20 ans comme la plus performante, la plus efficace car la plus nuancée puisque la plus intégrée dans la vie sociale.

Nous avons vu que, non soutenue clairement par l’Administration après 1990, elle a dû faire face aux oppositions des autres pratiques, venant à la fois l’OMS et ses propositions inadéquates pour la France et des USA menés par les laboratoires. Elle a résisté.

Reconnaissons que les Universitaires ont un rôle clé pour l’avenir. Certes ils n’ont de leçons à recevoir de personne. Par définition. Mais ils sont ‘citoyens français’. Comme l’Administration Centrale, dont ils sont très proches, ils n’ont pas perçu l’enjeu véritable de la psychiatrie de secteur ni le changement culturel qu’elle engageait. Ils sont restés pris dans les ‘rets’ des publications internationales, soumis à leur joug pour être reconnus, alors que pour celles-ci la psychiatrie de secteur n’existe pas. Aujourd’hui ils se voient limités à être les ‘faire-valoir’ du DSM-5 qui se sert d’eux. La France n’en a pas besoin. La France est avec l’Allemagne, l’un des pays où la réflexion clinique a été la plus approfondie pendant 2 siècles (ceci se mesure par exemple au creux du livre de A. Frances). Elle a en plus réussi l’exploit de mettre en place, contre vents et marées, la Politique de Secteur pendant 50 ans. Les Universitaires français ne peuvent-ils aujourd’hui inverser la pression internationale et se promouvoir les chantres de la politique de secteur ? La faire reconnaître comme étant simplement une psychiatrie où les liens humains sont tissés, travaillés, avec le maximum de finesse, simultanément éclairés par l’héritage de l’ancienne clinique. Et s’appuyant sur la promotion des multiples formations de psychothérapie ils vont pouvoir la montrer comme une nouvelle clinique nuancée, subtile, étayée par les observations rassemblées par les équipes de secteur (50 années d’archives accumulées sur les soins au long cours dans les différents secteurs de France offrent un trésor pour les recherches qui n’existe dans aucun pays).

La France, selon certains de l’OMS serait trop riche ? Elle déploie encore, mais avec de plus en plus de difficultés, une psychiatrie de secteur, hélas de plus en plus ‘inégale’. Simultanément depuis 10 à 20 ans elle cherche en parallèle à multiplier ce que certains veulent décrire comme les bijoux de la psychiatrie moderne (centres-experts, superspécialisations se voulant ‘spectaculaires’). En fait ceux-ci ne brillent que parce qu’autour la psychiatrie de secteur leur offre un terrain d’appui dont ils ont besoin au quotidien.

En réalité la France n’est pas assez riche pour mener de front psychiatrie de secteur que l’on empêche de respirer et des ‘bijoux’ qui ne sont utiles qu’à la notoriété de leurs auteurs.

Au contraire les Universitaires en lien avec les généralistes peuvent inverser ce mouvement, faire déployer la ‘Clinique de secteur’, une psychopathologie où l’environnement relationnel est étudié avec attention, montrant la complémentarité entre soins et appuis relationnels proches, tout en continuant à utiliser les apports modernes et ‘adéquats’ (parce qu’encadrés) de la chimiothérapie, des imageries, du comportementalisme, tous complémentaires.

Les universitaires pourront avoir enfin, à l’image de ce qui s’est passé en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent avec le Professeur Misés, comme objectif de refaçonner une classification simplifiée des maladies mentales et résister à la puissance des USA.  Audace !

C’est dans cette nouvelle classification que les universitaires vont trouver la clé qui les fera sortir du joug international qui les enferme. Cette nouvelle psychiatrie est une psychiatrie ‘généraliste’ capable de développer sur son propre terrain tous les approfondissements divers, que d’autres ont voulu créer en dehors d’elle. La complémentarité nécessaire des théories et des pratiques peut et doit se déployer en interne dans les équipes (ce que soutiennent les cancérologues qui y voient la raison de la notion d’équipe).

Aucun autre modèle ne remplacera cette qualité de la relation thérapeutique telle qu’elle peut s’épanouir dans la psychiatrie de secteur, intégrant les compétences complémentaires des généralistes, des familles, des patients en associations, des acteurs sociaux.

Chacun a donc sa place dans la rénovation de la Politique de Secteur.

L’élu, qui a présenté ce rapport à l’Assemblée Nationale le 18 décembre 2013, Denys Robiliard, pourtant extérieur à la psychiatrie, a bien ‘perçu’ ces potentialités.

Soulignons la place centrale dans cette rénovation que joue la ‘formation permanente’. Elle est indispensable pour soutenir la pratique des équipes de secteur au quotidien, en raison des implications psychiques constantes du soin pour chaque membre des équipes de secteur. La nécessité constante de l’empathie, de la compassion même, utilise les ressources psychiques de chaque soignant, celui-ci doit recharger ses accus par des échanges personnels et collectifs réguliers. Appui des ‘motivations’ qui permettent d’exercer ces métiers au plus proche d’une souffrance dont les limites sont incertaines (exigence que les cancérologues soutiennent).

En CONCLUSION il y a longtemps que nous n’avions pas eu un rapport aussi stimulant.

En tout premier lieu il montre bien, à l’encontre de tout ce qui se dit sur la psychiatrie, qu’un consensus est possible, et qu’il peut être très large.

Il donne le désir de venir le compléter par des expériences, des références, des réflexions faites et à faire sur le cœur même de la souffrance psychique et des troubles psychiques graves, de leurs liens avec la vie, avec la citoyenneté, toutes données que, nous le savons, les différents acteurs, l’Administration Centrale d’abord, les citoyens ensuite, les universitaires, les acteurs des différentes institutions républicaines enfin, auront envie de s’approprier. Parler en termes simples des troubles psychiques graves, et des tenants et aboutissants de la santé mentale, redonne de la clarté, de l’espoir aux différents acteurs, leur donne l’idée de « projets qui incluent », préférables aux jérémiades de certains médias croyant que le désir de la majorité de la population serait « d’exclure »! (et de plus en plus car une fois la pente tracée !)

La prétention de notre propos portant sur le rapport Robiliard n’est certainement pas d’être exhaustif, mais d’apprécier la qualité de tremplin qu’a ce rapport pour la pensée et pour l’action à l’égard d’un champ qui inquiète toujours tout citoyen, au moins à voix basse. Faire reconnaître à la folie sa valeur d’humanité (au lieu de se perdre dans les bonnes intentions d’hygiène et de bonne santé préventive). Ne pas craindre de prendre à bras le corps d’abord les questions les plus difficiles et les plus complexes, celles des troubles psychiques graves, celles de la formation. Nous en retirerons toujours une meilleure connaissance de l’âme humaine, cela nous aidera à vivre, vivre en s’appréciant soi-même et appréciant les autres.

Alors un dernier mot, pour soutenir cela. Nous voulons évoquer ici la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, qui n’est citée que dans l’introduction de cet essai. Je peux témoigner avec beaucoup d’entre nous qu’en réalité non seulement cette part de la psychiatrie est présente à toutes les pages. Nous avons souvent dit que c’est là que s’est développée au mieux la psychiatrie de secteur. Mais nous témoignons aussi que c’est elle qui a apporté le plus de richesses et d’espoirs à la psychiatrie, pour deux raisons :

-elle nous éclaire constamment sur le psychisme et ses liens, associant les réflexions psychanalytiques, psychiatriques et celles des neurosciences sur cette merveille, renouvelée à chaque fois, qu’est la naissance d’un esprit dans une boule de chair et de douleur : le bébé,

-cette merveille se renouvelle régulièrement grâce à la rencontre entre deux êtres qui se transforment mutuellement avec et dans l’amour, le bébé et sa mère. Double merveille ! Qui nous apprend tout pour la suite de la vie.

Tout en pensant pouvoir participer par ces propos à l’enrichissement des 30 propositions, ne pourrions-nous recommander d’y ajouter celle-ci ?

« Aider l’Administration Centrale à se doter d’un langage et d’outils d’analyse qui accompagnent vraiment la « révolution culturelle » que la psychiatrie de secteur a opéré dans les soins. »

Un séminaire introductif aux travaux sur les mots à choisir et les données qui peuvent être recueillies en psychiatrie tenant compte de la révolution apportée par la reconnaissance de la politique de secteur pourrait être le premier résultat du rapport de Denys Robiliard

Tout ce que nous venons d’esquisser, et bien plus encore, en découlera.

Encore faut-il que, forts de cette lucidité évoquée ici, nous ayons la volonté d’en faire notre combat !

PS ce texte en trois parties a fait l’objet d’une lecture attentive de Claude Finkelstein, Présidente de la FNAPSY, Yves Gigou, cadre infirmier supérieur, Dimitri Karavokyros, psychiatre des hôpitaux

Guy Baillon, psychiatre des Hôpitaux

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