Billet de blog 6 mai 2011

silenceontourne

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Là quand même...

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Bonjour!

Lisant avec beaucoup d'intérêt les récents articles de cette édition, j'ai de nouveau trébuché sur certains mots et certaines locutions. Ainsi va le questionnement permanent.

"Fou" est un vocable qui fait débat, voire conflit et reproches. "Malade mental" est désormais proscrit; comme "sourd" et "vieux", termes rangés dans le tiroir des anachronismes, les mots de la réalité étant bannis au nom de la sacro-sainte litote. "Ah, cachez-moi ce sein, que je ne saurais voir", disait Tartuffe en lorgnant sur les appas de la dame!

"Malade" est devenu un vilain mot, dans notre société de promotion du corps, sinon de l'esprit, "super-sain". On n'use en fait plus ce mot que lorsqu'on a un rhume, juste pour se faire plaindre et/ou crédibiliser un arrêt de travail discutable... "Mental" me renvoie à ces propos entendus dans mon enfance, des "maladies qui ne se disent pas" (sic). Or mens, mentis, c'est l'esprit; juste un avatar latin de la psyché grecque... Mais voilà, c'est connoté!

Tout est là, me semble t-il. Chaque signifiant mérite qu'on s'attarde sur son contexte, son usage protéiforme, son appropriation idiolectale, les intérêts qui sous-tendent son utilisation.

Etre ou avoir? Il a une hépatite, il est schizophrène: telle est la question. En y regardant de près, "il est psychotique, il est toxicomane, il est sidéen, il est tuberculeux, il est alcoolique, etc.", cela renvoie de façon indéniable avec un certain positionnement de celui qui dit, une manière de suggérer ce qu'il en pense; un état dont au mieux on se distancie , un état qu'on juge néfaste, voire condamnable, au pire.

Ce verbe être désigne ou stigmatise l'atteinte, en identifiant l'être et son trouble, en assimilant la personne et sa pathologie (ou son comportement). Ca me paraît choquant. Singulièrement en ce qui concerne le terrain qui nous concerne ici, "il est psychotique", assimilé à "il est fou", ce qui d'ailleurs est un non-sens, puisque ces deux désignations ne se réfèrent pas aux mêmes champs de signification.

Une des causes du conflit permanent entre lecteurs et locuteurs sur l'usage des termes réside dans toutes les variations sur un seul thème que produisent les positions de leurs utilisateurs: un professionnel ne parle pas comme "les professionnels", un parent ne parle pas comme "les parents", un journaliste ne parle pas comme un sénateur, l'homme de la rue ne parle pas comme le travailleur social, un malade ne parle pas comme "les fous" (pour autant qu'il ou ils aient la parole). Selon la place, l'idée, la culture qu'on a, selon le positionnement personnel ou collectif, observateur ou militant qu'on adopte, selon les affects, et singulièrement la peur et l'aversion, ou l'intérêt et l'empathie qu'on en ressent, chacun qui parle ne parle pas de la même chose...

D'où, et c'est le (les!) sens du titre, la nécessité d'accepter comme objets d'examen les malentendus, de "traduire la langue".

JC Duchêne, jardinier stagiaire à vie

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