Billet de blog 6 septembre 2015

André Bitton pour le CRPA (avatar)

André Bitton pour le CRPA

Président du Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie (CRPA), ancien président du Groupe information asiles (GIA), ex-psychiatrisé.

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Une représentation des usagers en psychiatrie sans contenu

La représentation des patients en psychiatrie a été structurée progressivement de façon aussi neutralisée que possible. La très ample majorité des représentants d’usagers en psychiatrie confondent le fait de siéger avec l'essentiel de leur mission.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Paris, le 4 juin 2015. Cet article a été publié en août 2015 dans le n°17, juin 2015, des Cahiers de santé publique et de protection sociale. Fondation Gabriel Péri.    

Sur l'auteur, note [2] en bas de texte.  

1. - Historique succinct

Contrairement à ce qui se dit souvent sur ce sujet, ce n’est pas la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui instaure la représentation des usagers dans le système de santé, mais la loi prise par ordonnance du 24 avril 1996, portant réforme de l’hospitalisation publique et privée[3]. Cette loi hospitalière d’avril 1996 a été prise par ordonnance suite au fait que le Gouvernement d’Alain Juppé avait été autorisé par le Parlement à légiférer sans débat parlementaire sur ce sujet. Cette période s’inscrit dans la suite de la grève des cheminots de décembre 1995 qui avait paralysé le pays, contre la volonté du Gouvernement de réformer les retraites ainsi que  la sécurité sociale.

L’article 42 de cette ordonnance du 24 avril 1996 réformant l’hôpital stipulait dans un nouvel article L. 714-2 du code de la santé publique, que le Conseil d’administration des établissements publics de santé devait comprendre en plus des représentants des collectivités territoriales et des corps de métier hospitaliers, des personnalités qualifiées,  des représentants des usagers, ainsi que des représentants des familles de malades dès le moment où l’établissement accueillait des longs séjours.

C’est la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades qui va fixer le cadre législatif de cette représentation des usagers par un article L 1114-1 du code de la santé publique[4]. Elle  instaure que seules les associations d’usagers qui se sont vues octroyées un agrément par l’autorité administrative régionale (à l’époque les Agences régionales d’hospitalisation, remplacées le 21 juillet 2009 par les Agences régionales de santé de la loi Hôpital, patients, santé, territoires), ou nationale (la Direction générale de la santé), peuvent représenter les usagers dans les instances sanitaires.

Une loi de santé publique du 11 août 2004  va compléter ce dispositif en instaurant une commission nationale d’agrément (CNA) siégeant à la direction générale de la santé, et donc au Ministère de la santé, dont les membres sont désignés par arrêté du Ministre  de la santé, et qui est chargée de délivrer un avis sur les demandes d’agrément des associations d’usagers  du système de santé pour que celles-ci puissent assurer la représentation des usagers dans les instances sanitaires.

L’avis de cette  commission,  qui est tout sauf indépendante et impartiale, lie l’autorité régionale ou la DGS, qui prennent par arrêté la décision d’agrément ou de refus d’agrément concernant l’association d’usagers qui  a introduit un dossier de demande d’agrément pour la représentation des patients dans les instances sanitaires.

La loi du 21 juillet 2009, dite « loi HPST », complète  ce dispositif en contraignant à une déclaration auprès de la HAS (Haute autorité de santé), par les firmes pharmaceutiques des montants qu’elles allouent aux associations de patients qu’elles soutiennent.

Enfin un décret du  31 mars 2005 détaille les conditions de l’agrément des associations représentant les usagers dans les instances de santé, et le fonctionnement de la Commission nationale d’agrément qui délivre les avis concernant les demandes d’agrément formulées par les associations de patients auprès de l’autorité administrative sanitaire.

C'est donc ainsi progressivement tout un système de tutelle des associations d'usagers par l'Etat qui est mis sur pieds. Tout d’abord et progressivement les associations de patients se sont vues poser des conditions de plus en plus drastiques par les pouvoirs publics pour pouvoir exister en étant incluses dans le système de représentation institutionnel des patients. Puis ensuite et clairement à partir du décret du 31 mars 2005, l’administration centrale du Ministère de la santé, par sa mainmise sur la Commission nationale d’agrément dont les membres n’ont que très peu de latitudes par rapport au Ministère de la santé, s’est assurée une mainmise sur la représentation des usagers dans le système de santé.

Dans de telles conditions, on ne saurait s’étonner avoir constaté dans tels établissements de santé connaissant des conflits sociaux importants, que les représentants d’usagers aient servi, d’ailleurs essentiellement par leur absence de point de vue, pour la direction administrative de ces établissements, à casser les personnels hospitaliers récalcitrants à obtempérer dans le cadre des politiques de restructuration hospitalière que nous avons connues depuis une vingtaine d’années. On ne peut pas non plus s’étonner avoir constaté que les ministres successifs de la santé, aient pu se prévaloir pour des réformes très contestées, d’avoir recueilli l’accord des associations d’usagers, puisque les cabinets ministériels successifs consultent les représentants  des associations de patients agréées selon les fourches caudines de l’agrément administratif dont nous avons vu plus haut certaines arcanes. Sachant que les représentant des usagers en question n’ont pas d’indépendance par rapport aux pouvoirs publics, puisque ceux-ci sont en même temps les décideurs de fait de leur agrément pour la représentation des patients mais aussi très souvent leurs bailleurs de fond par le biais  des subventions, ainsi que tel est le cas pour le champ psychiatrique. 

En matière psychiatrique le constat ne manque d’ailleurs pas de piquant.

2. - La représentation des usagers en psychiatrie et santé mentale :

Sur le terrain psychiatrique, des représentants des patients ont certes été cooptés (car il s’est agi d’une authentique politique  de cooptation menée par des directeurs d’hôpitaux et par l’administration centrale du Ministère de la santé), dès la fin de l’année 1996. En 1997, des représentants de la FNAP PSY (fédération nationale des associations de patients et  ex-patients des services psychiatriques), devenue depuis la FNAPSY (fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie), siégeaient dans les Conseils d’administration des principaux hôpitaux psychiatriques sectorisant Paris.

La représentation des patients en psychiatrie a été structurée progressivement de façon aussi neutralisée que possible. Précisons qu’en 1997, le  fait en soi que des usagers siègent  dans des instances médico-psychiatriques était à soi seul, une révolution. Mais depuis lors - cela a été le tournant des années 2005 et suivantes - la très ample majorité des représentants d’usagers  en psychiatrie et en santé mentale ont confondu ce seul fait de siéger, avec l’essentiel de leur  mission, considérant que représenter les usagers dans le système de santé c’est essentiellement siéger, point… En pratique ce n’est jamais qu’un strapontin qui a été concédé par les pouvoirs publics et les institutions psychiatriques à quelques usagers du système psychiatrique dument sélectionnés. Le principe étant que ces usagers censés représenter la communauté des patients en psychiatrie s’estiment heureux qu’on les désigne et les convie à des réunions où le seul fait de côtoyer des notables sert de renforcement. On peut ainsi légitimement parler d’une représentation qui manque  singulièrement de contenu.

Certes cette politique de désignation de représentants d’associations d’usagers  en psychiatrie a pris un certain essor au fur et à mesure de la décennie 2000, mais force est de constater que, pour l’essentiel, ces représentants d’usagers provenaient d’associations de patients et de proches, prônant la compliance aux traitements, et tenant d’une absence de critique des pratiques institutionnelles psychiatriques dont on sait pourtant à quel point elles peuvent être aberrantes. En regard de cette neutralisation structurelle des points de vue, la présidente de la FNAPSY a pu apparaître révolutionnaire par certaines de ses positions. Néanmoins force est de préciser d’une part qu’elle était bien seule, et d’autre part qu’elle bénéficiait d’une tolérance, d’une marge de manœuvre qui lui était laissée par l’UNAFAM, par la Conférence des présidents des Commission médicales des établissements psychiatriques, et par l’administration centrale. Cette  politique « d’opposition à Sa Majesté », qui consiste en quelques écarts  déclaratifs du moment que rien ne change sur le terrain des principaux objectifs de la technostructure sanitaire.

Ainsi en 2010, à l’époque où le Groupe Information Asiles (GIA) que je présidais, allait par sa dynamique juridique et procédurale emporter des décisions sur questions prioritaires de constitutionnalité du Conseil constitutionnel censurant l’absence de contrôle judiciaire systématique des hospitalisations sans consentement, nous étions parfaitement isolés parmi les associations d’usagers dans cette lutte pour les droits fondamentaux des personnes hospitalisées sans consentement ou  contraintes aux soins par le biais des anciennes sorties d’essai.

A cette même époque, en mai 2010 pour être exact, la Ministre de la santé Mme Roselyne Bachelot, déposait un projet de réforme des soins psychiatriques sans consentement, en proclamant que son ministère avait eu l’aval des associations d’usagers. En effet d’ailleurs, puisque la principale de ces associations d’usagers (la FNAPSY) était de fait sous la tutelle des pouvoirs publics quant à ses subventions qui  venaient d’être renégociées à la baisse, mais aussi de l’UNAFAM, association des familles des patients psychiatriques, militante pour des internements facilités ainsi que pour une légalisation de la contrainte aux  soins psychiatriques ambulatoires sans plus amples garanties juridiques.

Les autres associations d’usagers en psychiatrie agréées nationalement étant elles aussi sous la coupe de diverses institutions psychiatriques, de l’Etat, ainsi que sous l’influence de parents de patients, ont donc fait silence  – un silence blessant d'ailleurs en regard de la problématique des droits fondamentaux des personnes internées ou sous contrainte aux soins psychiatrique -  sur le projet de réforme du gouvernement de Nicolas Sarkozy, qui était marqué d’une très nette idéologie sécuritaire et  d’un hygiénisme non moins clair.

Seule l’association d’usagers Advocacy France, politiquement marquée à gauche de par ses dirigeants fondateurs, par ailleurs anciens professionnels en santé mentale, marquait ses distances par rapport au projet de réforme du Gouvernement d’alors en participant à la contestation qui se développait. Etant précisé que cette contestation était surtout le fait de syndicalistes soignants opposants au projet de réforme sécuritaire précité. Mais cette association allait également progressivement rentrer dans le rang, au long de l’année  2013. Le 6 octobre 2013, le renouvellement pour cinq ans de son agrément pour la représentation des usagers dans le système de santé étant en jeu, son responsable mettait profil bas dans un mail circulaire adressé à titre principal à la cheffe du Bureau santé mentale de la Direction générale de la santé. L’agrément national d’Advocacy France pour la représentation des usagers du système de santé fut renouvelé pour une durée de cinq ans par arrêté  du  Directeur général de la santé du  22 octobre 2013[5]. L’emprise tutellaire des pouvoirs publics l’avait ici emporté. 

Les autres associations d’usagers en psychiatrie et en santé mentale agréées au plan national pour la représentation des usagers (France Dépression, Argos 2001, AFTOC, Schizo ? oui !), sont des  associations thématiques par pathologie, impliquées à un titre ou à un autre dans des programmes institutionnels liés aux firmes pharmaceutiques, qui militent auprès des patients, pour que ceux-ci acceptent les traitements et les prises en charge on ne peut plus classiques de la psychiatrie biologique. Cette psychiatrie dont nous ne voulons pas, du moins de ce côté-ci de la barrière, du côté de celles et ceux qui entendent lutter contre la médicalisation de nos existences, et contre le rabotage de ce qui est notre humanité même par voie de neuroleptiques, et autres psychotropes légaux.

3. - Quelques exemples de cette représentation inconsistante des usagers en psychiatrie. 

Le CH  Henri Ey, Paris 13ème, dépendant du Groupe public de santé Perray-Vaucluse fut inspecté par le contrôle général des lieux de privation de liberté du 26 au 30 avril 2010. Un rapport d’inspection fut établi un an et demi plus tard  et communiqué début 2012 au secrétariat d’état à la santé. Ce rapport est publié sur le site du Contrôleur général des lieux de privation de liberté  (CGLPL)[6]. Dans ce rapport qui  mentionne l’existence de représentants des usagers dans cet établissement, une page  et demi et 46 lignes sont consacrées aux positions des deux  représentants de l’UNAFAM. 13 lignes sont consacrées aux déclarations du représentant des usagers, représentant la FNAPSY, soit moins d’une demi-page. Comme cette demi-page l’établit, le représentant des usagers au titre de la FNAPSY déclare pour l’essentiel : « …sa satisfaction de pouvoir participer à un certain nombre de réunions, notamment à la CRUQPC …», ainsi que sa « … satisfaction au regard des relations établies avec la directrice de l’hôpital… ».

Or, à cette même époque, dans le cadre du Groupe Information Asiles dont j’assumais la direction j’avais co-organisé le lancement d’une action juridique contre la mort par surdose  médicamenteuse et abus de contention avec isolement d’un patient quadragénaire, décédé à l’unité des soins intensifs de cet établissement en février 2008. La Cour  administrative d’appel de Versailles annulait le 8 février 2011, sur illégalité externe, la décision de la directrice du CH Henri Ey d’admettre en hospitalisation à la demande d’un tiers cet homme  décédé au cours de cette HDT[7]. Cette procédure est  toujours en cours actuellement au plan indemnitaire devant le Tribunal de grande instance de Paris.

Etaient également en jeu quelques autres affaires qui avaient impacté le CH Perray-Vaucluse avant son déménagement fin 2004 sur le site du 13ème arrt de Paris, sur lesquelles ce représentant des usagers au titre de la FNAPSY avait fait un silence total, ne prenant aucune position en défense des droits des personnes internées sur ce site. Etant précisé que ce représentant des patients siège  es-qualité au Conseil de surveillance et à la Commission des relations avec les usagers de ce groupe de santé depuis 1997, soit depuis  18 ans.

Dans d’autres établissements la fonction de représentant des patients est occupée par un représentant de l’UNAFAM, faute de postulant qui puisse être agréé (comprendre : qui puisse être co-opté). Ailleurs encore, ce sont des représentants des UDAF (Unions départementales des associations familiales), ayant une délégation de mission de service public pour la  gestion des curatelles et tutelles déclarées vacantes au plan familial par les juges des tutelles, qui occupent cette fonction de représentant des malades dans les instances de tel établissement hospitalier spécialisé en psychiatrie. Ce qui d’ailleurs ne manque pas de sel. Ainsi ce sont les tuteurs et curateurs des pensionnaires touchant une allocation aux adultes handicapés qui  représentent ces mêmes personnes handicapées dans les instances de direction des  hôpitaux de secteur où elles sont tenues, réduites au silence, déshumanisées sous  des traitements psychiatriques puissants, enfermées quand cela chante à celles et eux qui les tiennent, éventuellement à la demande du tuteur ou du  curateur de l’UDAF qui siègent dans ces mêmes établissements en qualité de  représentants des patients…

Dans les cas de figure minoritaires où ce sont des représentants de patients, eux-mêmes anciens patients qui occupent ces fonctions, les institutions psychiatriques ne font guère désigner que des gens qui sont convenus de faire potiche et de s’accrocher à leur strapontin de peur que celui-ci ne leur soit retiré. Nous avons même entendu dire que lors d’entretiens, qui font penser de près  à des entretiens d‘embauche, pour des postulants d’associations d’usagers agréées, en vue d’occuper un poste de représentant d’usagers par exemple dans une Commission des relations avec les usagers de tel site hospitalier, la direction des usagers de l’hôpital en question tenait prêt un curriculum vitae type, pour que les postulants puissent avoir une idée du profil attendu…

Je précise que la désignation d’un représentant des usagers dans une instance d’un hôpital public se fait par arrêté du Préfet (à Paris du Préfet de Police), sur avis du directeur de l’hôpital et du directeur de l’Agence régionale de santé.

Comment dire après cet exposé synthétique, que les représentants des usagers  dans les instances sanitaires, singulièrement en psychiatrie où se jouent des enjeux de sécurité publique ayant trait aux hospitalisations sans consentement, ne sont pas soigneusement sélectionnés pour leur soumission et pour leur acceptation de la politique des directions des hôpitaux et de la techno-structure sanitaire ? Qui des représentants des usagers en psychiatrie et en santé mentale actuellement en place échappent à ce sombre constat ? Malheureusement très peu de ces représentants.

4. - Propositions de réforme de l’agrément des associations d’usagers en santé

Notre constat est que le système de la représentation des usagers dans le système de santé, et singulièrement en psychiatrie, doit être réformé et repensé. Nous ne pouvons pas valablement continuer  sur une telle structuration de ce que l’on appelle officiellement la « démocratie sanitaire », puisque  officiellement la représentation des usagers dans le système de santé est  couverte par ce concept.

Une solution juridique serait, entre autres possibilités, de donner son indépendance à la Commission nationale d’agrément, sachant que  cette Commission siège actuellement au Ministère de la santé, et que son secrétariat est assuré par des fonctionnaires de la Direction générale de la santé. En conséquence de conférer à cette Commission le statut d’une autorité administrative indépendante, sur le modèle de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs), ayant un budget autonome et donc un secrétariat autonome. Les avis de cette Commission seraient certes consultatifs, mais pourraient néanmoins avoir force de jurisprudence précontentieuse, au même sens que les avis de la CADA peuvent faire jurisprudence. La juridiction administrative serait ainsi plus aisément et plus rapidement compétente, en cas de désaccord entre l’autorité administrative décisionnaire de l’agrément et l’association sollicitant un agrément. 

On pourrait aussi imaginer que l’administration et la Commission nationale d’agrément ne puissent plus, sauf des exceptions précises et probantes, en vertu d’une précision rajoutée à l’article L. 1114-1 du code de la santé publique relatif à la représentation des usagers, s’immiscer dans l’organisation interne des associations d’usagers en santé. Cela au  titre  du maintien du principe de la liberté contractuelle qui est à la base du contrat d’association.

5. - A propos d’une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le CRPA, sur la représentation des usagers dans le système de santé.

Sur ces différents points un contentieux est actuellement en cours devant le Tribunal administratif de Paris, qui oppose le Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA), à l’Agence régionale de santé d’Île-de-France, sur le refus de cette Agence en date du  24 novembre 2014, sur avis conforme de la Commission nationale d’agrément, d’octroyer  au CRPA un agrément pour la représentation au plan régional francilien des usagers du système de santé. Le motif pris de ce refus  d’agrément étant que le CRPA connaît de par ses statuts un déficit démocratique interne, étant précisé que cette association est essentiellement militante et fonctionne sans subventions. Par contre le CRPA a déjà fait condamner l’Etat, ministère de la santé, par un important arrêt du Conseil d’Etat du 13 novembre  2013[8], et a pu emporter une décision d’inconstitutionnalité partielle prise par le Conseil constitutionnel sur QPC le 20 avril 2012, de la loi du  5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement[9].

A l’occasion d’un échange  de mémoire, le CRPA a déposé le 4 mai dernier des conclusions à fin de question prioritaire de constitutionnalité visant l’article L. 1114-1 du code de la santé publique qui légifère sur l’agrément des associations d’usagers et la représentation des usagers dans le système de santé. Les points d’inconstitutionnalité  soulevés dans ce mémoire à fin de QPC du CRPA visent les principes constitutionnels de la liberté d’association, de la liberté contractuelle, de la séparation des pouvoirs ainsi que le  fait que le juge judiciaire est garant des libertés individuelles. Ce dernier argument étant propre au terrain psychiatrique puisque les mesures d’hospitalisations sans consentement ont été reconnues par plusieurs décisions QPC du Conseil constitutionnel comme étant des mesures privatives de liberté, impliquant un contrôle obligatoire du juge judiciaire, et ouvrant de ce fait un droit à la défense pour les personnes hospitalisées sans leur consentement en milieu psychiatrique. 

La question de la transmission ou de la non-transmission de cette QPC par le Tribunal administratif formant un premier filtre, au Conseil d’Etat, en tant que deuxième filtre, en vue d’une saisine du Conseil constitutionnel, devrait être examinée à la fin du mois de juin par le tribunal administratif de Paris.

La constitutionnalité du schéma actuel de la représentation des usagers, singulièrement en psychiatrie, se trouve ainsi juridiquement questionnée. En espérant que cela fasse  jurisprudence et que ce système puisse ainsi être rediscuté et repensé.

Précision sur ce contentieux : Le Tribunal administratif a rejeté nos demandes par jugement du 15 juillet 2015, dont nous venons de relever appel devant la Cour administrative d'appel de Paris.

Pour retrouver cet article sur le site du CRPA : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/521

CRPA - Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie [1]

Association régie par la loi du 1er juillet 1901 | Ref. n° : W751208044

Président : André Bitton. 14, rue des Tapisseries, 75017, Paris | Site : http://crpa.asso.fr  


[1] Le CRPA est partenaire de l’Ordre des avocats du Barreau de Versailles (Yvelines) sur la question de l’hospitalisation sous contrainte, et adhérent à l’Union nationale des Groupes d’entraide mutuelle de France (UNGF).

[2] Ancien président de l’association d’usagers en psychiatrie spécialisée dans la lutte contre l’internement arbitraire, Groupe Information Asiles (GIA).

[3] Cf. Ordonnance n°96-346 du 24 avril 1996 portant  réforme de l’hospitalisation publique et privée. Legifrance : http://goo.gl/Awv4oL 

[4] Cf. l’article L.1114-1 du code de la santé publique actuel sur Legifrance : http://goo.gl/OvQmkx 

[5] Journal officiel n°0254 du 31 octobre 2013, texte  n°3, arrêté du 22 octobre portant agrément et renouvellement d’agrément national des associations et unions d’associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique.

[6] Ce rapport peut être lu sur le site du CGLPL à l’adresse suivante : http://www.cglpl.fr/2012/rapport-de-visite-du-centre-hospitalier-henri-ey-a-paris/

[7] Cf. le dossier consacré à cette affaire sur le site du CRPA : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/480  , ainsi que : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/44 

[8] Arrêt du Conseil d’Etat du 13 novembre 2013, n°352667, mentionné aux tables du recueil Lebon. Site du CRPA : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/389 

[9] Décision QPC n°2012-235 du Conseil constitutionnel. Site du CRPA : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/220 

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