LES ASSISES CITOYENNES DE VILLE JUIF
/…/ le vieux professeur Monod sur son chameau dans le désert mauritanien à la recherche d'une roche mystérieuse.
(Extrait de je ne sais plus quel journal)
/.../ Ca ressemblerait à des états généraux, un genre de Grenelle de la psy, mais dépourvu de l'idée de faire triompher ses idées de départ comme de l'ambition de faire se coaguler dans une entente de surface toutes les approches.
Ce serait comme une cure.
On pourrait en espérer un regain d'authenticité, un retour de crédibilité ; on y perdrait sûrement le confort des postures. Je sens que je vais me faire une foule d'amis.
(A. GILLIS)
Il paraitrait que, dans cette édition, les Contes de la folie ordinaire , décrétée et décrite par un lecteur, Yann Kindo, dans son commentaire à l’intervention de Pierre Dardot, comme étant une « édition freudienne », l’on parlerait trop d‘analyse. Et d’une psychanalyse à connotation freudienne et lacanienne : tout à fait obscurantiste.
Et il paraitrait également, que ce même mot, « conte », « est bien choisi, /qu’/il colle parfaitement aux textes qu’on y trouve. / Et que/ « légendes » ou « mythes « auraient été pas mal aussi »… Ce qui comporte sous-jacente, l’idée, le sentiment, que ce mot de « conte », serait en lui-même dépréciatif. Comme lorsque, soupçonneux et agacé, l’on dit, ou l’on dirait : « Mais que me contez-vous ? »
Une parole, donc, celle de « conte » qui pourrait renvoyer, toujours aux yeux de Yann Kindo, à celles de « légendes », « mythes »… Toutes connotations, à ses yeux, on ne peut plus négatives. Car « irrationnelles » ? Assurément, pas assez « scientifiques ». Comme l’on ne manquerait pas de l’affirmer dans les hautes sphères…
Quelle confusion ! Et quel terrible gâchis ! Car, qu’est–ce qu’il y a, qu’y aurait-il de si pernicieux dans cet Imaginaire (préférez–vous, Yann Kindo, que l’on l’appelle Imagination ?), dans cette, donc, Imagination humaine, qui rassemble et signifie et crée : nos contes, et légendes, et mythes ? Le fait, peut–être, qu’ils appartiendraient à un passé jugé archaïque, et dérisoire, car encore exempte de tout esprit s’auto–définissant, s’auto-proclamant de par lui–même, « scientifique » ?
Mais pourquoi, dites, Yann Kindo, pourquoi la mépriser, cette Imagination, notre si riche Imagination – cette faculté des nos cœurs d’humains, et de nos propres yeux, de notre propre vue, de ce regard spécifique, qui est le nôtre, et qui nous laisse percevoir, non seulement ce qui est signifié, et marqué par le sceau de la beauté, mais qui nous laisse également déceler celles qu’on appelle nos vivantes valeurs humaines ?
Et j’aimerais ici, vous dire le pourquoi de tous ces textes, de ces si nombreuses écritures, que j’ai fait paraître, dans ce Silence qu’on a laissé surgir, tout autour de moi, et de ma parole, une parole que j’ai choisi de faire paraître dans ces mêmes colonnes, et qui ne rougit pas de se laisser appeler : conte … Car, ce que j’ose appeler mes dires, sont tissés de cela. Et ils le savent, et ils les recherchent, les quêtent, ce même Imaginaire, ou cette Imagination, qu’on veuille bien les nommer.
Car, je l’ai connu, par le passé, la fin, la disparition, ou mieux : la Mort, tout à fait absolue, de ce même Imaginaire/Imaginations.Et – vous savez, Monsieur – privés, dénoués d’Imaginaire, ce n’est pas seulement que l’on ne peut pas écrire : l’on ne peut pas vivre !
Car, le quotidien humain, soustrait à cette capacité de l’âme de se regarder tout autour, de lire au–dedans d’êtres et choses (ce qui signifie, ce qui est, étymologiquement, le véritable sens de ce mot d’intelligence), en un mot : soustrait à cette capacité de s’étonner, ce quotidien, notre quotidien, ainsi diminué, nous prive de notre vie elle–même.
Mais, pour ne pas tomber dans un dire tout, qui pourrait vous paraître rhétorique ou intraduisible : comment parler, comment dialoguer (avec autrui, ou avec soi–même) sans cette capacité première, qui nous permets de créer ? De tout créer. Y compris notre parler, lui–même.
Or, à mes yeux, c’est cela qu’on tente de nous soustraire, de nous ôter, en ce moment précis de notre histoire de Terriens. Et c’est autour de cela que tournoient à jamais mes mots, ces paroles que j’ai retrouvés, et qui me dictent une sorte de vie, d’exister, d’être, que je juge, oui, que je juge d’une nature véritablement « humaine ».
Ne pensez–vous pas qu’on voudrait nous guider, au–delà de tout notre vouloir, au–delà (et même en–deçà) de tous nos choix ? Ne voyez–vous, tout autour, tout autour de nous, une sorte de grise, absurde, homogénéisation : d’actes et de paroles ? Ne croyez–vous pas qu’on écoute de moins en moins, ce qui nous dit l’autre ? Et qu’on voudrait – d’en haut – l’effacer, et sur un Mode total, la totalité de nos sens, et même de nos sentiments, qui nous échappent de plus en plus, en leur être propre ? Un être, un exister, qui devrait avoir la marque de l’imprévisibilité, et le caractère d’une sorte d’originalité, pour ainsi dire : absolue, en chacun de nous ? … d’une irremplaçable « authenticité », comme le dit Alain Gillis, dans l’un de ses commentaires ?
Mais, à Alain Gillis, j’aimerais dire que ces « états généraux », ce « Grenelle de la psy », dont il parle, et qu’il souhaite, ont eu véritablement lieu. Dans ce rassemblement qui s’est opéré à Ville Juif, où l’on a pu comparer les différentes prises de positions : anciennes et actuelles, dans les domaines que vous nommez « psy », Alain Gillis, mais exprimés pas seulement pas les « psy » de métier. Et où l’on a pu vérifier, les changements qui se sont réalisés, au cœur même des différents rapports, entre les humains qui parcourent ce champs, que – un peu vite, à mes yeux – l’on appelle le « domaine de la psychiatrie ».
Car, comme vous le savez peut–être, ici, dans ces colonnes, je n’arrête pas de crier que, à mes yeux, la « maladie mentale » est un concept, et une définition historiquement bien définie, et définie par ces temps à nous contemporains.
Or, les « Assises Citoyennes » de Ville Juif, même à mes yeux soupçonneux, pour avoir trop pâti, n’ont pas été une simple « manifestation » de révolte, afin de remettre en cause la loi de juillet 2011 ; elles n’ont pas été uniquement une protestation. Elle ont laisser jaillir, et cela, réellement, dans le réel j’entends, une prise de parole tout à fait nouvelle : nuova. Et cela, aux yeux de nous tous. De tous ceux qui y ont participé. Cette même parole, entre des êtres apparemment si différents, et se disant, et s’estimant autres, s’étant métamorphosée. Tout à fait comme vous en exprimez le souhait. Et cela, vous est dit, exprimé, par quelqu’un qui a appris, dans et par un trop d’inoubliables souffrances, à redouter : psychiatres et psychiatrie. Et à s’en méfier.
Mais peut–être que vous y étiez, Alain Gilis, à ces Assises, et que ces mots, mes paroles, peuvent vous sembler vaines. (Y étiez–vous ?)