Billet de blog 11 novembre 2012

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LE JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION

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« La contestation n’est pas l’effort de la pensée pour nier des existences et des valeurs, c’est le geste qui reconduit chacune d’elles à ses limites, et par là à la Limite où s’accomplit la décision ontologique : contester c’est aller jusqu’au cœur vide où l’être atteint  sa limite et où la limite définit l’être. Là, dans la limite transgressée, retentit le oui de la contestation […] »

(M. FOUCAULT)

                                                                                     * * *

                          RECIT DU BIENHEUREUX CHEMINEMENT D’UN COURRIER

Dimanche, 7 juillet 2012

A l’attention de M. le Juge des libertés

Gentile Monsieur le Juge,

je vous ai déjà contacté. Je ne saurais dire quand, exactement. Car,  je n’ai plus de véritables repères. Ici. Dans cet hôpital de ***. Mais je crois me souvenir, que ce fut vers la fin du mois de juin. (Vers la moitié ?)

Ma lettre, (1) (je me remémore) je l’avais transmise à un visiteur de ces lieux. Cela, afin qu’il vous la fasse parvenir. (Qu’en  fut–il ?)

Or, cette même lettre aurait dû apparaître quelque peu… « délirante ». À savoir : sortant des sillons de la « normalité ». Mais je n’en avais, (je n’en ai) pas cure. Abhorrant, cette même, «  soi–disante normalité ».

Je vous avais contacté, donc, à la suite de votre convocation établie le 5 juin dernier, pour ma présentation devant ce Tribunal, le 12 juin..

Or,  je n’en ai eu connaissance – et presque par « hasard » – que tout à fait dernièrement.

À la suite de quoi, je vous ai envoyé un dossier pas très bien établi. Puisque je ne me connais pas très bien en Droit. Et puisque je suis SEULE, assez seule, Monsieur le Juge, à opérer mes repérages. Les  REPERAGES de moi–même. En pleine conscience du désir qui est le MIEN, et qui m’est inspiré, et qui m’inspire cet AMOR FATI, dont il a toujours été question – pour moi. Dans ces temps actuels, réfléchissant les Anciens.

Mais je désire vous questionner, Monsieur : est–ce que – si jugement il y a eu – est–ce que j’ai été condamnée, SANS en connaître les véritables causes, et procédures, et développements, de ces causes et procédures ?

Et, dans ce cas, quoi faire, comment faire, pour pouvoir laisser jaillir de  nouveau mes droits ? Mes propres droits, tout comme les droits de ceux qui m’entourent ?

Quelle démarche faut–il accomplir ?

Car, gent Juge, moi/nous,  ici, ne connaissons pas ces procédures. Multiples que nous sommes. Et multiraciales, également.

Pardonnez–moi,  mais j’ai une requête à vous soumettre. À soumettre aux yeux de votre cœur :

–      puis–je vous rencontrer, pour vous exprimer tout ce que j’ai sur le cœur ?

Et pourriez–vous entamer une juste enquête sur ces lieux qui nous détiennent, et où subsistent maints escrocs, et où se cabrent (je le crois tout au moins), encore et encore des criminels ( : des criminelles ?) de guerre avec leurs harcèlements de tout genre ?

Merci de m’avoir lue.

Bien respectueusement à vous.

Amandine Y.

(Veuillez excuser ma graphie, mais mon computer me manque énormément.)

Je téléphonerai à votre secrétaire pour savoir si vous avez reçu ce courrier. (Encore merci !)

P .J.

Citation de Charles Baudelaire.

(D’une lecture)

« […] Eh ! qu’aimes–tu donc, extraordinaire étranger ?

– J’aime les nuages… les nuages qui passent…

là–bas… les merveilleux nuages ! 

 __________________________________________________________________

(1) Car, n’ayant pas de papier vierge à sa disposition, et l’un des « soignants » à qui elle s’était adressée, lui ayant répondu que le papier « coûte cher », Amandine Y., avait tracé – hâtivement –ses réponses et remarques et précisions, à droite, à gauche, en haut, en bas, des différentes pages constituant l’Injonction du juge des libertés et de la détention à comparaitre – datée du 5 juin, et qu’on aurait dû lui remettre – conformément à la loi –, dès réception de cette même Injonction, afin  qu’elle puisse se présenter au Tribunal, le 12 juin suivant. Mais  on ne la lui remettra que trop tardivement.

Elle ne se souviendra pas de la date exacte à laquelle cette Injonction fut remise en ses propres mains, étonnées, et – ne possédant pas de portable, ni non plus d’agenda (qu’on lui défendit de se procurer) –, elle ne saurait dire, si cette même remise s’effectua, avant,  ou après, l’envoi de la présente, « véritable » lettre au Juge.

Ce seront donc les feuillets épars de cette même, première Injonction – par elle,  pour ainsi dire, annotés –, que Amandine Y., appellera, dans son courrier, « ma lettre », ou encore « mon  dossier ».

                                                            * * *

Or, après  l’envoi, le 7 juillet, de cette lettre que nous avons gardée et retranscrite ici –intacte, et sans en revoir la moindre « imprécision »  du langage –, Amandine Y. fut convoquée, le 12 juillet, au Tribunal de Grande Instance de *** .

Au cours de l’audience, on lui demanda d’exprimer aussi oralement, ce qu’elle avait à dire.

Et elle l’exprima. Debout.

À savoir elle parla de la « folie », telle qu’elle la concevait.  

La sienne, et celle de ces autres qu’elle avait laissés derrière elle. Enfermés.

Et le jugement fut établi.

Voici – retranscrites – parties de l’Extrait de Minute du Tribunal, daté du 12 juillet 2012, dont elle reçut copie conforme, et où nous pouvons  lire :

« Le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance *** après débats en chambre du conseil au siège du tribunal de grande instances statuant au siège du tribunal de grande instance par remise de la copie au greffe,  par décision réputée contradictoire et susceptible d’appel,

Vu l’article 3211–13 du code de la santé publique

  Fait droit à la nullité invoquée ;

Fait droit à la requête de madame Amandine Y.

Ordonne la mainlevée des soins  psychiatriques en  hospitalisation  complète dont fait l’objet madame Amandine Y. »

Cela, en raison de ce qui suit :

« Il convient de rapporter que la preuve de la notification de la décision initiale d’hospitalisation à la demande d’un  tiers du 29 mai 2012 au Centre Hospitalier *** à madame Y. et la notification ou la justification que l’état du patient s’y opposait ou bien  qu’il n’était pas en état de les recevoir,  n’est pas rapporté.

Le seul document produit est daté du 28 juin 2012,  soit un mois après la déclaration et comporte la mention manuscrite de l’intéressée : refuse de signer.

Des certificats médicaux en  date du 30 mai,  4 juin, 8 et 12 juin,  donc antérieurs (s.p.n.) à cette notification indiquent pourtant : la patiente a été informée de manière adaptée à son état (s.p.n.) et mise à même de faire valoir ses observations.(s.p.n.)

La décision  du 1er juin 2012 prononçant l’admission en soins psychiatriques sous forme d’une hospitalisation complète à compter du 29 mai 2012 aurait dû être notifiée à l’intéressée ou devrait comporter mention du motif de non notification.

Il n’existe aucune mention en  bas de page du document, étant observé au surplus qu’aucune mention ne prévoit la notification des droits.

À défaut de production de ces justifications, la preuve n’est pas rapportée que les droits fondamentaux (s.p.n.) du malade,  dont le juge judiciaire est le garant, aient été respectés, il y a lieu en conséquence, de faire droit à la demande de nullité et de prononcer  la main–levée sollicitée par l’intéressée. »

* * *

NOTA BENE

 Ce fut un soulagement infini, un  bonheur sans bornes, pour Amandine Y.

La puissance de la joie (comme le dirait Gilles Deleuze), l’envahissant. Puisque l’inaliénabilité de ses droits fondamentaux avait été reconnue – contre tout Pouvoir abusif.

Lui laissera–t–on vivre et savourer, cet immense désir de vie qu’elle abrite à jamais dans son cœur, et que quelqu’un avait reconnu être, un véritable « désir d’acier » ?                      

* * *

« Qu’il était beau le temps où chaque chose vivait selon l’imagination de l’homme et vivait humainement, c’est–à–dire quand tout était habité d’êtres semblables à nous ; quand on était certain que dans les forêts désertes habitaient les belles hamadryades, les faunes, les sylvains, Pan, etc. Lorsqu’on y pénétrait, n’y voyant que solitude, on les imaginait pourtant toutes habitées, comme les sources où demeuraient les Naïades, etc. et en étreignant contre son cœur un arbre, on sentait presque palpiter entre ses mains ce  que l’on prenait pour une femme ou un homme, tel Cyparis, etc., comme les enfants font avec les fleurs, etc. »

(G. LEOPARDI)

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