Billet de blog 12 janvier 2013

Antonella Santacroce (avatar)

Antonella Santacroce

Abonné·e de Mediapart

LE GRAND BOUDDHA, ET LE PETIT BOUDDHA

Antonella Santacroce (avatar)

Antonella Santacroce

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                         LE GRAND BOUDDHA, ET LE PETIT BOUDDHA

Ils siégeaient, tous deux, dans notre sombre salle à manger. Le Grand Bouddha, et son petit compagnon : le petit Bouddha.  (… Bouddha petit ?)

Li ricordo bene….

 Ils avaient été saisis,  fabriqués, dans une très fine porcelaine. Depuis peinte. Laquée ?....

Cheveux très très luisants, et coiffures disposées en de rondes bouclettes : toutes noires... Et si bien ordonnées ! Tout autour de leur crâne… (Des Bouddhas chinois ?)

Combien de fois, je les ai regardés ! Et observés, et contemplés.

Cela, montant nus pieds, sur l’un de ces hauts sièges en cuir marron, qui se dressaient tout le long de la si vaste table rectangulaire. Des sièges si sévères ! mais qui me permettaient de m’approcher, de me placer, et finalement d’être, vis–à–vis d’eux. De leurs sourires…

Déposés – les 2 Bouddhas –, sur le plan de ces ardus meubles : à droite et à gauche, de la salle à manger. Des meubles, qui recelaient, encore et encore, d’autres, et bien grands mystères ! À  mes yeux, tout au moins !… si avides de savoir…

Je leurs touchais (leur caressais ?) du doigt, leurs ventres : si proéminant, et ronds… de mon index… lui aussi, curieux…

Les Bouddhas persistant à regarder en bas : en eux–même... Leurs yeux, une simple fente, et leur sourire, qui venait de l’intérieur,  m’enchantant tout à fait…

Ce fut pourquoi, lorsque je connus mon premier logement, mon premier studio, ici, à Paris, je le lui demandai, à mon père, de pouvoir amener et garder, chez moi,  le petit Bouddha.

Et il me l’accorda.

* * *

Leur souvenir a ressurgi, se dévoilant en moi, exactement ces jours–ci.

Le Grand Bouddha, oui !, a été sauvé, de la débâcle, par les soins attentifs et minutieux, mais aussi appropriés de mon frère. Qui ne laisse rien mourir. Même pas les objets, pour ainsi dire.

Mais mon petit Bouddha, m’écrié–je, où est–il ? Fut–il volé ? Détruit ?

Qu’est–ce qu’il en est, de sa belle robe rouge, que je remémore, relevé sur l'épaule gauche ?

Et voici que – bien que si petit – il s’està nouveau levé, invisible, silencieux, à mes côtés. Aux côtés de mon cœur. Et il s’est mis à  dicter, lui –  l’impérissable cœur sauveur – tout un plein de  memorie...

Oui. Touchant ces haut–reliefs sur les meubles faux–chêne… pour ne porter qu’un seul exemple.

Qu’est–ce que c’étaient, qu’est–ce que cela signifiait, à l’époque, à mes yeux, ces sortes de cariatides, se dressant à mon hauteur, sous mes yeux inquisiteurs : hommes et femmes ? Eux qui se présentaient, mi–humains, mi–feuillages ?

Ils m’intriguaient fort. Ainsi. Sculptés dans ce bois si foncé. Et se succédant rythmiquement : homme… femme… homme…

Ce n’était pas des centaures… Qui étaient–ils ? Que cherchaient–ils ? À quelle magie, à quel conte magique, étaient–ils reliés ?

Or, je me souviens, plus tard, je le rencontrerai ce poème, où lirai de la nymphe qui, fuyant Apollon et ses assauts amoureux, fut changée en laurier. Sì…. Sì… ricordo…  In oleandro… Daphné, que son amant divin voulut métamorphoser, métamorphosa en un beau laurier–rose…

Et je la trouvai si belles, si incendiaires, toute cette poursuite, et cette métamorphose, à jamais renaissante !

Or, voilà, que ces présences fulgurantes, tributaires de notre Trésor intime, savent et peuvent expliquer également – par des paroles muettes – pourquoi à mon âge, et même, nonobstant cet âge assez avancé, il y a quelques temps, je me précipitai à l’intérieur d’une boutique asiatique, silencieusement enchantée (au sens réel du terme) par ce Bouddha balinais, en bois : tout or et azur… que j’avais aperçu sur le devant de la vitrine… et que je voulus chez moi.

Mon Bouddha balinais a un tout autre visage, un tout autre sourire, que les anciens Bouddhas de mon enfance. Il a une toute autre beauté. Lui, qui demeure sur son piédestal : également, or et azur…

Et le désir m’a prise, oui ! j’ai désiré fort, déposer amoureusement, dans sa main gauche, prenant à témoin l’Univers tout entier – les pétales d’une fleur blanche, que je  lui ai confiés. Bien que je ne sois pas bouddhiste, aimant trop la Nature.

La Divine Nature, actuellement si outragée ! La Nature en colère, et qui, par moments, se rebelle, révolte, jusqu’à tout arracher–autour d’elle–, à tout engloutir, tout tuer, trucider. Aveugle, en sa vengeance. Et s’acharnant également à détruire, sur un mode  absolu, tous ces patients labeurs : bâtis par notre monde : végétal, et/ou animal.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.