L'insertion des services de psychiatrie de secteur dans les Centres Hospitaliers Généraux part de l'idée développée notamment par Lucien Bonnafé qu'il faut construire le contraire de l'asile et disséminer les lieux d'accueil et de soins dans le territoire.
La gouvernance de cet asile était assurée par un médecin-directeur, centre de l'organisation tutélaire. Dans les années 70, le psychiatre a obtenu l'équivalence de son statut avec celui des médecins des Centres Hospitaliers Généraux. Les services de psychiatrie ont pu réduire leur capacité d'accueil en se multipliant. Ainsi, les services de 200 lits ont disparu, car le temps du médecin passé avec chaque patient ne pouvait être que dérisoire. Ils ont été remplacés par des services de soins incluant un dispositif de consultation et d'accueil de jour, répartis par territoire, comprenant arbitrairement 70 000 habitants, pour les services accueillant des patients adultes, et 210 000 habitants pour les services s'occupant des enfants.
Cette organisation de la desserte du territoire quasi-militaire, avait comme objectif de donner à chaque citoyen le droit d'accès à des soins de qualité, tout en garantissant le libre choix de son médecin par le malade.
En 40 ans, cette organisation a connu des avatars, et est actuellement remise en cause.
Paradoxalement, c'est dans les Centres Hospitaliers Généraux que la gouvernance des services de psychiatrie devient intenable, et caricaturale pour les services qui s'occupent des enfants et des adolescents, minoritaire chez les minoritaires.
Progressivement, le corps des Directeurs des Hôpitaux a assuré son emprise sur la politique de santé. L'économie de la santé a pris le pas sur une réflexion humaniste et s'empare de la politique de santé. Les Directeurs des Hôpitaux deviennent des managers de santé, dans la pure logique de l'hôpital-entreprise. Comme dans beaucoup de domaines, la réflexion politique a cédé devant l'emprise du lobbying. Les économistes de la santé sont susceptibles de dicter une organisation qui va seule faire loi, selon l'idéologie la plus communément répandue actuellement. Ainsi, le sacro-saint impératif de budget à l'équilibre justifie que des locaux et les patients qui y sont accueillis soient laissés à l'abandon, sans la moindre couche de peinture pendant quarante ans.
L'organisation des hôpitaux en pôle d'activité en niant la spécificité de la problématique psychiatrique a été le premier coup. Les syndicatsde psychiatres ont protesté à juste titre. Le glissement s'est opéré insidieusement, au fil du temps.
Parrallèlement, le développement des structures gérées par le médico-social a permis qu'un grand nombre de patients soient accueillis. Certains ont pu penser que les missions de l'extra-hospitalier pourraient être absorbées par ces structures qui s'orientent vers un travail au long cours. Or ce dispositif est complémentaire au développement des soins ambulatoires. Il ne peut s'y substituer. Il s'agit d'un richesse dans la diversité des propositions qui n'entravent en rien le developpement du dispositif de soins de proximité des secteurs psychiatriques.
Les dispositifs de soins psychiatriques se sont dans le même temps invalidés par les difficultés d'accès aux soins que de nombreux Centres de Consultations Médico-Psychologiques présentent. Souvent, le temps d'attente pour une consultation est de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. Cette réponse est inadéquate pour les patients en difficulté et plus flagrante encore pour les adolescents. La création dans de nombreux services d'équipes mobiles a pu cependant apporter une réponse encore partielle à ce problème. On a pu entendre différents acteurs de santé mentale ne pas comprendre en quoi la création de ces équipes mobiles était novateur. La création du secteur comprenait cette possibilité de réponse. La diversité des modalités de réponse s'est amenuisée avec le temps; la consultation est devenue souvent le mode unique de réponse. En ce sens, la création d'équipes mobiles est d'actualité.
Dans les Centres Hospitaliers Généraux, l'intégration des services de psychiatrie ne s'est pas opérée. Des services ont été rendus aux patients hospitalisés dans les services de médecine, aux Urgences, en pédiatrie, et méritent de perdurer mais l'incompréhension persiste et signe dans la "communauté médicale"devant cette organisation d'une discipline qui est dévoreuse en personnel, et qui ne rapporte rien au niveau du paiement à l'activité. L'intégration se fait par le nivellement des moyens, des formations, sans tenir compte de la spécificité nécessaire en moyen humain de la psychiatrie. Nous pouvons dire aujourd'hui qu'il s'agit de l'échec cuisant de ce mode de gouvernance.
Cette économie de moyens est susceptible d'être généralisée par le déploiement des Groupes Hospitaliers de Territoire dont la gestion doit être confiée à un super-Directeur et qui aura pour mission de réorganiser l'ensemble du système de santé.
Son institution repoussée de début janvier à six mois plus tard, en 2016, risque de provoquer de nombreuses résistances, justifiées, et sans doute peu compatibles avec le calendrier électoral.