Billet de blog 15 mai 2013

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LE MIROIR DE L’UNIVERS

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LE MIROIR DE L’UNIVERS

Comme « le ciel–terre ne parle guère, il se manifeste par les signes ». Il est donc justifié de

parler de la psychanalyse qui est comme un savoir, une capacité d’interroger sans cesse les

signes humains, les rêves, non isolément, mais dans le complexe réseau de leurs relations à notre

inconscient. C’est pourquoi les Chinois préfèrent l’implicite.

(LU Ya–Chuan)

Mais qu’est–ce que tout cela qui, en cette époque, nous entoure, et nous inquiète à tel point ? Que devenons–nous ? Vers où cheminons–nous ? Vers où, on nous fait, on voudrait nous obliger si cruellement à cheminer ? On se regarde tout autour… encore et encore,  des cendres… et des ruines…

Mais pourquoi on devrait devoir, être obligés, forcés, de fermer les yeux,  ses propres yeux, et suivre… en  obéissant, et en renonçant à sa propre vision du monde, acquise, gagnée, de par sa propre expérience de la vie ? Suivre, oui, ces ordres qu’on nous donne, et qui seraient exemptés d’une véritable, réelle quête cognitive de ces problèmes qu’ils entendraient résoudre ?

Et voilà que ces mêmes ordres – marqués d’une méconnaissance semblable à celle qui fut exprimée et exercée par le précédent gouvernement – reviennent en force, se dressant de nouveau sur le devant de la scène : vis–à–vis de nos yeux quelque peu ébahis, parce qu’incrédules. Tout ça, afin « qu’on se taise », comme le souligne, et à  juste titre, Hector Macedo, dans ces mêmes colonnes. Cela, afin qu’on obéisse, sans plus s’interroger, ni interroger l’autre. Sans plus interroger, donc, même pas les membres de ce  gouvernement, qui clament haut et fort la nécessité de ces ordres ?

Mais, que redoutent–ils donc ? Ou, tout au moins : que semblent–ils redouter, venant de l’éventuelle approche de ces forces si souterraines dans notre monde intérieur, ne se déclarant pas, manifestement, à la lumière du jour, et qu’ils estiment sans doute à eux–mêmes absolument étrangères ? Ces forces aux pouvoirs seulement à l'apparence aveugles, et que notre propre corps nous parle, parfois même au moyen d’une parole aux allures tout à fait sauvages ! Quels problèmes lourds d’une secrète algèbre, croient–ils résoudre ? Eux qui s‘expriment, et qui entendent tout arbitrer, en se croyant libérés de cette inconnue, qui signifie notre même être d’humains ?

* * *

Mais revenons à nous… sur cette Terre… et interrogeons…

Agiraient–ils, ou choisiraient–ils d’agir, parfois à la manière de ces politiciens qui clament « dire haut et fort, ce que tout le monde  pense tout bas », afin de récolter de formidables vendanges? Ou bien entendraient–ils (et sans nullement creuser) uniquement se plier  aux dictats  de ces Hautes Autorités, auréolées d’aussi fulgurantes Lumières ? 

Car, c’est vrai, oui, c’est indéniablement vrai, que (par le passé ?) des dramatiques, et même tragiques dérives analytiques ont pu s’avérer, et se sont avérées. C’est vrai que des personnages, s’autoproclamant analystes de la psyché, en toute liberté et impunité s’emparèrent d’un si écrasant Pouvoir, et ne  manquèrent – face à la « détresse » de leurs patients – de leur dicter la Loi, leur Loi, la présentant comme la loi propre à toutes quêtes  analytiques. Jugèrent–ils sans doute, l’analyse, impuissante à traiter de  trop lourdes souffrances ? Les souffrances, en un mot, de ces humains qu’on définit «  psychotiques » ?

Et il est également vrai que, dans leur détresse extrême – une détresse qu’on leur relançait, qu’on ne manquait pas de leur relancer, dans ces sociétés occidentales à nous contemporaines, en tant que «maladie » de la « mens » – il est vrai que ces êtres, s’attachèrent d’une façon pour ainsi dire, réellement maladive, extrêmement morbide, car non critique, à leur propre analyste. À sa « Parole ». Qui résonnait si rare, à leur ouïe, dans leur esseulement. Tout ça, dans le but de retrouver un sol stable, et retoucher enfin ! la terre, dans leur bouleversant – oh non ! – dans leur si aveugle, si paralysant pâtir.

Et de même, il est incontestable que très souvent, ces psychanalystes se laissèrent percevoir ( : se montrèrent–ils ?) à ces yeux égarés, à ces âmes en péril,  comme la solution ultime, l'ultime attache à la société, au creux de leur souffrir. Puisque, il sembla, à ces humains si éprouvés par le tragique de l’existence, que ces hommes et ces femmes qui, de par leur métier, les écoutaient, pourraient et sauraient avoir réponse à tout, tout savoir, tout pouvoir leur expliquer. En un mot, qu’ils pourraient et sauraient,  come l’on dit, les «  soigner », les guérissant de cette "maladie" de l'âme …  (Egalement de leur souffrance existentielle ?)

Or, il y en avait, parmi ces psychanalystes, qui crurent parler une ( : la ?) Parole à majuscule – ce nouveau Verbe laïque – et qui durent estimer être, ou tout au moins posséder, la Parole ultime à prononcer sur l’existence. Et ils se posèrent donc au centre, au cœur même, absolu, non seulement de la « cure », mais de la véritable connaissance de l’humain. Empirant… Au moyen de l’utilisation qu’ils en firent, des ces nouvelles vues, des ces nouvelles « techniques », propres à cette nouvelle approche de la psyché, et de l’existence.

Vues et techniques, à leurs débuts réellement révolutionnaires, par ce désir et par cette volonté de mettre en acte et réaliser un véritable processus de libération, mais qui – plus tard – dans la bouche de beaucoup de leurs acolytes, deviendront des véritables « dogmes » : s’infiltrant de partout, ayant réponse à tout, résolvant tout. Et finissant par amener réellement la « peste ». Sous les accoutrements d’une sorte de fatalisme abêtissant et normatif. Et jusqu’à la mort de l’âme.

Tout ça, se déroulant, pouvant se dérouler, au moyen d’hasardeuses simplifications, de réconfortants tours d’horizons, tout comme de périlleux raccourcis, à l’ombre desquels, on cachait ( : dans leur seul tréfonds ?) le désir de ne plus s’interroger, de ne plus chercher, de ne plus penser. Mais également, et nourri d’auto–satisfaction, le désir de ne plus mirer qu’à réaliser leur soif de Pouvoir sur autrui. Un Pouvoir qui ne manquera pas de se nimber des atouts d’une si haute Omniscience, et d’une telle Omnipotence, qu’elles ne pourront que faire émerger de nouveau ( : à jamais ?) l’image du Maître–esclave. 

Car, comme pour tout processus de connaissance, comme pour tout processus révolutionnaire, la Mort, en tant que stase, en tant qu’immobilité pernicieuse, en tant que boîte de Pandore éjectant facilités extrêmes et solutions ultimes, s’installera  inéluctablement dans ces contrées.  Stase, et immobilité, et facilités fallacieuses et réductrices, qui iront jusqu’à rayer cruellement, en la faisant oublier, la présence même de cet inconscient, s’exprimant en chacun de nous – et s’abritant donc, et se cachant,   nécessairement (sournoisement ?) dans les plis et replis des paroles, et du ressentide ces mêmes analystes.

L’inconscient… oui… avec sa longue traîne de lapsus, de perversions, de rêves ingarbugliati, et même de différentes folies exixtentielles, qui parurent, à ces yeux désabusés, le lot exclusif de leurs « patients ».

Ce qu’on pourrait appeler encore et encore du  « psychanalysme ».

Là où, toute cette ronde quelque peu ivre qui se déroula au cours des passées décennies, a été vécue, et réfléchie, et soupesée, également dans, et par ma propre, tragique existence, et par ma personnelle expérience.

* * *

Néanmoins, Madame la Ministre déléguée, et chargée des personnes  handicapées et de la lutte contre l’exclusion, pourquoi vouloir juger, et sur un mode si absolu, avant de véritablement, et réellement connaître ? Pourquoi lancer aveuglement l’anathème, et finir par vouloir rayer de la Carte de France, ce qui, à ce moment–ci  (à savoir, à ce moment précis de notre « histoire » occidentale, ou en  l'étalement de ce Temps–Espace que, en d’autres Terres, sous d’autres Cieux, on nomma « le miroir de l’Univers »), pourquoi vouloir rayer définitivement et en sa totalité, cette spécifique approche ( : cette quête ?) de l’humain ?

Il ne serait sans doute préférable, de l'accoster tacitement, attentivement, et de l’observer et de l’étudier calmement, en comparant les différentes modalités qui la composent, et en les traduisant (au sens premier, et au sens métaphorique de la parole), afin de pouvoir tout « revoir », tout revisiter, et tout ramener à sa corporalité, qui est un tout–un avec la corporalité du réel ? Comme s’il s’agissait d’une écriture. Oui. À savoir, d’une « création » humaine, face à laquelle il faut toujours rester attentifs, vigilants, pour qu’elle ne soit pas fourvoyée, ni trahie, car traversée par des faux semblants.

Non–fourvoyée… donc… non–trahie… Et cela, au moyen, et par ce dé–tour, qui sera le retour inéluctable à l’étude (renouvelée) de  la parole de ceux qui la prononcèrent en premiers. À savoir, par un retour critique aux textes fondateurs de telle science spécifique, ou de telle poétique, ou de tel  spécifique mouvement  révolutionnaire. Un retour qui ne pourra, et qui ne saurait être qu’enrichissant.

Car, au fil de cette nouvelle étude, tout  au long de cet ultérieur cheminement, cognitif et existentiel, on découvrira, on dévoilera, on (r)amènera à la vie leurs racines mêmes, les éclairant d'une lumière nouvelle. Soit, parce que les fondateurs de ces écritures révolutionnaires, étaient des pionniers trop en avance vis–à–vis de leur temps ; soit parce que le Temps, dans son lent et savant écoulement, comporte et grave, en les incisant, d’autres vues, d’autres perceptions, d’autres éclairages, aux yeux de ceux qui – semblables à d’attentifs archéologues – sauront et voudront ausculter ces mêmes textes, miroirs d’un nouveau réel.

Alors : pourquoi vouloir balayer d’un revers de la main, pourquoi vouloir faire rétrocéder loin de nos cultures, cette quête de la connaissance de la psyché, sans faire le point, ou sans faire le tri – afin de  bien tout soupeser, et de pouvoir  garder, ce qui est à garder ? Et cela, justement à un moment, où elle, cette quête, se réfléchit, et avec autant de force, avec autant de finesse, dans un si surprenant miroir ( : pour se cueillir ?), comme peut–être rarement elle l’avait fait par le passé ? À un moment, où elle se tourne avec passion, vers d’autres Continents, vers d’autres Civilisations, vers d’autres pensées et langues et langages, pour apprendre, et comprendre ? À un moment, où des  liens souterrains et subtils sont en train de s’établir, et de se tisser, entre des si éloignées civilisations, mutuellement fascinées, et se quêtant l’une l’autre, poussées par le désir de se traverser, de se nourrir mutuellement ? Des liens qui pourraient être en état, qui pourraient concourir – en ce moment d’aussi redoutés ( : d’aussi redoutables ?) processus de mondialisation – à créer d’autres réalités humaines, d’autres confrontations, d’autres rêves et songes de l’ailleurs.

Aujourd’hui, ici, en Occident, il y a des humains qui redoutent les avancées de ce peuple, si nombreux, si différent de nous, et qui vit sur des terres si tragiquement dépouillées, ou violentées, et aux confins si illimités. Le Monde Chinois...  Avec lequel, pourtant, on estime qu’il est devenu nécessaire, et même inéluctable, d’établir et de nouer, liens et échanges. Et non seulement, dans ces domaines de l’économie ou de la finance, vers lesquels les dirigeants de ces mêmes domaines – les puissants de notre ère – ont vite saisi, qu’il fallait se tourner. Et ils s’y sont tournés.

En même temps, et par ailleurs, d’autres humains, d’un naturel en même temps, nouveau et ancien, comme les composantes de la culture chinoise, des humains ne craignant pas de poser leurs pas dans les sillages d‘une réelle « avant–garde » culturelle (au sens large, gramscien du terme), à savoir, ces humains qui osent avancer si souvent en  solitaires, devançant les autres, et qui – spéléologues désireux de « comprendre », ne redoutant ni les cheminements hasardeux de ténèbres, ni les gouffres souterraines – ont senti qu’ilfallait se tourner vers ces contrées secrètes, et si dolentes, et de tout temps reliées, et d’une façon si rituelle et rythmique, à leur ancienne, si haute civilisation. Et à leur culture, si étonnante, et salutaire – à nos yeux – dans son caractère terrestre,  et dans ses buts, et enchaînements, et aboutissements.

Or, cette « avant–garde », d’un pas à l’apparence tout à fait chimérique, s’est tournée vers ce Monde, pour en étudier, avec une modestie sertie d’un inentamable labeur, la langue. Fascinés qu’ils sont, ces êtres humains, par la si savante écriture chinoise. Par ces pictogrammes, qui ont défiés les siècles, et qui réfléchissent une vision de l’existence autre, et dont les échanges avec l’Occident, ne peuvent qu’apporter des fruits nourriciers.

Et ce sont justement des psychanalystes français, et des psychanalystes originaires de Chine, Madame la Ministre, qui sont en train de se frayer, qui se frayent – ensemble – un chemin… ce chemin…. un passage… ce passage… dans ces Terrae incognitae...

Un avancer qui, dans sa globalité, constitue peut–être un véritable processus de civilisation, qu’on a entamé, et que l’on entame. Cela, je répète, ici : en France. Et plus précisément, dans ce milieu que – tout à fait sincèrement – moi aussi, jusqu’à un passé assez récent, j’avais appris, Madame, à  redouter, et contre l’obscurantisme duquel, à moi aussi il parut (comme sans doute vous l’avez compris) devoir lutter. Et cela,  non pas à cause des avis de la HAS, mais à partir, et à cause, de ma propre,  ténébreuse expérience.

Avant, donc, que je ne découvre ce Monde, cet Univers d’échanges culturelles – toujours au sens vaste du terme – dont je vous parle. Avant que je ne m’engage, en mon cœur, à effectuer ma propre autocritique, et que je n’apprenne, à ne pas trop me précipiter, dans mes avis. À tenir bon. Afin de pouvoir tenter de bien observer, et de bien juger.

En d’autres mots, avant que je n’apprenne à parcourir d’un pas plus sûr et, pour ainsi dire, plus réel, ces contrées. Qui ne sont pas, Madame la Ministre, qui n’ont rien à voir, avec celles dont on clame actuellement la nécessité, parce que porteuses de cet état psychique, que – par un détour si effroyable, si périlleux, de ce langage qui ne fait que se nourrir d’obscurantismes et de racismes masqués – l’on appelle le (sacro–saint ?) devoir de «la santé mentale ».

 Or, qu’est–ce, que pourrait bien être, que sera–t–elle, cette « sante mentale », dans nos actuelles, mortifères existences sur la planète ?

Je dis cela, afin de tenter de cerner, afin de tenter de sauver, ce qui est à sauver, et  afin de pouvoir le poursuivre, d’un pas plus salutaire. Mais je dis cela, également parce que, comme il l’a été affirmé ici même, j’estime que c’est justifié craindre que, ces relations interpersonnelles d‘une nature psychique que l’on tente de défendre aujourd’hui à ces enfants que l’on dit « autistes », seront demain très probablement défendues, à tous ceux qui supportent et vivent  une similaire, indicible souffrance.

Ne vous démarquez pas d’un véritable engagement de gauche, Madame la Ministre. Ne vous coupez pas, ne fuyez pas loin de cette si secrète, si tragique  réalité, par une  fausse appréciation.  

Les temps changent. C’est vrai. Les temps sont en train de changer lourdement. Ne marchez pas, n’ordonnez pas qu’on marche, vers ce Nouveau Monde qu’on nous prospecte, et qu’on voudrait nous allouer si cruellement. Un Nouveau Monde où, se pliant aux ordres d’invisibles Puissances financières, l'on ne désirera, et l'on ne voudra plus qu’anéantir : braquant, vidant, tuant, assassinant, toutes véridiques, vivantes valeurs à nous, les humains. Et cela,  au nom d’une technique Toute–puissante, et d’un Omnipotent argent–roi. Demeurez humaine, comme l’on crie aujourd’hui, par rues et places de nos villes. Ne veuillez pas donner des ordres, si inhumains en leur partialité. 

Penchez–vous, soutenue par une représentation plus compréhensive, pour ainsi dire, sur cette problématique. N’avancez pas sur les « on dit », ni tout au long de ces certitudes inébranlables, émises par des Autorités si distantes du quotidien de nous tous. Car, nous, nous tous les humains, qui vivons sur cette Planète, nous y ignorons maintes causes, et raisons, essentielles à notre connaissance de la vie. De notre vie. Nous ne savons, tragiquement pas, ni d’où nous venons, ni où nous allons. Et, de plus, nous nous savons fragiles, en cela même, que nous abritons en nous, et tout en le sachant, d’innombrables possibilités de nous tromper. Mais nous sommes également forts, Madame. Car conscients que nous pouvons revoir, nos erreurs. Et que nous pouvons tenter de les corriger. Comme le font les vrais scientifiques. Et les vrais créateurs. Et les véritables humains…

Quand quelqu’un est fou et entre à l’asile, il cesse d’être fou pour se transformer en

malade. Il devient rationnel en tant que malade. La question est de savoir comment

définir ce nœud, comment /.../ reconnaître la folie là où elle a son origine,

c’est– à–dire dans la vie.

(F. BASAGLIA)

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