Billet de blog 17 février 2013

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JE CRUS LONGTEMPS POUVOIR ESCALADER TOUS CES ROCHERS : NUES–MAINS…

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 JE CRUS LONGTEMPS  POUVOIR ESCALADER TOUS CES ROCHERS : NUES–MAINS…

Gaetano Benedetti parle « d’identification partielle », pour caractériser, dans la clinique de la psychose, l’attitude  thérapeutique, qui consiste à la fois à avoir un pied dedans et un pied dehors. Il s’agit d’identification, et non pas de transfert, et elle est partielle parce que si elle était totale, on basculerait complètement de l’autre côté.

(Patrick FAUGERAS, questionnant Jean OURY)

 «  […] un giorno […] sulle rive dell’Illisso, sotto un alto platano, […] Socrate, rapito dalle Ninfe, aveva parlato a Fedro di come, attraverso il « giusto delirare », si possa raggiungere la « liberazione » dai mali. E a un tratto aveva detto, con la rapidità di chi scocca la freccia ultima, che « la mania è più bella della sophrosyne », di quel sapiente controllo di sé […] Ma perché la maniaè più bella ? Socrate aggiunge : « perché la mania nasce dal dio », mentre la sophrosine « nasce presso gli uomini ».

(Roberto CALASSO)

« Socrate vuole innanzitutto mostrarci come di quella malattia che è la mania […], la sola guarigione e liberazione [viene] dal  delirio stesso. Ho tosas iasetai, « colui che ha ferito guarirà »[…] »

(Roberto CALASSO)

* * *

Oui… Certes… Et je la connus – et sur mes propres chairs, et à vif ! – celle que Gaetano Benedetti nomme l’ « identification totale ». En  ces temps si éloignés… en ces temps de jeunesse… Oui… Des temps assurément très éloignés, mais non pas égarés… en mon cœur, tout au moins… Certes… à  jamais présents…  et entrelacés, sous mon propre regard… sous mes propres yeux…  de par leurs irrésolus, et aussi secrets mystères…

Cela, alors que je marchais, avançant : seule, et sans crainte aucune, parmi toutes ces herbes hautes et drues, que si justement, l’on dénomma : herbes folles… Des herbes fort sauvages… Alors que je parcourais ces anciens cimetières abandonnés, à jamais accompagnée de votre haut souvenir, et de votre inoubliable présence, Anton Tchekhov… Alors que je marchais, marchais… en avançant, et sans trébucher, les fixant à jamais – je le répète, sans peur, et sans  nullement me soucier du Temps qui, se pavanant, se faufilait loin, très loin, de moi… en les interrogeant sans cesse : ces horizons perdus…

Cela, alors que j’entendais, que je voulais (déjà !) le créer, et de mon propre pas : mon propre cheminement. Ma Destinée  existentielle. Ô ! Mon inexpugnable AMOR FATI !

Cela, alors que tous ces Autres, dans cet Autre, premier Pays où le hasard me vit naître (où l’on voulut, l’on établit que je naisse ?), ne me comprenant en rien, ne saisissant : ni mon cœur, ni toutes ces tentatives désespérément réitérées, par lesquelles je désirais quêter ardemment des ( : mes ?) nouvelles valeurs. Des valeurs si vivement ressenties, si passionnément recherchées !

Car c’est depuis mon enfance, depuis ma première adolescence, que je cherchai ce Trésor, que certains,  aux temps d’aujourd’hui, apprécieront si fort. Ici. Dans cet Autre Pays. Le présent. Le Pays qui me parle, et à qui je m’adresse, en cette langue… en sa langue… oui… Solitaire conquête… (Serait–ce mon véritable langage, peut–être, que celui–ci ? Celui qui se déroule tout le long du courant de cette langue, qu’on pourrait nommer, qui saurait être –aux yeux de mon cœur – la langue  de la vie ?)

Or, à cette époque, c’est vrai, je vivais dans un monde, dans un Univers si hautement étoilé, et pourtant si glacial, qu’on aurait pu tout à fait aisément le définir ( : le dire ?) « un  mondo, un Universo irreale ». Et pourtant…

Car, dès alors, j’étais à la recherche de la Présence de ces dieux, à jamais exilés de chez nous… Mais également en quête de la Toute–Puissance d’une Nature qui, les accompagnant à jamais, leur demeurera à jamais fidèle.

Et c’est pour cela, que l’on te convoqua, mère : «  T’en souviens–tu ? »,  à mon école. Pour t’annoncer gravement de faire très, très attention à moi. Car, l’on avait découvert, que je nourrissais en mon sein, des tendances, à leurs yeux, périlleuses. Des tendances qui furent taxées, et sur un ton méprisant, de « panthéistes ». Des tendances que – sans en avoir la conscience – je dévoilai, mis à nu, dans une « composition » écrite, que je rédigeai alors – la sortant du  nid de mon cœur.

Cela arriva, lorsque déjà engagée dans mon écriture, j’entendis jouer du piano… au loin… (Personne ne le saura.) Une musique… des notes secrètes… et si éloignées… qui m’enveloppèrent soudainement, d’un maillage absolu – me dictant cette même écriture. (Je devais avoir – à ces moments–là – sur les 10, ou 11 ans.)

Or, ce sentiment ( : ce choix  existentiel ?) ne s’estompa pas en moi, avec l’écoulement du Temps. Comme il arrive si souvent, avec l’acquisition d’un âge plus avancé. Non ! Ce sentiment persista, et il vécut, en moi, fleurissant, brûlant de toutes ses fantasiose nuances, de toutes ses sfumature immaginarie, mon âme finalement éclose.

Et cela, bien qu’une  lumière toute, quelque peu solitaire… quasi décousue... les auréolait…

Mais ceci ne s’avérera, en toute sa complétude, que lorsque je découvrirai, dans la bibliothèque de mon Lycée, « Le serpent à plumes »de D. H. Lawrence… et que je le lirai… éprise… et dont je ressortirai littéralement médusée. Mieux encore : absolument métamorphosée. (S’il est vrai que la métamorphose peut être, et qu’elle est également : « connaissance ».)

« C’est cela… Oui… C’est bien cela » murmurai–je, me disais–je. « Ce seront ces nouveaux Liens sacrés, parmi êtres et choses, ce sera  l’écho résonnant de cette Visïon des Mondes, et de l’Univers tout entier, qui sauront réorganiser, en les rebâtissant, les existences, et qui sauront faire ressurgir, et rejaillir la vie véritable, la vie des songes, sur cette Terre. Sur notre Terre. »

À ce moment–là, les mondes grec et romain me paraissant trop galvaudés, je voulus me tourner vers celui des Etrusques. Mais assez vite, je l’abandonnai. Car je n’aimai pas, chez eux – chez les Etrusques j’entends – ce qui me parut être, à ces moments–là – leur sentiment de la Mort.  (Simple impression, peut–être ?)

Mais, pour revenir  à « l’identification » qui est, et qui peut être, également, un profond mode de connaissance...

Ce fut éros ailé, qui vint me l’apprendre,  en me prenant la main, et en m’y conduisant : auprès de cet être, qui parut à mes yeux stupéfiés, dépasser tous en souffrances. En une sorte, de haute souffrance.

À cette époque, dans ce pays, l’on ne parlait pas, au quotidien, de « maladie mentale ». L’on parlait de « folie ». Et moi, je les aimais puissamment, ces êtres habités d’une vengeance divine, et qu’on disait « fous ». Fous de souffrance. Car je trouvais qu’ils cachaient, abritée dans les abîmes abscons de leur cœur, une véritable sensibilité d’écorchés–vifs, que je ne découvrirai nulle part ailleurs.

Ce fut ainsi, ce fut par ces cheminements quelque peu hagards, abruptes, hasardeux même, que naquit, che sgorgò nell’animo mio e nel mio cuore, ce qui sera dit, décrété, et même gravé, sur mon front, par ce sceau fatidique, dit « folie ». Et que, plus tardivement, sera même décrété être une véritable  maladie mentale. Une maladie  de la « mens »…

L’on me dira : « Tu l’auras bien cherché. »

Et puis, l’on dira, encore et encore : tacitement :

«  Il devait bien subsister, en elle, cachés dans son âme, les parcours et les entrelacements de ces cheminements creux…  de ces ruelles à impasses… Toute une aveugle, et aveuglante  circulation folle, dans ses paysages intérieurs, qui ne pouvaient que la mener à sa perte. »

«  Fatalement ? »

Difficile ( : impossible ?) à dire.

Ce que je sais, ce qu’il me paraît savoir encore et encore à ce jour, c’est que – alors – je découvris ( : que je pourrai, que je saurai découvrir ?) dans la rencontre de cet être, à mes yeux si mystérieux : le « feu ». Un feu sacré… que je ne serai pas prête de marchander, en échange du « plaisir ».

 Or, c’est seulement en les traçant, ces lignes, c’est en ramenant à la surface de nos Océans de mots, cette pensée, ma pensée si rebelle, et à l’improviste si brutalement incarcérée, tout comme ma si puissante parole, que (les deux ! pensée et parole) se tourneront  en miroir vers votre Monde, vers votre Univers, en un seul mot : vers Vous ! Ô ! déraisonnant Folie!

Et voici que tacitement, silencieusement, je ne puis que vous contempler,  et vous décliner : en, et par, votre nom, et votre prénom… Et que je m’inclinai, et persiste à m’incliner, vis–à–vis de vous – en de souvenirs si lourds à traîner à sa suite…

Ce fut également ainsi que, petit à petit – doucement – vous, oui ! vous ! ô puissante Folie ! vous me conduisîtes hors de ce monde – hors de notre monde –, en me faisant, en m’obligeant ? à oublier, et à enfermer entre parenthèses, et à effacer, à rayer, la totalité de ce qui était et qui fut, qui avait été, le féerique de mon monde... Et cela, au quotidien !

Ce fut, et ce sera, un si terrible voyage !… Ce fut, et ce sera, une aussi brûlante aventure !… Et, si l’on peut dire, si l’on peut s’exprimer de la sorte, un voyage, une aventure : aveugles (/aveuglés ?)… car sans possibles horizons

Un voyage, une aventure, s’écroulant sur moi… en leurs pierres et macigni… dégringolant sans cesse… dégringolant… oui… et mettant violemment à taire mon cœur…  ma psyché… Si ignares… Oui… c ‘est bien ça… Totalement ignares… Et même, et à vrai dire, absolument  innocents… Ce qui me fit tout oublier… de moi… Et même de la vaillance de mon cœur… Bien qu’en  laissant se dresser, sous mes pupilles déchirées et brûlées, la Visïon de cet autre, nouveau, « tremendo reale »... Le vôtre… déraison ! Face, et sous ces yeux : les miens ! così terribilmente atterriti

* * *

Et ce fut, et ce sera ainsi, au travers de tous ces cheminements intérieurs, si cruellement entrelacés, que je devins ta cible… Folie ! Oui… Ta chose ?… Et dans ces sortes de cheminements  muets, quoique si douloureusement enchevêtrés les uns les autres… les cris des uns, niant ( : voulant nier ?) les cris des Autres !... Certes…

En un  Temps qui me parut : infini…

Et tout le long de ce même Temps, si abrupte ! et aux innombrables, inoubliables Espaces : lumineux et inouïs !…

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