À JAMAIS SUJET/OBJET DE « SA PROPRE » CONNAISSANCE
(Je ne sais presque rien de l’autisme. C’est pourquoi, j’ai beaucoup réfléchi, avant de faire paraître ici ces lignes, que j’ai extraites de « Mais de quel droit... », mon plus récent manuscrit, à propos de mon expérience de la « folie ». Car, j’estime que la « folie » – tout en étant souvent le fruit d’une très élaborée désespérance – n’est pas toujours « douloureuse » dans les solutions qu’elle y apporte dans son for intérieur, à cette même désespérance ; qu’il ne s’agit donc pas tout le temps de l’« interpréter », selon l’univoque et propre convenance de ses... « soignants », et qu’il faut apprendre aussi à la respecter, en la laissant en paix,. Même si, et quand on voudrait la « comprendre ». Puisque l’on peut lourdement se tromper.
Cela dit et – n’étant absolument pas d’accord avec la politique actuelle des soins qu’on essaye de nous dicter – je me propose tout simplement, en éditant ces lignes dans cet espace spécifique, de rappeler à ceux qui se réclament de la psychothérapie institutionnelle, et qui les auraient ignoreés, ses « anciennes mœurs ». À savoir : le temps où elle « prétendait » encore ( !) s’enquérir auprès de ses éventuels « pensionnaires », pour « comprendre » s’ils désiraient être soignés, ou pas.)
[...] il faut apprendre, lorsqu’il est nécessaire, à se taire et à s’isoler. [...] La solitude aidant, souvent, à toute compréhension de soi–même et de l’autre. À savoir, à la tentative de saisir ces réalités spatio–temporelles dans lesquelles nous vivons. Mais il faut apprendre également à SE revisiter, détournant son regard du pernicieux nombril de son vécu, pour le plonger dans les profondeurs, et parfois même dans les phantasmes vivants de son propre cœur. Apprendre à bien revisiter son âme, pour bien saisir où l’on en est, que faut–il faire : pour soi, et pour l’autre. Même si cet autre est sourd. Muet, parfois.
[...]Ne vous bouchez pas les oreilles, amis : écoutez ce qu’[on] vous dit, mais puis, faites la sourde oreille, et réfléchissez de par vous–mêmes, sans coachs inutiles, en vous plongeant de par vous–mêmes en votre for intérieur. Cela, surtout, lorsque l’on entend vous enfermer dans des ghettos si charmants, qui n’ont plus lieu d’être, mais qui existent toujours : bien lavés, bien nettoyés, bien nourris, et bien résistants à l’air du temps. Pas de ghettos ! Plus de ghettos !
Regardez-vous autour de vous. L’humanité entière clame qu’elle ne veut plus de ghettos ! Et les Autorités (les Autorités qui nous dirigent, ou qui voudraient nous diriger), reniflant l’air du temps, font bien attention, bien attention à comment positionner leurs paroles, mieux, leurs mots, les uns à côté des autres, afin de nous piéger – ce terme même de « démocratie » étant par eux employé, à tort et à travers. Ouvrons nos yeux, et nos oreilles, amis, et ne cessons un seul instant, ne cessons pas, jamais ! de réfléchir de par nous–mêmes sur nous mêmes, et sur l’essence et la qualité de notre liberté, et de notre dignité. Et cela, à tout jamais.
[...]S’il y a aujourd’hui autant d’humains qui se tournent vers coachs et psys, c’est que l’humain a perdu pied, dans cette sorte de cloaque, qu’est devenue notre société d’aujourd’hui. On vous incite, on vous apprend à vous appuyer sur ces Autres qui se déclinent à majuscule, mais qui, en réalité, n’en savent pas plus que vous, sur la vie et sur sa sœur, la Mort, et qui les craignent eux aussi, redoutant pas moins que vous, maladies et ad–venir... J’entends dire, par là, que ce n’est pas leur statut qui les sauve des paniques et de ces formidables erreurs que nous, les humains, avons su (et savons encore, à l’heure actuelle) commettre tout au long de notre histoire.
Seul l’humain qui aura appris à s’apprivoiser de par lui–même, essayera de ne pas tendre de pièges à l‘autre, et tentera également de défendre (d’une manière toute humaine) sa propre liberté, sa propre dignité, en respectant bien celles d’autrui. Or, pour ce faire, on nécessite d’êtres des humains pour ainsi dire, différents : nouveaux ! Surtout nous, les femmes, dont la plupart n’ont pas pu s’épanouir à leur juste valeur. Nous nécessitons d’une nouvelle parole à nous. Nous nécessitons d’une nouvelle Eve, l’ancienne image d’Eve ayant été bâtie, pour nous asservir, par la gens masculine. (Ou du moins, par certains, parmi les hommes.)
Depuis toujours j’ai recherché cette Eve nouvelle, et j’ai regardé, ébahie, le long parcours de nos histoires (privées et collectives), me disant que les hommes (et encore plus spécifiquement dans les domaines d’une véritable culture), avaient bataillé et lutté et, parfois, étaient même allés à la rencontre de tortures (physiques ou psychiques), et de la mort, pourvu de répondre à ce que leur cœur leur dictait, dans son éthique élevée. Cela a été, et est également le destin choisi par d’encore trop rares femmes. Ce sont elles que nous devons regarder, dont nous devons dresser l’image lumineuse dans l’icône de notre cœur. Tout comme nous ne devons pas bafouer, mais regarder bien en face les rêves, les hauts songes de nos amis et compagnons, les hommes, et nous devons apprendre à savoir être beaucoup plus, que les victorieuses concurrentes de ces hommes. Ou bien, et plus simplement (oui !), nous nous devons et nous leur devons, de savoir (nous et leur) montrer, nous y connaître nous aussi, dans ces domaines–là, et que nous savons nous aussi y plier, pour la cueillir, cette si rare fleur : la fleur du Songe ! Car c’est pour la cueillir – intacte –, cette fleur, que certains et certaines d’entre nous, se sont perdu(e)s dans celle qu’on appelle la vie courante.
[...] J’ai commencé très tôt, à abriter dans mon cœur, ce Songe, qui a paru me perdre, dans le quotidien de cette fameuse vie courante. Mais je ne m’y suis pas perdue. Ou, mieux, à chaque fois que je paraissais (même à mes propres yeux) m’être absolument égarée dans la Tempête de ce Rêve, je me mettais désespérément à nager, dans le fleuve acharné de la Mort, et je ne manquais pas (à mes propres yeux étonnés, stupéfaits, car ignares alors des raisons profondes qui me guidaient) de revenir au rivage. Si souvent vidée de tout espoir, et privée de tout ce qui m’avait appartenu : dans un sens matériel, et même (à l’apparence) dans sa signification spirituelle. C’est là que les miens (come l’ont dit) au sens large du terme, à savoir, ceux qui m’entouraient, fixés sur ce simpliste et irrésoluble concept de maladie mentale (concept ?! mais c’est beaucoup pire qu’un simple concept ! c’est une réelle prison !), voulurent que je me soigne. Même pas : que je me fasse soigner.
Et là commença ce qui sembla être mon fatidique « calvaire », qui me fit traîner d’un psy à l’autre, en leur racontant – entière – ma vie, et qui ne le fut pas un calvaire mortel, seulement parce que j’y trouvai mon compte. Car, ce que j’y trouvai, c’était non pas le soin (aux dires mêmes de certains de ces mêmes soignants : impossible, vain pour moi !), mais un si vaste échange culturel (au sens gramscien du terme), que je détournais ce même soin, doucement, tout à fait doucement (et comme d’habitude), vers le trésor de la connaissance de moi. Une connaissance sans fin, mais dont, pourtant, j’entendais fermer la boucle, de par moi–même.
[...]Mais cela je ne l’ai compris que tout à fait dernièrement, après mon si récent, dernier – cauchemardesque – voyage audelà du miroir,dans les terroirs d’Alice. À savoir, après avoir voulu porter à bout, ce même voyage, dans un lieu qui n’y était pas destiné, ou tout au moins qui n’y était pas destiné sur ce mode particulier, ou de cette particulière manière dont je l’entendais.
Car – là aussi – il aurait fallu se faire soigner. Là aussi, il aurait fallu y être, y exister en tant que [...] «psychotique » obéissante, qui se plierait, se courberait au bon vouloir de ceux qui seraient censés [la] soigner [...] et dont, en avalant ces drogues qu’on lui proposerait, elle révèrerait les avis (bientôt des ordres), de ces Autorités, s’exerçant en ces lieux. Et cela pour la paix de l’âme, et pour le calme : d’autrui, et (peut–être) également d’elle–même.
C’est pourquoi, même là, même dans ces hauts lieux de thérapie institutionnelle, on finit par vous les administrer de force, ces soins, en s’y mettant à deux (2 médecins), à l’abri d’un bureau médical. Et ils se jet[teront] violemment [sur vous], en [vous] tenant fort, sur un divan, pour pouvoir [vous] faire une piqure [...] d’Haldol, dont [vous] ne vou[liez] absolument pas.
[...] ma stupéfaction, en moi, en mon cœur, fut si grande ! Elle fut telle, en moi qui criais et me débattais, que, à ce moment–là, à savoir lorsque j’entendais encore des « voix », je crus entendre la « voix » du plus âgé de ces 2 médecins que, en mon for intérieur, j’estimais incapable d’une semblable « action », me murmurer : « Ne t ‘en fais pas, Antonella. J’y ai fait mettre de l’eau, dans cette seringue »...
C’est pourquoi (suivant une ancienne habitude), je décidai de m’enfuir de ce lieu de violence, et d’une si puissante incohérence d’avec leurs propres paroles. Un lieu que pourtant, dans ma première jeunesse, j’avais tellement aimé parce que si joliment niché parmi tant de verdures, et que alors (en ce moment juvénile : de mon cœur, et de ces mêmes lieux), j’avais trouvé tout à fait féerique, et où j’avais bougé, comme dans un lieu de Songe, en me laissant exister, dans la paix la plus parfaite, et dans la plus totale des libertés.
Or, ayant pris sur moi la totalité de mon argent, je m’enfuis donc à pieds de ces lieux haïs, mais aussi craints par leur sauvage Autoritarisme, me dirigeant vers le village le plus proche. Suivant précautionneusement un chemin à travers champs, que je ne connaissais pas, mais où je réussis magiquement à me repérer, tellement j’aiguisais mon attention, et redoutais d’être découverte, et être ramenée là–bas.
Et j’arrivai le soir, à ce village, où je dormis dans une auberge, et je me fis conduire (le lendemain) jusqu’à la petite ville de province, où je pus finalement ! monter dans le train, qui me conduirait à Paris : chez moi ! J’avais encore cette manière à moi d’envisager le monde en ses « réalités », qui ne plaît pas, qui n’est pas acceptée, mieux, tolérée, par la plupart des autres. Néanmoins, je sus si bien me débrouiller, pourvu de ne pas avoir de véritables entraves à ma liberté et à ma dignité, que je me laissai aider par certains de mes amis, tout en appliquant, à ce nouveau réel, ma « lecture» ( ma « méthode » ?) bien à moi.
À savoir, creuser dans mon passé, dans mon présent et même dans ce qui, à ce moment–là, me paraissait être mon ad–venir. Cela, en m’efforçant de lire beaucoup, de revenir à mon écriture, en écoutant beaucoup de musique, et en regardant mes DVD. Des DVD de films dont je poursuivais la lecture, plus particulièrement de ceux que j’avais si passionnément aimés par le passé, et dont je m’entêtais à comprendre – SEULE – le pourquoi de cet amour, afin de vérifier si j’avais changée, et où, ou bien, comment. Arguant même qu’ils m’indiqueraient quel serait mon ad–venir. Je vivais assez cloîtrée chez moi. Sortant seulement lorsque je ne pouvais pas m’y soustraire, et voyant assez rarement les rares amis qui m’étaient resté fidèles.
[...] Mais pour revenir à cette question des Songes... Je voulus les mettre en acte, ces Songes, pour ainsi dire. Tout au moins les songes des poètes et des musiciens, ou plus généralement des êtres de culture (à jamais au sens vaste, gramscien du terme) que j’avais rencontrés dans mes recherches, et qui – à mes yeux – s’étaient particulièrement engagés dans leur volonté désespérante de vouloir changer ce monde. Pour résumer : je nourrissais en mon cœur, ces songes douloureux et en bonne partie avortés de ces êtres choisis, étroitement enlacés à des songes à moi. Et ainsi splendidement habillée, je marchais (aveuglement ? Oh non ! je ne le crois pas du tout ! ) à travers l’existence, sûre de pouvoir les réaliser, ces rêves, et en me disant qu’il fallait poser mon éthique (comme on me l’avait appris enfant) haut, très haut, et sans jamais la trahir.
[...]Non. La maladie mentale, à savoir une interprétation de la folie qui vous mettrait à jamais à la merci des soins d’autrui, n’a pas le droit d’exister sur cette Terre. Car, SEULE, dans mon appartement, à l’aide de la parole humaine : écrite ou mise en musique ou visualisée sur l’écran de mon ordinateur, brûlant du désir de savoir, je voulus tellement connaître moi et autrui, qu’un jour, comme en m’éveillant à un autre moi, je me dis : « Mais ce n’est pas possible ! La parole de ce monde n’est pas tout à fait ce que ces voix m’indiquent et me parlent ! » Et je me mis à recomposer – bout à bout, inlassablement – toutes les ficelles, toutes les cordelettes qui tissaient ma vision du monde et de la vie, et je dus reconnaître que le « réel », tel au moins que les autres, ou moi–même en d’autres moments de ma vie, l’avais–je entendu, était autre, de ce que les voix me suggéraient, ou entendaient m’expliquer.
Le soir où je découvris cela, je marchai beaucoup dans la liberté des rues parisiennes, rougissant, et étant rentrée, – pendant la nuit – j’écrivis le poème qui va suivre. Mais – actuellement – j’en changerais le mot de la fin. Car – à mes yeux d’aujourd’hui – ce n’est pas du tout une défaite que la mienne : au contraire ! C’est l’indéniable conquête d’un pouvoir humain accru, que d’apercevoir la pluralité des essences et des lumières qui composent notre existence, tout comme notre disparition de ce monde. Et cela, au passé, au présent, et même dans son éventuel ad–venir.