Billet de blog 19 janv. 2020

André Bitton
Président du Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie (CRPA), ancien président du Groupe information asiles (GIA), ex-psychiatrisé.
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Une QPC sur l'isolement - contention transmise à la Cour de cassation

La Cour de cassation transmettra-t-elle cette question prioritaire de constitutionnalité relative à l'isolement et à la contention en psychiatrie au Conseil constitutionnel, alors même qu'actuellement ces pratiques ne font l'objet d'aucun contrôle judiciaire systématique ?

André Bitton
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Mail de Me Raphaël Mayet avocat, au CRPA.

Le 9 décembre 2019.

Cher Monsieur,

2019-12-06 JLD de Versailles - Transmission QPC.

Je vous prie de trouver ci-joint l’ordonnance rendue le 6 décembre dernier par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Versailles qui transmet à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité relative à  l’article L 3222-5-1 du code de la santé Publique.

En effet ce texte qui définit les conditions dans lesquelles le recours à l’isolement et à la contention est possible dans les établissements de santé mentale, ne prévoit aucun contrôle de ces mesures, et par un arrêt en date du 21 novembre 2019 la Cour de Cassation a estimé que ces mesures n’entraient pas dans le champ de contrôle du juge des libertés et de la détention à l’occasion du contrôle de la mesure d’hospitalisation elle-même.

Il convient à cet effet de rappeler que si le Conseil Constitutionnel à l’occasion de ses décisions QPC des 26 novembre 2010 et 9 juin 2011 avait  exigé un contrôle systématique par le juge des mesures d’hospitalisations sous contrainte, c’est justement parce que le recours facultatif à fin de mainlevée à l’initiative des personnes hospitalisées était insuffisant au regard de l’exigence de contrôle judiciaire des privations de liberté.

Cette exigence constitutionnelle interne rejoint d’ailleurs sur ce point la notion de « garanties procédurales suffisantes » énoncée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) dans ses décisions M.S. C/ Croatie et Cutura C/Croatie.

Or, nul ne peut contester que le recours à l’isolement et à la contention constitue une mesure gravement attentatoire aux libertés individuelles et on voit mal comment le contrôle de ces mesures devrait être à l’initiative des personnes placées à l’isolement ou maintenues sous contention qui n’ont bien souvent aucune possibilité d’entrer en contact avec l’extérieur.

Votre bien dévoué.

Me Raphaël Mayet, avocat au Barreau de Versailles.


Commentaire - CRPA

Principal paragraphe de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Versailles qui ordonne la transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel :

’’Cette disposition [l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique] n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel."

L'originalité de cette décision de transmission réside dans le fait que la loi Santé Touraine du 26 janvier 2016 a fait l'objet d'une saisine parlementaire du Conseil constitutionnel, mais que la décision du Conseil sur cette saisine ne concernait pas l'isolement et la contention en psychiatrie. Dérogeant à la jurisprudence établie jusqu'ici, la transmission est décidée par le Juge des libertés et de la détention au motif que l'article de loi sur l'isolement et la contention n'est visé ni dans la motivation de la décision de 2016 sur la loi Santé, ni dans le dispositif en fin de décision qui résume les articles de cette loi censurés ou déclarés conformes à la Constitution.


Texte de la question

Source (site de la Cour de cassation) : https://www.courdecassation.fr/juri…

Article L 3222-5-1 du code de la santé publique

Question

Les dispositions de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, telles qu’interprétées par la Cour de cassation dans son arrêt n°1075 du 21 novembre 2019 (19-20.513), portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution, en particulier son article 66, garantit, en ce qu’elles ne prévoient pas de contrôle juridictionnel systématique des mesures d’isolement et de contention mises en œuvre dans les établissements de soins psychiatriques ?

Saisine

Du 20/12/2019 - P 19-40.039 - Tribunal de grande instance de Versailles, 6 décembre 2019.

Lexique : QPC : question prioritaire de constitutionnalité.

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Sur notre site : 2019-11-21 (jpj/cass) La Cour de cassation invalide la jurisprudence versaillaise sur l’isolement

Ainsi que : 2019-01-10 (jpi/cedh) La CEDH condamne la Croatie pour absence de défense effective d’un interné

2015-02-19 (jpi/cedh) La CEDH condamne la Croatie pour une mise à l’isolement avec contention injustifiée sans garantie procédurale

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Pour retrouver cet article sur le site du CRPA, cliquer sur ce lien

CRPA - Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie [1]

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