LA NATURE EST EN COLÈRE
« La Nature est en colère ! »
Je le criai, ou je le murmurai ces mots, ces parole ? Je ne saurais plus le dire. Cela se passait à l’Esquirol. À l’hôpital de l’Esquirol. Au tout début de mon enfermement, lorsque la Nature se déchaina au–delà des vitres de la petite fenêtre barricadée. Je regardais à l’extérieur, et (je ne sais pas pourquoi), je me disais que même à Bali, dans ma bien–aimée Bali, existaient des lupanars, que je les avais découverts, et que je l’avais crié au monde.
En levant les yeux. Je fixais les rosacées creusées, en haut…du portique...
Mais je serais prête, même à l’heure actuelle, à le redire, à le réaffirmer. Car des lupanars ( : réels ou métaphoriques ; des lupanars symboliques) ont envahi l’ensemble de la Planète.
Hier après–midi, j’ai voulus m’assoupir un peu, lorsque je vis (dans mon sommeil) une femme, assise –, qui s’était introduite dans mon appartement, et dans ma chambre à coucher.
La porte était ouverte, et elle était assise : le dos au couloir. Et je me demandais comment elle avait fait à entrer.
Mais puis, ce fut tout suite après, que le cauchemar s’est déclanché… Je fus agrippée par la force. Je me débattais, je me révoltais, mais des mains me serraient, me tenant bien fort. Et je criai. Je criai contre cette femme.
Je me souviens que je criais quelque chose en italien, en lui disant qu’elle voulait m’arracher les yeux, mais que moi, je lui aurais, je lui aurais arraché, à elle aussi, les siens.
Mais, à ce moment–là, je m’aperçus qu’on ne me faisait pas uniquement une piqure, avec la violence, mais autre chose…
Et je vus le bout d’un Camice bianco, les bouts des 2 manches d’un camice bianco, dont les mains, m’ « opéraient », pour ainsi dire, en haut de la tête. Là où le Monde Chinois, pose ce qu’ils appellent la « fontanelle ». Et je saisis d’un coup qu’ils étaient en train de m’opérer le cerveau. Ou qu’ils entendaient m’opérer le cerveau. Tout à fait comme ils le faisaient, autrefois. Mais encore aujourd’hui. Ca m’échappe, en ce moment, le nom de cette opération. Comment s’appelle–t–elle ? C’est une opération qu’on réalise, qu’on effectue encore aujourd’hui, sur les cerveaux « malades ». Non pas malades d’un cancer, mais malades d’une « maladie mentale ».
Ah, oui ! La lobotomie !
Je les connus, 2 de ces opérés.
D., un homosexuel interné à la Borde, qui me raconta qu’il était le fils bâtard d’un gouverneur ( : d’un dictateur ?) d’Amérique Latine, et qui s’occupait du jardin, et qui était l’ami de M. Delanoy, mon maître de piano.
Et puis – terrible – cette autre personne, que je rencontrai dans le train, une fois… dont je n’arrive pas à me souvenir du nom, peut–être que je ne le connaissais pas… On s’éloignait tous deux de La Borde… En train… on remontait sur Paris… Et il me parlait... Il parlait à voix basse… beaucoup… en me disant que seulement cette opération au cerveau l’avait « sauvé « de ces troubles, pour ainsi dire.
Moi, je l’écoutais, sans oser rien dire…
Or, hier après–midi, c’était sur moi, sur mon crâne, sur mon cerveau, qu’on effectuait cette opération. Et je me révoltais, je me révoltais. En essayant de m’y soustraire, en essayant de mordre, oui, même de les mordre, ces mains qui me hantaient, et que j’ai réellement mordues, à l’Esquirol. Pour légitime défense. Et ce fut ainsi, que je me réveillais. Ce fut ainsi, en essayant de mordre, en levant (je crois) ma tête de mon oreiller, que je me réveillai, dans ce qui n’était qu’un cauchemar.
Visïon ou réalité ? , me demandai–je.
Cela n’empêche, que je tremblai, au plus profond de moi–même, car : « Qu’est–ce que je ferai, si l’on m’opère le cerveau ? »,me demandai–je.
Oui.
C’est peut–être, également pour cela, que j’ai tellement souffert, hier : au théâtre du Chatelet. Car (me disais–je), vous, vous tous, grecs et non grecs, qui vous révoltez tellement, actuellement, regardez aussi chez vous. Car, chez vous aussi, vous devez regarder. Dans ces lieux enfermés, clos, de chez vous. Car eux aussi, nous aussi, nous, avons le droit de crier à la décence et à la liberté et à la dignité.
Vous, vous insurgiez contre la limitation, et peut–être la volonté de – oh ! non ! non pas délimiter, mais tuer toute liberté de la presse. Mais regardez donc, dans ces HP ! Là où l’on n’a plus aucun droit, aucune possibilité de se tenir informé, d’essayer de comprendre, ce qui arrive : à l’extérieur de leurs murs.
Et je me disais, amèrement : « Oui ! Il ya une différence, entre nous et vous. Oui ! Il y a cette différence, que j’ai appelée « ontologique ». »
Et je souffrais, en pensant cela. Car, chez moi, dans ce que j’ai appelé les « abîmes » de mon être, le trop de souffrance, à la vision de ce que les humains, les êtres humains peuvent « inventer » pour vous tuer psychiquement, m’a fait tout oublier : sciemment, tout au moins. Et on a beau dire, on a beau faire : je ne désire pas me souvenir. Car je ne voudrais pas renoncer à cette lumière, dont je parlais dès mes premiers écrits de jeunesse, cette lumière de l’âme ( : des âmes ?) humaines.
Je suis quelque peu hantée par la vision d’un visage que j’ai rencontré dans une salle d’attente, et que j’ai « reconnu », pour ainsi dire, sans le reconnaître.
Qui était–il, ce visage, rendu presque difforme, par le Temps ? Par le passage du Temps, sur ses traits, sur ses joues, sur son crâne ?
Je le connais (me disais–je), oui je le connais, ce visage. Je l’ai déjà vu. Est–ce celui d’un criminel ? L’un de ces criminels, que j’appelle, que j’ai appelés : des « criminels de guerre » ?
Mais – pour revenir à hier – je me suis demandé si l’on pouvait « opérer », pour ainsi dire, même « à distance ». Oui. À distance. Par des moyens autres. Qui ne sont pas, les moyens corporels des chirurgiens. Bien que la chirurgie elle–même, ait beaucoup changé, et qu’elle emploie des méthodes, dont j ‘ai entendu parler, que je ne connais pas – n’étant pas médecin –, aidée par des ordinateurs, que j’aime mieux appeler « computers ».
Or, je pensais à des méthodes d’influence psychique ». Oui.
Or, si j’avais dit cela plus tôt, assurément qu’on se serait de nouveau présenté chez moi, pour me sauver d’un Péril Imminent, vis–à–vis de moi–même. Un péril imminent… Quelle haute générosité !, que de vouloir sauver les peuples entiers, ou les individus, d’un si Grand Péril Imminent, contre soi–même !
Oui… Certes…
On le nomme, cet oubli, cet oubli qui m’a si longuement hantée : refoulement. Paraît–il… Re–fouler… Renvoyer… Repousser en arrière… Loin… Dans de Temps archaïques, ces méthodes, elles, certes, archaïques, ces méthodes de tortures physiques et psychiques, où l’on vous fera vivre, physiquement, ces horreurs, qui apparurent en premières, à vos yeux ( oui !! ) hallucinés de désespoir.
J’ai cru, dans mon histoire si signifiée par ces oublis récurrents, si récurrents !, que le jour viendrait, où je pourrais me rappeler. Or, moi, je n’arrête, dans, tout au long de ce processus d’opérer un « tri ». Oui ce que j’appelai « un tri » nécessaire.
Mais ce que Schopenhauer appellerait ma volonté ( : mon vouloir ?) ne veut pas, m’empêche de revenir, de recourir à ces passé. Et je connais des personnes qui, par un trop de souffrance on tout rayé, totalement oublié, leur passé. Qui ont TOUT oublié. Oui. Je les connais, ces personnes.
Là où, moi, petit à petit, je me rappelle de choses, et d’êtres, et de noms : humains, géographiques, culturels, mais : heureux. Ou peut–être non ! Je me rappelle de ce qui m’aide à écrire et à retrouver ma liberté. Celle que j’ai appelé, et que j’appelle ma soif ardente de « liberté ».