Billet de blog 20 mars 2012

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Notre regard sur les usagers de la psychiatrie ?

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Guy Baillon, psychiatre des hôpitaux, le 20 mars 2012

Notre regard sur les usagers de la psychiatrie ?

Un président d’association critique avec violence dans son blog mon regard sur les usagers de la psychiatrie. Je lui réponds ici.

Monsieur : "D’abord, merci de crever l’abcès ! Vraiment merci.

Cependant je préfère m’extraire des procès « ad hominem », c’est-à-dire des procès cherchant à mettre à mal des personnes, comme vous voudriez le faire.

Il y a beaucoup plus important : sachons avoir le courage et la lucidité de différencier  ‘usagers de la psychiatrie’ et ‘non-usagers’

Une question de fond est là en jeu, cause de confusion. Il est capital d’être clair dans la conjoncture actuelle, qui se laisse fasciner par le racisme en s’appuyant sur des confusions et des amalgames aux conséquences dramatiques.

Votre critique ne m’étonne guère, je m’y attendais depuis longtemps, au moins depuis la première fois que j’ai écrit  publiquement sur le renouveau de la psychiatrie apporté par la présence officielle sur la place publique des associations d’usagers de la psychiatrie

( voir mon livre « Les usagers au secours de la folie », 2009, -Je peux vous avouer qu’un psychiatre renommé, qui s’y est  vu mis en cause, a proféré les plus vives menaces après sa lecture-, … mais aussi le suivant « Quel accueil pour la folie ? ». 2011, et les 45 textes sur Médiapart depuis 2010 dénonçant la maltraitance des usagers qu’annonçait la préparation de la loi 2011, annoncée par le discours du Président du 2-12-2008).

La ligne entre ‘usagers’ et ‘non usagers’ de la psychiatrie est très mince, pourtant c’est justement sur le respect de cette ligne que tout se joue dans le champ de la psychiatrie.

L’histoire de la psychiatrie est pavée de bonnes intentions, différents acteurs, psychiatres, familles, ont voulu ‘parler à la place’ des usagers, maintenant des personnes se faisant passer pour usagers.

L’essentiel est que chacun ait la rigueur de savoir se situer par rapport à cette ligne, qu’il affirme son statut.

Celui ou celle qui veut jouer sur les deux tableaux perd toute crédibilité. Le critère là n’est pas la souffrance morale ni le handicap physique ou sensoriel, mais le vécu de la maladie psychique et le vécu du traitement psychiatrique.

Quelques personnes aussi veulent faire croire qu’elles sont usagers parce qu’elles ont été très proches d’un usager, et s’arrogent le droit de parler et d’agir au nom des usagers. A partir de là tout leur discours est faussé, elles ne s’en rendent même pas compte.

D’autres veulent les protéger en croyant qu’il faut expliquer aux usagers comment ils doivent se comporter, comment ils doivent parler pour que les officiels les croient.

C’est pour cette raison que certains soignants, avec qui j’ai eu de sérieux affrontements pour cela depuis, même des amis, refusent le terme d’usagers, pour ne garder que celui de malades, ceci pour les protéger, ayant peur de les laisser seuls, sans comprendre qu’ainsi ils les infantilisent définitivement, et qu'ils risquent de les 'utiliser'.

Ainsi peu à peu j’ai noté que l’on peut se faire une idée de l’éthique d’une personne, d’un citoyen, d’un professionnel, selon le statut qu’elle accorde à "l’usager de la psychiatrie". Sachant qu’à chaque fois pour chacun cette prise de position nécessite un temps de réflexion ; un mouvement de générosité n’est pas là suffisant, ...

Comme vous le soulignez, s’y ajoute maintenant l'attitude que nous avons envers la psychiatrie depuis la loi 2011 ; c’est en effet ce que j’ai dit lors d’une intervention à Annecy le 28 novembre 2011 à une conférence de la Croix marine, parue en article le 17 janvier : "à vouloir trop protéger les malades contre cette loi nous les invitons à se soumettre à l’Etat, leur faisons perdre le sens critique, les entrainons dans la collaboration, alors qu’il s’agit ensemble de se révolter, quoiqu’il en coute à chacun, contre une loi qui nie l’humain". Le texte qui donnait les conseils aux usagers, a été rédigé aussi par des syndicats de psychiatres (qui m’en ont beaucoup voulu, et je les crois de bonne foi, mais nous découvrons ensemble qu'avec cette loi, si nous ne sommes pas attentifs nous sommes vite entrainés dans la collaboration avec l’ennemi). réagissons. Par contre là où il y a eu faute, c’est que ce texte était faussement signé par la FNAPSY. Celle-ci informée a exprimé sa colère contre ceux qui avaient utilisé son nom.

J’ai réagi aussi parce que ce n’est pas la première fois que certains acteurs, dont des psychiatres, cherchent à entrainer la FNAPSY dans des pièges.

En effet il y a eu pire, cela m’a profondément révolté, et me permet de comprendre l’enjeu caché : il y a eu la violence dont la FNAPSY a été l’objet, à de nombreuses reprises, avec même des procès ignobles, cherchant à détruire des personnes, dans le seul but de prendre sa place, tout ceci fomenté par de ‘non-usagers’ se mélangeant à des usagers. En effet en raison du rôle public très important, très utile pour les usagers et pour la psychiatrie, qu’elle a joué dans notre société, la FNAPSY est très jalousée.

Certes comme tous les ‘mouvements’ la FNAPSY est une fédération d’associations et n’a pas la prétention de rassembler ‘tous’ les usagers, mais il en est de même pour les mouvements de familles, de psychologues ou de psychiatres. Mais c’est la Fédération reconnue des usagers.

Vous pouvez donc me faire tous les procès que vous voudrez si vous en avez la matière. Je saurai me défendre.

Mais il est inacceptable que vous cherchiez par vos intimidations à vouloir une fois de plus parler et agir à la place des usagers dans une association mélangeant usagers et non usagers.

Les usagers n’ont pas besoin de conseils sur la façon dont ils doivent se comporter devant les officiels, devant la société, ni comment monter des dossiers ou revendiquer.

Rien n’est plus fort, plus déterminant, que leur propre parole qui exprime l’authenticité de leur souffrance, telle qu’ils ont envie de la formuler.

Cette expression est un bien trop précieux devant l’ensemble de la société pour que personne d’autre ne se l’approprie.

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