FOLIE ET ENFANCE
… la mia narrazione buia
(Dante)
Du calme, mon cœur, du calme. Essaye de ne plus pulser, à mon ouïe fatiguée, avec autant de force. Tente de la retrouver, ta quiétude. Mais pourquoi, pourquoi, te devrais–tu mépriser autant ? Pourquoi ce grand mépris ? D’où surgit–il ? De quels récents débris ? De quels restes ? Da quali macerie, s’insorge mai ?
Tu vois : tu ne le sais même pas. Tu ne saurais même pas nous le dire… Et pourtant… Pourtant, tu t’es levée (dans la nuit noire), comme jadis, pour l’écouter, pour te mettre à l’écoute, de cette parole : écrite…
Oui… Enfance et folie, dis–tu… Et tout ce qui te sembla, tout ce qui te parut être en quelque sorte rites d’initiation… Auxquels tu te soumettras… Auxquels tu voulus à jamais te soumettre. Pour comprendre, saisir. Ou mieux encore : pour les revivre : rites et initiations. Et cela – comme tu l’as déjà exprimé – dans ta propre chair. Et pour les rappeler en mémoire, ou plutôt, à la mémoire de tes contemporains ; qui, en ce moment, dorment, abandonnés dans leur lit. Là où toi… Oui. Là où toi, tu voulais/voulus tenter d’abandonner le droit chemin ( : le chemin, tout court ?) pour les pousser, enfin !, ces Humains, à faire corps tout entier, avec une vérité plus réelle, ou même, ( : à tes seuls yeux ?) à une plus véridique réalité.
Or, tout cela, ce grand effort, ce vol de la lumière ( : du feu ?), ce ne serait pour eux, qu’emprunté délire… Ne serait–il plutôt lampe allumée au fin fond d’une Nuit Noire ?… que tu pourchassas, et douloureusement t’entêtes, encore et encore, à pourchasser… que tu poursuis encore et encore, actuellement, tout au long de cette sorte de parcours, de cheminement à la large spirale, qui présentement, à l’heure présente j’entends, en ce moment spécifique de l’Histoire, ne sera nommé, et jusqu’à la lassitude, que « déni » : « déni d’un état morbide, maladif»…
Te souviens–tu, cœur qui pulses, ce déjà lointain écrit, que tu appelas, nommas, titras : « La visiteuse de la nuit » ? Car, à ces moments–là, tu culpabilisais fort d’avoir pénétré dans la Nuit Noire de la folie, et d’en être ressortie, avec ton gros butin. Oui. Tu culpabilisais d’avoir laissé, d’avoir abandonné, ces autres (tes compagnons de route) dans les affres de cette même Nuit. De cette Nuit, si redoutée. Qu’on redoutait, et qu’on redoute encore plus aujourd’hui… Et pourtant…
Symboles… Symboles charnels… Symbolique si charnelle de tes paroles… Si incomprises ces paroles… (Incompréhensibles même à ta propre ouïe ?)
Car il faut le remonter, le Temps. Il faut revenir jusqu’à ses si lointaines Origines, si l’on veut saisir, et comprendre, mais aussi permuter la vie. L’existence. Même pas… Si l’on veut regarder, vie et existence, par d’autres yeux. Des yeux qui sachent appréhender (: parler également ? et traverser ? et parcourir ?) l’Inconnu. Ayant vogué ( : après avoir vogué ?) sur d’autres Mers, ayant été ( : après avoir été ?) en quête d’autres Océans de la parole… Et de leur symbolique également…
Refaire, rebâtir, doucement, attentivement, les cheminements périlleux… Jusque là où l’on te laisseras pénétrer… (Pour pouvoir en ressortir ?) Oui… Certes…Pour pouvoir en ressortir… Et pouvoir les dire, pouvoir les conter, ces cheminements périlleux, et par tous redoutés... Voir la lumière… tout au fond de la grotte… della Caverna cupa… Comme dans ces Temps éloignés, si éloignés et pourtant si présents, lorsqu’on ne redoutait pas, si maladivement, si morbidement, la présence du Mythe. Ni sa Vie, ni son Existence !
Et la voir, la lumière, tout au bout. Et avoir les pupilles rayées, par autant de splendeur. Lumière qu’on perçoit… Et qu’on parcourt… Et cela, pour que tous la regardent, pour que tous puissent, soient en état de la regarder : de la contempler… Et sans en être absolument aveuglés.
Parcourir et reparcourir l’Espace, à grandes enjambées… l’Espace–Temps… Et s’en approcher… S’en éloigner… Sans devoir en rendre compte… À personne ! Voici… Et être initié au secret… Au mystère… L’ayant acquis. (L’ayant acquis ? Oh, non ! L’ayant conquis ! L’ayant donc et également mérité !)
Mais pour revenir à nous, et à notre intitulé : Folie et enfance… Toute cette enfance concrète, pour ainsi dire corporelle, corporea, qui nous enveloppa, et où est à rechercher la parole qu’on dit : égarée, et dont on se met, dont l’on se mit, depuis déjà un lourd espacement de Temps, à la recherche… en quête…
Tous ces visages disparus de l’enfance, autour de nous… De toi, et de moi… De ces pas… dei nostri passi, harcelant la china abrupte de la montagne… Oui… Un pas après l’autre… Lourds ? Certes. Lourds ! Là où ces autres parlent… Bavarderaient–ils, vainement ? Oh, que si ! Ils bavardent ! Ils ne font que bavarder ! À leur propre écoute, foncièrement. Plus qu’à l’écoute d’autrui. Inlassablement à leur propre écoute. Car il ne peut pas en être autrement. Si l’on ne remonte pas, si l’on ne s’échine pas à la remonter, la pente âpre...