Billet de blog 23 mars 2023

André Bitton
Président du Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie (CRPA), ancien président du Groupe information asiles (GIA), ex-psychiatrisé.
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L’isolement - contention sera-t-il de nouveau déclaré inconstitutionnel ?

Cette procédure est pour le moins solennelle. En effet s’il faut revenir à trois reprises en trois ans devant le Conseil constitutionnel par voie de QPC en inconstitutionnalité de la législation relative à l’isolement et à la contention en psychiatrie, c'est que le Gouvernement, le Parlement et les acteurs institutionnels refusent une telle réforme.

André Bitton
Président du Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie (CRPA), ancien président du Groupe information asiles (GIA), ex-psychiatrisé.
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Communiqué, Paris, le 23 mars 2023.

Troisième audience sur QPC mardi 21 mars devant le Conseil constitutionnel

— Pour visionner cette audience sur le site du Conseil Constitutionnel, cliquer sur ce lien

Le 26 janvier courant la Cour de cassation transmettait deux nouvelles questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel portant d’une part sur l’absence d’information délivrée au patient dès le début d’une mesure d’isolement - contention sur ses droits et voies de recours, d’autre part sur l’absence de représentation obligatoire par avocat lors d’un contrôle judiciaire sur dossier (sans audience) de ces mesures.

L’article L 3222-5-1 du code de la santé publique relatif à l’isolement et à la contention en psychiatrie (pour lire cet article de loi, cliquer sur ce lien) a été censuré à deux reprises par voie de QPC le 19 juin 2020 et le 4 juin 2021 ; mais aussi à une troisième reprise à l’occasion d’une saisine parlementaire du Conseil constitutionnel relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

L’audience d’une durée d’une heure trente a eu lieu mardi 21 mars avec pas moins de huit organisations intervenantes au soutien des requérants : le CRPA, les Barreaux des Hauts-de-Seine et de Seine-St-Denis, la Conférence nationale des Barreaux, l’association Avocats droit et psychiatrie, ainsi que le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et l’Union syndicale de la psychiatrie.

Cette procédure est pour le moins solennelle. En effet s’il faut revenir à trois reprises en trois ans devant le Conseil constitutionnel par voie de QPC en inconstitutionnalité de la législation relative à l’isolement et à la contention en psychiatrie, c’est pour de bon que le Gouvernement, le Parlement et les détenteurs du pouvoir institutionnel en la matière n’ont pas entendu porter jusque-là un net intérêt à ce sujet.

A l’exception de la traçabilité de l’isolement et de la contention adoptée par amendement du député PS Denys Robiliard dans le cadre de la loi santé du 26 janvier 2016 (cliquer sur ce lien), l’ensemble des réformes concernant les droits fondamentaux des personnes psychiatrisées sous contrainte depuis 2010 ont été adoptées par le Gouvernement et le Parlement sous la contrainte de décisions de censure prises par le Conseil Constitutionnel. Celui-ci statue ce mois-ci pour la dixième fois depuis l’instauration des QPC en mars 2010 sur la question psychiatrique …

Il est ainsi acquis et de « notoriété publique » (pour reprendre un concept qui a permis de faire interner en psychiatrie bon nombre de personnes depuis la loi du 30 juin 1838) que la question des droits fondamentaux des personnes hospitalisées sous contrainte et traitées en milieu psychiatrique est un non-sujet. La population visée (les personnes psychiatrisées) pour le corps social et notamment dans la logique de la défense d’intérêts strictement corporatistes, étant une population infra - humaine.

Ainsi ces pratiques cruelles, inhumaines et dégradantes que sont l’isolement couplé à la contention trouvent leur légitimité pour certains acteurs institutionnels dans le manque de moyens et de personnels.

Par ailleurs on observe dans cette troisième procédure en QPC devant le Conseil constitutionnel, la remarquable absence des représentants du handicap, alors même que ces questions concernent éminemment ce secteur. Absence aussi des représentants institutionnels dument agréés des psychiatrisés, des familles de patients et des aidants. Seul un syndicat de psychiatres tout à fait minoritaire est présent dans cette procédure. Remarquable absence également de France assos santé (ex-CISS, collectif inter-associatif en santé fondé en 1996). Cet organisme censé représenter auprès des pouvoirs publics, l’ensemble des associations d’usagers du système de santé, sur habilitation législative et réglementaire, fonctionne sur des subventions accordées annuellement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.

Ces acteurs institutionnels sont tenus par voie d’agréments et de subventions sur fonds publics par le Gouvernement, par les agences régionales de santé ainsi que par les établissements où siègent les représentants des usagers désignés sur arrêté préfectoral.

Ce lien de dépendance avec les pouvoirs publics et les institutions sanitaires est-il la seule cause de cette absence ? Nous ne le pensons pas.

La population des personnes psychiatrisées a été croissante depuis l’ouverture des institutions dans les années 1960 -1970 (actuellement environ 2, 2 millions de personnes) ouvrant un bassin d’emploi pour le moins conséquent. Il a été considéré que cette population marginale et marginalisée devait être tenue sous un contrôle médico-social étroit. Ces différents acteurs institutionnels ont été associés progressivement à ce contrôle médicalisé depuis un demi-siècle.

Quoiqu’il en soit, la mobilisation des représentants des Barreaux aux plans départemental et national est une excellente chose, malgré le féodalisme de l’institution judiciaire française.

Il est en effet trop facile de fouler aux pieds les droits, la dignité et l’humanité même des personnes psychiatrisées dont on sait qu’elles sont recrutées quasi définitivement dans les files actives de la psychiatrie en extrahospitalier comme en institutions, et de plus en plus souvent dès la scolarité, dès l’enfance.

Plus que jamais, le Conseil constitutionnel est ici un garde-fous.

Délibéré le 31 mars.

— Vous trouvez en pièces jointes les conclusions ( cliquer sur ce lien ) et observations ( cliquer sur ce lien ) de notre association en intervention au soutien des deux requérants et de leur conseil.

— Me Jean-Marc Panfili, avocat du CRPA étant en déplacement à l’étranger n’a pas pu être présent à cette audience.

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Pour retrouver cet article sur le site du CRPA, cliquer sur ce lien

Dossier sur cette procédure sur le site du Conseil constitutionnel : https://qpc360.conseil-constitution…

Dossier sur notre site sur la légalisation de l’isolement et de la contention en psychiatrie depuis la loi Santé du 26 janvier 2016, cliquer sur ce lien


CRPA - Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie [1]
Association régie par la loi du 1er juillet 1901 | Réf. n° : W751208044
Président : André Bitton. 14, rue des Tapisseries, 75017, Paris |
Pour nous contacter, cliquer sur ce lien
 

[1] Le CRPA est adhérent au Réseau européen des (ex) usagers et survivants de la psychiatrie (ENUSP / REUSP).

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