Billet de blog 24 janvier 2012

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DES CHEMINS ARCANES MENANT À LA FOLIE

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DES CHEMINS ARCANES MENANT À LA  FOLIE

..... il me faut quand même peser.

J’aurais l’impression d’être trop lâche,

si je ne pesais pas...

(Jacques BREL)

Que notre vaillant Président de la République se rassure, et qu’il dorme du sommeil du juste, dans son Palais de l’Elysée aux si savantes dorures ! Car, cette fameuse Loi sur les «  soins sans consentements », qu’il a désirée, dont il a longtemps rêvé, et qu’il a finalement songé à promouvoir sur la scène politique de notre douce France (il y a déjà un bon moment), ordonne que ces soins soient prodigués  (à l’arrachée ? bien sûr, si nécessaire !) à ceux qui, tout en ayant été jugés et une fois pour toutes « mentalement malades », se refuseraient à avaler leurs nombreux comprimés, ou à se soumettre à ces piqûres qui leur furent prescrites. Et oui !

Et qu’il se réjouisse donc, notre sage Président, puisque ces soins sans consentement – qu’il ne put lui-même enfanter ex nihilo, simplement parce que leurs embryons vivotaient déjà par-ci, par-là : partout ailleurs, mais qu’il a précautionneusement et bellement habillés de la superbe, candide Loi d’hermine d’une Loi visant une absolue Santé Psychique, protectrice de toute potentielle victime – ces soins donc, sont en train de s’appliquer, silencieusement et pleinement.

Qu’il se réjouisse fort, notre si précautionneux Président, car ces soins sont désormais mis en exécution, toujours aux mêmes fins : supérieurs et sublimatoires – également par ses plus féroces adversaires politiques. Comme (pour ne donner qu’un exemple), par ce si digne, si valeureux docteur au nom de C***, d’impérissable mémoire, et dont il a été déjà question dans ces lieux, mais sous une forme que l’on aimerait définir... poétique.

Car, en son âme et conscience, le docteur C*** a dû sans aucun doute bel et bien avouer,  y avoir eu un réconfortant recours, afin de pouvoir raisonner à tout prix la folie, et afin de pouvoir la sauver de tout péril : envers autrui, ou envers elle-même. (Précisément comme vous le dites et ne manquez au grand jamais de l’affirmer,  Monsieur le Président !)

À savoir, à ce moment précis où, tout à  coup, il se trouva à faire face à un cas, trop complexe à déficeler (à contrattaquer ?) par des méthodes tranquilles et pacifiques. Lorsque il se découvrit inhabile à affronter des situations totalement, absolument incompréhensibles, et cela même à son propre entendements. À un entendement, soulignons-nous, si subtile, si hautement rationnel, et de  véritable homme « d’art  et de science ». Car, tel il est, à nos yeux, notre savant docteur.

Or,  nous voudrions tout simplement ajouter que c’est vrai, que c’est parfaitement vrai, ce qui a été écrit sur ces mêmes colonnes. À savoirque – à la lumière quelque peu aveuglante de cette Loi – réapparaissent encore une fois sur la scène de la si théâtrale folie (mais avaient-ils véritablement disparus dans la Nuit noire?), des vieux phantômes.

D’un côté, des phantômes d’humains  « bons », et, de l’autre, des phantômes/humains « mauvais ». Ou, pour être plus exact et ne pas tomber dans un manichéisme à l’apparence trop simpliste ni non plus dans une sorte d’anachronisme injustifié, nous pouvons affirmer qu’il y a ceux qui, au temps d’aujourd’hui (mais ce « relativisme »-là de l’histoire, ne désire pas tellement être entendu par l’ouïe aiguë des gens « du métier »), ceux donc qui, d’un côté, sont (de nouveau ?) appelés les « bons » psychotiques et, de l’autre,  ceux qui sont nommés les « mauvais ».(Nous savons que – à ce moment même de notre récit, qui recoupe la totalité des psychotiques – les belles âmes ne manqueront assurément pas de remémorer la phrase par laquelle, ce psychiatre assurément malade d’angélisme, parlant du «  fou », finit par s’écrier : « Mais il est un homme ! », et revenons à nous.)

Les bons psychotiques étant, comme l’on sait et l’on dit, ceux qui veillent à bien se soigner, et à honnêtement  obéir à la parole (aux conseils–ordres ?) de leurs « soignants ». Et cela, non pas tellement avec l’espoir de « guérir » – car de ces maladies-là, des maladies de la mens, on ne risque pas (et ceci on le sait également) de « guérir » – mais pour tenter d’aller,  pour ainsi dire, un petit peu mieux. Pour pouvoir ressentir un petit peu moins d’angoisse. En d’autres termes, afin de pouvoir recevoir et jouir, d’une manière ou d’une autre, de l’aide médicale. Cela,en ce monde qui s’essouffle en toute hâte à poursuivre la santé (et son compagnon, le bien-être) mentale ou physique, et où l’on se précipite sur leurs empreintes ailées, de peur de trop souffrir, ou (même !) de devoir mourir, ou (plus raisonnablement) d’être enfermé en ces lieux de réclusions que deviennent de plus en plus les hôpitaux psychiatriques.

Bon.

Cela dit, de l’autre côté du fleuve, se groupent ceux qui – têtus ! – ne veulent rien entendre, ni savoir ! Ceux  qui veulent suivre leur propre chemin, et qui n’en veulent pas de ces médicaments qu’on leurs propose.

Mais désormais (Et la lumière fut !) désormais, tout le monde sait, connaît par cœur, ce qui se niche dans le muscle bien fermé du cœur de ces derniers : cette horrible, abominable présence, cette force irrationnelle et perturbatrice de l’ordre social (et d’autres ordres encore, si on la laisse faire !), qui est le DENI ! Lactuel déni ! À savoir, ce qu’on nomme aujourd’hui par ce mot de « déni », et qui désormais (comme tous les mots employés de nos jours) prends à l’envi toute sa place – une place qui, sans doute aucun, ne peut que lui revenir de droit – dans tous les domaines des expressions et de la recherche humaines. (Serait-ce, celui-ci, un premier « symptôme » de notre mondialisation culturelle ? Faudrait-il soigneusement, prudemment s’interroger à ce propos ?)

On se réfère,  ici,  et l’on entend se référer, à cet irrationnel, quasi incurable déni – si destructeur, si morbide en soi –  de leur propre et même état maladif. Le déni donc de cette maladie qui les habite, les signifiant in aeternum : au passé, au présent, et à l’ad–venir. Ou, pour mieux dire, le déni des multiples formes dont cette même maladie, si fortement ancrée en leur psyché, au moyen de la pluralité de ses jeux si habiles et si rusés, se revêtit. Et pourquoi le ferait–elle, sinon pour mieux échapper au Savoir de ses généreux soignants ? Se métamorphosant continuellement,  perpétuellement, certes ! en cours de route. Se manifestant sous des semblants différents, s’abritant  sous ces différents « symptômes », qu’il  s’agit évidemment de bien déceler, de bien diagnostiquer, afin de bien pouvoir les traiter ( les contrecarrer ?) par de bonnes, à savoir efficaces méthodes.

Le problème (chez nous, aujourd’hui) se pose sous la forme suivante : comment faut-il les soigner ces mêmes « malades mentaux » ? Est-ce qu’il faudra les traiter par des moyens chimiques et par des tests à l’américaine, – pour aller plus vite au but, et y allouer des budgets moins onéreux ? Ou est-ce qu’il faut hardiment leur faire face, à ces malades, par la proximité d’une présence, humaine et bienveillante, quoique (comme nous l’avons déjà dit,  mais nous entendons le répéter encore et encore, tant cette « vision» des choses pourrait vous paraître – à l’apparence, tout au moins – quelque peu incongrue) d’une nature ontologiquement Autre ? Et cela, avec une parole, par laquelle ces mêmes présences (si « hospitalières » dans leur imperturbable accueil) sauront les approcher ?

Le débat est, et demeure ouvert. Un débat qui ne se déroule pas qu’entre « professionnels », à savoir entre soignants, mais qui envahit de plus en plus la sphère publique : autour, et sur le fou. Pardon ! autour et sur le malade mental !

Et même lorsque – dans le meilleur des cas – l’on affirme haut et fort ne pas vouloir réduire le « malade » (le « patient », le « soigné », celui qui (à ce qu’il paraît) aimait jadis s’auto définir l’ « usager »), le réduire à une « maladie », néanmoins il subsiste le tableau rassurant d’un humain doué d’une confortable raison, qui se courbant sur lui, désire le faire revenir à un réel moins « irréel », moins chaotique, en un  mot, moins délirant. (À savoir : moins « sortant du sillon ».) Ce qui aux temps d’aujourd’hui se dit : moins « dangereux ». (Aux yeux tout au moins, des lois de notre actuelle présidence de la république française.)

Naturellement, nous prendrons tout notre temps, pour bien y réfléchir, à tout cela (quoique comme nous le pourrons, bien sûr, dans les limites qui sont les nôtres), afin de mieux pouvoir saisir la chose, et donc, mieux être en état de nous prononcer, à ce sujet. Tout comme, et par conséquent,  afin de mieux pouvoir avancer le pion de notre parole sur l’échiquier du verbe, et de son propre pas. – En d’autres termes, et à jamais : pas à pas.

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