Billet de blog 28 janvier 2012

Antonella Santacroce (avatar)

Antonella Santacroce

Abonné·e de Mediapart

SUR L’IMMIGRATION « CHOISIE », et mœurs et usages actuellement en vigueur à la télé

Antonella Santacroce (avatar)

Antonella Santacroce

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

David Poujadas ferait mieux de se taire, et de laisser ses invités à son émission «Des paroles et des actes » poursuivre le fil de leurs pensées, sans intervenir à tout instant, en leur coupant indéfiniment et indûment la parole, afin de défendre son clan, et (veuillez m’excuser, David !) également son bifteck. – Ce qui finit par provoquer gêne et irritation chez le téléspectateur. Car, en écoutant ces phrases vénéneuses qui voudraient suggérer ou même sournoisement dicter la réponse recherchée, en observant ces regards quelque peu haineux, ou  la hâte mal cachée  de certaines « impétueuses » tirades, on ne peut que ressentir de la lassitude vis-à-vis d’une semblable panique dictée par l’unique volonté de contribuer à devancer tout éventuel changement politique. Et cela de la part du même « journaliste » qui – sans sourciller, et même parfois, avec des sourires... complices – égrène, à longueur de soirées, des nouvelles sur des dramatiques mises au chômage, et sur des également dramatiques délocalisations. 

De même, on en a assez de cet ego (comme l’on aime dire) démesuré, et qui paraît ne plus vouloir lâcher cette place qui lui a été allouée, y compris dans la presse people. Un ego-Gala, pour ainsi dire, et se suffisant à lui-même, dans une soif jamais assouvie d’exercer son pouvoir sur autrui. Une soif de pouvoir qui ne parcourt, et ne nourrit pas la seule vie politique ou les rapports dans le milieu du travail, mais qui jaillit de même dans les Media , et – sur un mode encore plus spectaculaire, (comme l’avait bien démontré Pasolini), à, et au moyen de la télé.

Recevant dans son émission, François Hollande, David Poujadas n’a eu de cesse de lui couper la parole, en lui posant et reposant la même question, habillée de quarante mille formulations à l’apparence, à l’apparence seulement, différentes entre elles – tout brûlant, qu’il était, sur son siège, d’une sorte de fièvre, qui le poussait à vouloir le piéger, Hollande,  d’une façon tellement histrionique, qu’on en rougissait pour lui.

Mais revenons à notre sujet premier : l’immigration « choisie », qui se voulait l’une des questions–pièges, préparées à l’avance par des journalistes de France 2, prudemment choisis pour mener à bien l’émission.

Or, François Hollande, interrogé sur ce point, a répondu que – s’il sera élu Président de la République – les demandes des immigrés continueront à être traitées comme l’on fait actuellement. À savoir, cas par cas. C’est pourquoi, c’est à François Hollande que voudraient s’adresser ces lignes.

Je voudrais lui présenter ce problème sous un autre angle. Sous un angle quelque peu « différent », et qui réfléchit en quelque sorte ma perception de cela, en tant qu’étrangère que la France a accueillie dans les lointaines années 70. C’est-à-dire à un moment où l’on ne parlait pas de crise, mais où, venant d’un autre pays, l’on nécessitait d’une carte de séjour, pour pouvoir y demeurer et y travailler, la Communauté européenne n’existant pas encore.

Il me fallut, donc, par un matin très froid, et très tôt, pour essayer de ne pas arriver trop tard à mon boulot de dactylo, exercé dans une encore lointaine banlieue parisienne, il fallut que je me tienne dans une très longue, très lente queue, tout le long et autour de la Préfecture, pour « obtenir » ce papier, qui m’était nécessaire. Et, lorsque finalement vous étiez « admis » à l’intérieur, vous étiez soumis à  des nombreuses humiliations (psychologique, bien sûr, psychologiques), comme étrangère, qui « volait du travail aux Français ».

Néanmoins, et tout en détestant profondément certains aspects racistes ou autoritaires de certains Français, je ne peux détester la France, où pourtant je n’ai pas menée une vie facile, ni aisée,  mais où j’ai pu découvrir chez d’autres, ce qui me tient le plus à cœur : les valeurs dont j’ai tant rêvé – enfant ou adolescente, ou même dans ma première jeunesse, en Italie, et que certains Français nourrissent dans leur sein, avec un extrême sérieux, à jamais enracinés qu'elles sont dans leurs rêves les plus hauts. Cela même, parfois, sur un mode (comment dire ?) quelque peu naïf, que j'apprecie tout à fait, parce que j'estime vrai que, sans une certaine dose de naïveté – qu’on peut également appeler utopie ou illusion – on ne rêve pas, et par conséquent, on n’agit pas.

Or, après avoir donné ces quelques éléments pour mieux faire comprendre de quoi j’entends parler, je voudrais  dire à François Hollande que, lorsqu’on fait un tri, et que l’on juge cas par cas, n’étant pas devin, l’on risque de ne pas pouvoir préjuger de l’advenir de la personne que l'on a devant soi – même si elle est munie d’un important dossier. Et c’est justement cela, cet advenir qui change la donne.

Car, quoique adulte, j’ai été (comment dire ?) « éduquée », ici en France, et par la France. Non. Non. Non pas « éduquée ». Elevée plutôt. Elevée à ne pas perdre (jamais !) mon espoir dans les rêves ou, pour mieux dire, dans les songes, cette parole exprimant mieux – à mes yeux – les rêves vécus les yeux grand ouverts. Des songes vécus dans le collectif, où pourtant le songe d’un nous n’oublierait pas celui d’un je : avec son vécu, avec ce spécifique passé, qui le conduisirent  à se rallier à ce nous.

Et c’est ici, en France, que, lorsque les rêves voulaient m’abandonner, il y a toujours eu quelqu’un ou quelqu’une qui en avait ravivé (toujours) les braises ardentes dans mon cœur – avant qu’elles ne se transforment en cendres. Et j’irai même jusqu’à dire, que j’ai retrouvé, dans ce pays, les songes que j’ai eu (qu’on m’avait suggérés ?) dans mon enfance, réalisés dans certains regards d’humains (hommes ou femmes), nichés dans certains cœurs si dignes, clamés par certaines lèvres si vraies, tracés dans certaines pages si ailées, ou même et pour ainsi dire, permis par des publications comme... Mediapart. Mediapart, oui, qui m’a offert en silence le don, la possibilité de persévérer à éditer mes textes,  même lorsqu’il sembla, à beaucoup,  que je m’étais à jamais enfuie, hors, loin de la vie (de leur vie, peut-être ?) pour m’abriter (me nicher ?) dans un Monde à moi, qui pouvait paraître (apparaître ?) à certains, comme irrémédiablement éloigné du leur. En  d’autres termes, irrémédiablement et fatalement (à jamais ?) exclu de l’existence dite  « humaine ». (De son spécifique, coutumier « langage », peut–être ?)

Or, ce don, cette possibilité de pouvoir persister à m’adresser à l’autre par écrit, tout en gardant très étroitement la liberté de ma solitude, m’a fortement aidée, dans ce travail (au sens douloureux, souffert du terme, bien qu’il ait été aussi une sorte de dur « labeur » d’une nature artisanale), dans cette quête si solitaire, que j’ai exercée sur moi–même, en mon tréfonds, pour me reconquérir,et reconquérir ma parole – par, et tout le long d’un cheminement que je ressentais véritablement m’appartenir. Un travail que,  à mes yeux, je n’aurais jamais su, ni pu réaliser en Italie. Non.

C’est pour le sentiment d’un si ancien désir de liberté, une liberté qu’aujourd’hui on voudrait d’en haut extirper de nos cœurs, que les exilés choisissent de venir en France, vivre leur exil. Je sais bien que cela a  déjà été dit. « France, terre d’accueil. » Je sais également que ce qualificatif,qui était devenu presque une sorte de dicton, est désormais exprimé sur un fond et sur un ton de « rappel », visant surtout ces êtres qui ne cherchent, et ne demandent qu’à pouvoir vivre, et se nourrir décemment.

Et je voudrais  noter que la conscience de vouloir se positionner réellement à gauche, souvent vient de loin : dans l’espace et dans le temps, « culturellement » parlant. La mienne aussi, car elle a  était tissée aussi du souvenir et de l’image de mon grand-père paternel, dont on me contait que, les soirs d’hiver, près de la cheminée, lisait du Victor Hugo à sa nombreuse famille.

Il faut lutter. Certes. Mais, pour lutter, pour que cela advienne, mieux vaut (à ses propres yeux, et à ceux de l’autre) d'en rechercher et d'en expliquer le pourquoi, le où, le comment, creusant également dans les raisons du passé de ses propres choix existentiels, pour mieux saisir. C’est ce que je m’efforce de faire.

Et, pour mieux éclaircir ce que je viens de dire,  je voudrais simplement ajouter que, lorsque je débarquai à Paris, je n’y découvris pas (par chance !) que la dureté de sa Préfecture. Il y eut ces Parisiens et Parisiennes qui m’hébergèrent, et qui m’aidèrent si généreusement... et ces jardins publics que j’aimais aller admirer... et ces « services publics », qui m’étonnèrent si fort, par la perfection de leur fonctionnement. Je venais du moyenâgeux Sud de l’Italie, et grand fut mon étonnement lorsque : « La lettre est sacrée », j’entendis déclarer dans un bureau des PTT. Et puis, l’Université, que bientôt, tout en travaillant, je réintégrai, et recommençai à fréquenter. Où la parole des étudiants était plus que « libre », où j’appris, en dialoguant et en discutant, une énormité de choses, où l’on répondait à mes questionnements (même existentiels), et où je pus trouver aisément une place. Ma place. Ce qui m’avait été impossible de réaliser en Italie, dans cette sombre et fascisante (jusque dans son architecture) Université de Rome,et ou l’on pouvait trouver sa place seulement en acceptant de faire partie de l’élite, avec tout ce qui en découlait comme compromis. Là où, ici, en France, même aujourd’hui, en ces temps de crise, on la trouve la défense farouche d’hautes valeurs d’égalité.

Et je voudrais encore dire que c’est vrai que ce mot de « rêve », cette parole ardente de « songe » qui sait aussi susciter les Révolutions, envahit de nouveau tout l’espace, après avoir été mise (mise ? placée ? jetée, plutôt !) au band.  Or moi aussi j’estime – avec une certaine presse – qu’il faut faire gaffe à ces envahissements, qu’il faut y faire très attention, et en décortiquer l’usage. Car, lorsque les mêmes mots sont employés par tous, et pour tout signifier, surtout dans le domaine d’une certaine politique, il faut attentivement y regarder au plus près. Est-ce à cause, ou mieux au moyen de tous ces, pour ainsi dire, conseillers-aidant, qui se dressent dans l’ombre, et qui – lisant, épluchant tout – ne visent qu’à réaliser le désir de ceux qui s’adressent à eux, aux seuls fins d’obtenir, ou de garder le Pouvoir ?

Néanmoins, j’estime que ces valeurs auxquelles je croyais et auxquelles j’ai vouées mon existence entière, sont toujours là : cachées dans le tréfonds de ces cœurs, à présent bafoués par l’angoisse du lendemain. Des valeurs que je m’entête à définir gramsciennes,  car c’est Gramsci qui me les a indiquées et explicitées en premier, lorsque je vivais encore en  Italie. Mais je sais, je le sais : le rêve, le véritable rêve, le Songe à majuscule, je ne l’ai rencontré qu’ici : en France...

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.