Bonsoir!
Cet après-midi, j'étais de retour, après des congés, dans l'enceinte de l'institution où j'essaie de bosser depuis seize ans. Lecture des écrits, rencontre de mes collègues, prise de nouvelles de la vie quotidienne.
C'est difficile d'être à temps partiel quelque part, ça vous laisse un goût de pas assez ou de trop cuit, on ne sait plus trop comment se poser, se positionner. Pas de plainte, c'est un choix; un choix que j'ai du mal à gérer, mais ce sont mes oignons...
C'est difficile surtout d'arriver dans l'espace précaire des gens nommés schizophrènes comme dans un jeu de quilles, et de n'en avoir vécu ni l'accueil ni les indispensables rencontres avant de les "croiser" dans le périmètre de ce qui fait leur vie actuelle, ne sachant rien de leur histoire et de leur vie antérieure, de leurs intérêts, de leurs passions, de leurs souffrances.
Cet après-midi donc, j'étais en conciliabule amical avec mon vieux complice le jardinier, lorsque nous avons entendu, dans l'environnement immédiat, des cris à mi-chemin entre la plainte, le rire douloureux, la protestation, les pleurs et/ou les gémissements de certains loups les soirs de pleine lune.
Les réverbérations étant ce qu'elles sont dans une cour enclose, difficile de savoir d'où venaient ces plaintes quasi inhumaines. Sachant combien est intrusive la visite de quelqu'un d'inconnu dans l'espace propre d'une personne malade, j'hésitais entre aller voir de plus près ou appeler ce que nous appelons le "permanent hospitalier", soignant chargé pour sa journée d'accourir à la rencontre des gens repérés en souffrance.
Sans doute celui-ci eût proposé au patient concerné des mots de réconfort, une possibilité de voir le médecin présent, ou toute autre intervention bienveillante, au demeurant pas discutable. Mais mon ami A., jardinier de son état, qui par la force des choses et de sa capacité à entendre le chant des oiseuax, a repéré très vite d'où venaient les plaintes, s'est dirigé vers la chambre douloureuse, y est entré en frappant délicatement à la porte, et a dit ceci:
"Ch., bonjour, est-ce que je peux faire quelque chose pour vous aider?" Les plaintes se sont tues, et A. a illico proposé à ce gars en déroute de l'accompagner pour et parce qu'il y avait des choses à faire au jardin. Evidemment, oserais-je dire, Ch. y est allé, et de bon coeur, en plus!
Putain de saloperie de merdes accréditables, saurez-vous un jour remarquer que l'accompagnement des malades dits schizophrènes ne passera jamais par vos "trucs évaluatifs", mais toujours par des actes de compréhension humaine dont vous n'avez pas le début du commencement d'une représentation; et que vos "normes" concernant les diplômes soignants ne seront à tout jamais qu'un "cache-misère" de votre indigence à penser la vie hors des abaques financières de vos esprits obtus.
Pour moi, psy dûment qualifié, A. est un maître, dans le vrai sens du terme. Qu'on vienne encore me parler de consensus, de certification, de "bonnes pratiques", et je sors ma Kalachnikov.
Ch. va bien ce soir, ce n'est pas de la faute des guignols qui légifèrent, de ceux qui valident, de ceux qui certifient et édictent; et même pas la mienne.
C'est grâce à A. le Jardinier
Bises
JCD