premier constat
le théâtre du Rond Point est une forteresse assiégée
mais sans assiégeant
du moins je n'ai pas croisé la centaine de fervents catholiques
qui manifestaient apparemment vers 20h
où étaient-ils ?
le théâtre a été entièrement barricadé
le côté Grand Palais est bouclé
les spectateurs accèdent par une souricière côté Champs Elysées
l'avenue Franklin Delano Roosevelt est fermée
des CRS patrouillent avec des bergers allemands
2 barrages de contrôles de billets pour accéder devant le théâtre
un grand panneau de la Ligue des Droits de l'Homme affiche fièrement
Dans une société démocratique et républicaine,
chacun doit pouvoir librement accéder aux œuvres,
les juger et en débattre
1 fouille au corps + contrôle des sacs dans le hall
une affiche signée Jean-Michel Ribes
On ne vous empêche pas de croire
Vous ne nous empêcherez pas de penser
1 passage dans un portillon électronique avant d'accéder à la salle
ouf ! On a évité le détecteur de mensonge
dans la salle des vigiles vont rester de part et d'autre de la scène
la scène elle est couverte de centaines de pains de hamburger
Jean-Michel Ribes arpente de long en large son théâtre
le spectacle commence à 20h55
par un panneau de Rodrigo Garcia
8 décembre 2011
j'ai honte de présenter une œuvre d'art
protégée par des mesures de sécurité.
les performers sont sur scène
et les premiers surtitres laissent la fâcheuse impression
que le spectacle va être un poil verbeux et sans consistance
à la fin du spectacle les applaudissements arriveront difficilement
a faire revenir les performers une troisième fois sur scène
et c'est tout
c'est que Rodrigo Garcia se montre moins percutant dans son propos
que lors de ses premières pièces
moins d'idées de mise en scène aussi
le souvenir de 'Jardinage humain' ou même de sa dernière pièce au théâtre 2 gennevilliers
laisse ici une déception
les performers restent d'abord un bon moment en fond de scène sur des chaises de camping
le plateau parait bien grand
mais une caméra filme en gros plan les performers
et l'image est retransmise sur toute la largeur sur un écran géant
côté trouvailles on se rabattra sur des tranches de pain empilées avec des dizaines de vers grouillant
et sur laquelle on plante tout à coup un drapeauTour de Babel
des performers sont cloués au sol ce n'est pas très visuel
et l'idée peu exploitée restera un peu vaine
une corbeille de légumes sur la tête fait penser à Arcimboldo
de la viande hachée recouvrant le visage d'un autre performer
des performers nus qui s'enduisent de shampoing
et un homme qui se shampouine à l'envie et s'étire les poils du sexe
c'est juste un peu plastique et drôlatique
et côté provocation - me direz-vous ?
Jésus est réduit par Rodrigo Garcia à un bon gars
qui n'a jamais été suivi que par douze paumés
parmi des millions de gens
un gars qu'on n'a jamais vu travailler
et qui préfère multiplier les pains
plutôt que donner l'exemple et se retrousser les manches
voilà
de l'humour pythonesque pourrait-on dire
fuyez-vous les uns les autres exhorte aussi Rodrigo Garcia
contrairement à Roméo Castellucci qui se réfugiait derrière des considérations ésotériques
Rodrigo Garcia assume la provocation
sa terre d'accueil, l'Espagne, connait l'art du blasphème depuis qu'elle s'est tardivement débarrassée de l'Inquisition
mais le spectacle n'accouche que d'une maigre souris
alors, Rodrigo Garcia cède la place à quelque chose de plus sacré
un homme arrive sur scène
enlève ses vêtements
et comme en son temps Friedrich Gulda à la télévision autrichienne
il joue nu du piano à queue
Les sept dernières paroles du Christ sur la croix de Joseph Haydn
c'est long et c'est beau
le spectacle pourra se résumer à un beau concert
et les intégristes ne semblaient pas avoir de place pour la première
aucun incident à signaler
mais lisez ou relisez les premiers recueils de Rodrigo Garcia
lorsqu'il était plein d'une colère sourde
lui qui arrivait de sa miséreuse Argentine
soudain confronté à l'opulence de l'Europe occidentale
NB
c'est à l'âge de six ans
que l'on nous apprend que le père noël n'existe pas
mais c'est généralement à cet âge là
que l'on nous enseigne de croire en Dieu
et mon Dieu
l'idée de Dieu fait bien plus de dégâts que le père-noël
laissez vos enfants croire au père-noël
Gregor Tanguy