Depuis quelques années, les initiatives pour sensibiliser les jeunes à la musique classique se multiplient un peu partout — comme si l’on s’était soudainement alarmé du non renouvellement du public. Il n’est pas un orchestre, pas une maison d’opéra, pas un ensemble qui ne s’efforce de toucher un nouveau public. Exemple : l’opéra L’enfant et la nuit, de Franck Villard et Olivier Balazuc, actuellement présenté à Angers-Nantes Opéra.
Depuis le début d’année, cette Édition À contretemps du spectacle vivant se consacre principalement à la mise en lumière d’actions culturelles et de sensibilisation du jeune public à la création musicale. En attendant le prochain épisode de notre chronique autour du Grand Prix Lycéen des Compositeurs, il convient de nous arrêter sur d’autres types de projets. Avec L’enfant et la nuit, Angers-Nantes-Opéra vise les enfants des écoles primaires des Pays de la Loire — ainsi que leurs enseignants, parents, frères et sœurs. Mêlant ateliers pédagogiques, dans divers cadres (écoles, médiathèque, etc.) et nombreuses séances scolaires, le projet est d’autant plus séduisant qu’il se fait en partenariat avec une chœur d’enfants, la Maîtrise de la Perverie — certains parmi ces enfants ont d’ailleurs la chance de tenir un rôle chanté et parlé dans l’opéra, et notamment le rôle titre qui porte véritablement le spectacle de bout en bout (en ce 27 janvier ce sont Côme Forte (Virgile, le rôle titre), Anne-Cécile Robert (sa petite sœur) et Thomas Gérard).
Et l’ouvrage en lui-même ? Fruit de la collaboration du compositeur et chef d’orchestre Franck Villard et du librettiste et metteur en scène Olivier Balazuc, créé au Théâtre de Vevey (Suisse) en 2010, L’enfant et la nuit est en réalité une relecture contemporaine, et version conte de fées décalé, de La Flûte Enchantée de Mozart.

Le côté conte de fées, c’est évidemment à destination des enfants. Tamino, le jeune premier, devient donc Virgile, un petit garçon intrépide qui promet à sa petite sœur de ramener le jour et de chasser la nuit, qui couvre le monde depuis que leur mère est tombée malade. La Reine de la Nuit devient Noctilia (incarnée par la mezzo Sandrine Sutter) : à mi-chemin entre Cruella et la méchante Reine de Blanche-Neige, elle préserve sa beauté légendaire en s’enduisant d’un onguent fait à partir de larmes d’enfants. Profitant du malheur de nos chères petites têtes blondes, c’est elle qui fait régner la nuit, pour le seul profit de son narcissisme. Et Papageno ? Il se décline en deux personnages : un chasseur de rêve qui a perdu le sommeil (le ténor Martial Defontaine), et un clown triste (le comédien Basile Dragon) — triste parce qu’un sortilège l’empêche de faire rire les enfants.
Quant au contemporain, il est plutôt réservé aux adultes — tout comme la langue, très littéraire et travaillée, et les nombreuses citations musicales qui jalonnent la partition (on entend bien sûr Mozart, mais pas seulement). Ainsi Noctilia est-elle une ancienne cantatrice (qui a connu son heure de gloire en chantant… la Reine de la Nuit). Elle exploite le malheur des enfants grâce au génie du Docteur Évariste (le baryton Franck Leguérinel), son âme damnée, qui, follement amoureux d’elle, répète tout ce qu’elle dit, comme Dupond et Dupont. Le chasseur s’appelle Mister W et le clown triste Yorick — et il parle avec un crâne et ne parvient à rompre son enchantement qu’en ratant son suicide.

Bref, porté par un langage musical post impressionniste aux couleurs cliquetantes et fantastiques — que renforcent la formation adoptée : deux pianos et deux percussionnistes —, L’enfant et la nuit est un spectacle sympathique pour petits et grands (même si on peut parfois se demander si les enfants comprennent tout, et particulièrement le vocabulaire employé, très recherché). Non pas une parodie, mais bien plutôt une variation, imaginative et fort bien construite, autour du chef-d’œuvre de Mozart.
> Nantes, Théâtre Graslin, le 27 janvier 2012
> Prochaines dates : Angers / Grand Théâtre, mercredi 1er, vendredi 3 février 2012