 
    Agrandissement : Illustration 1
 
                    Quand on pense à ce que représente la fête des mères et qui en est la protagoniste, on imagine une personne nourricière et douce, une héroïne du quotidien forte, pilier de la famille. Habile, elle jongle entre les tâches ménagères, sa vie personnelle et professionnelle tout en restant très disponible pour ses proches. Elle fait tout ça assez naturellement, avec enthousiasme et le sourire, toujours. La tendresse de ses enfants enrobe cette journée de beauté, des cadeaux lui sont tendus pour la remercier de ce qu’elle fait pour elles/eux.
Cette figure fictive n’existe évidemment pas, mais elle vit dans le rôle fait sur mesure que l’on glorifie particulièrement lors de la fête des mères qui les encourage à performer (et à “réarmer démographiquement”), sans se plaindre et en silence. Durant cette journée, les mères n’ont pas de voix au chapitre : elles ne se racontent pas, ne se montrent pas, on ne les entend pas.
La condition des mères mérite pourtant d’être un sujet de société au centre de cette journée. Devenir mère en France en 2025, c’est avoir des risques accrus de s’appauvrir, de voir sa santé diminuer, de subir des violences au sein de son couple, face au corps médical ou de mourir. Faire l’expérience de cette nouvelle condition sociale renforce les freins, les inégalités et les discriminations déjà rencontrées et en crée de nouveaux.
Comme le 1er mai est devenu une journée internationale de lutte pour les droits des travailleurSEs, il est temps de donner du sens/de l’utilité à cette journée et de regarder en face des réalités difficiles que l’on ne peut pas accepter en souriant autour d’un bouquet de fleurs. Il est temps de dire collectivement que leur souffrance n’est pas le dommage collatéral d’une belle expérience, qu’elle existe et qu’on ne s’en fout pas.
Il existe de nombreux chiffres accablants qui mettent en lumière des constats alarmants. Nous en proposons quelques uns non exhaustifs qui méritent notre attention ce 25 mai 2025.
Leurs opportunités diminuent et elles s’appauvrissent.
À caractéristiques équivalentes, après une naissance, le salaire mensuel net diminue sensiblement pour les mères (– 200 euros en moyenne) et ne varie pas significativement pour les pères (1) en raison surtout de changements de quotité de travail : 39% des femmes répondantes déclarent ralentir leur activité professionnelle à la naissance d’un enfant, contre seulement 6% des hommes (2) 16 % des mères déclarent être sans emploi en raison des enfants contre 4 % des pères parmi l’ensemble des couples (3). L’écart de salaire entre femmes et hommes dans le privé, «croît avec le nombre d’enfants». Sans enfant, il est de 6,1%. Avec un enfant, il passe à 12,4%, avec deux, à 20,5%, pour atteindre 29,5% entre un père de trois enfants et une mère de trois enfants (4) ...
Une famille sur quatre est monoparentale. Dans 80% des cas, ce sont des mères isolées. Les familles monoparentales sont surreprésentées dans les hébergements d’urgence, et 21 % d’entre elles sont touchées par le mal-logement (5).
Les mères sont en danger, et risquent davantage d’être victimes de violences dans leur couple et face au monde médical notamment :
Les femmes seraient près de 10 % à subir des violences conjugales pendant la grossesse (6). Les violences au sein du couple commencent souvent ou explosent pendant la grossesse (7) : la grossesse peut être un facteur déclenchant de violences pour 40 % des femmes enceintes qui ont été maltraitées par leur partenaire (8). Un accouchement sur 5 donne lieu à une épisiotomie, sauf qu’une femme sur 2 « déplore un manque ou l’absence totale d’explication sur le motif de l’épisiotomie (9) ».
En France, les femmes meurent de devenir mères :
En raison notamment de la détresse en post-partum, l’inaccès à des soins psys adaptés et  de l’isolement, le suicide est devenu la première cause de mortalité chez les jeunes mères (17 %), devant les maladies cardiovasculaires (14 %) (10). Chaque année en France, près de 100 femmes meurent d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, soit une tous les quatre jours (11).  60 % des décès maternels sont considérés comme évitables (12). Sur les 118 victimes de féminicides en 2022, 72 d’entre elles étaient mères d’enfants soient 61% d’entre elles.
L’expérience de la maternité révèle et majore des discriminations et inégalités à l’oeuvre en particulier pour les personnes appartenant à des groupes minorés : victimes de racisme en raison de leur origine ou religion réelle ou supposée, pour les mères handicapées, monoparentales, LBTQI+, vivants dans les quartiers populaires, en ruralité ou dans les DROM, migrantes, sans-abris.
Leur vie est d’autant plus mise en danger, leur intégrité entamée selon où elles résident.
Le ratio de mortalité maternelle est au moins trois fois supérieur dans les départements et régions d'outre-mer, à celui de la métropole (13) .  A titre d’exemple, l’exposition au chlordécone, un perturbateur endocrinien et classé cancérogène est "associée de manière significative à une durée raccourcie de grossesse ainsi qu'à un risque augmenté de prématurité” (14).
A propos des négligences et violences gynécologiques, entre sexisme et racisme.
Le taux de césarienne des mères catégorisées comme “africaines” est de 31,3 % alors que pour les autres femmes, quelles que soient leurs origines, il n’est que de 20,2 % (15).
La liste des situations inadmissibles pourrait être déroulée sur des dizaines de pages et ne sont que la face cachée de l’iceberg. Quand on se pose les questions de ce qu’est la parentalité, de qui peut faire famille en France en sûreté, pleine santé et sereinement, on soulève de nombreuses problématiques.
La parentalité est empêchée pour de nombreuses personnes.
Les personnes trans sont souvent exclues du parcours de PMA auprès des CECOS (une unité spécialisée dans l'infertilité implantée dans un hôpital) après modification de la mention de genre à l'état civil, ce qui signifie une stérilisation législative des personnes trans, à défaut de la stérilisation physique imposée jusqu’en 2017 pour accéder à une transition administrative.
Les personnes handicapées bénéficiaires de l’AAH vivent en dessous du seuil de pauvreté. Celles placées sous le régime déshumanisant de tutelle ou placées en institution sont privées de leur liberté, notamment reproductives. Certaines sont stérilisées ou contraceptées de force. Les femmes sont incitées à être stérilisées à Mayotte, des femmes roms l’ont été sans obtenir justice ou vérité.
L’espace public est restreint à certaines familles du fait par exemple de l'inaccessibilité des transports et des infrastructures pour les personnes handicapées ou de l'interdiction de profiter de loisirs ou de sorties scolaires avec leurs enfants pour les personnes qui portent le voile.
La pauvreté de certains parents (et par extension de leur famille) est organisée : les mères qui bénéficient de l’Allocation Adulte Handicapée vivent en dessous du seuil de pauvreté. La répression administrative et institutionnelle des parents frappent de plein fouet de nombreux aspects de la vie de familles stigmatisées en fonction de leur origine sociale. La chasse aux parents des quartiers populaires dits “démissionnaires” entraine un délogement de logements sociaux, abat des prestations familiales. La stigmatisation et la criminalisation de leurs enfants amènent de nombreuses mères à vivre dans la peur pour la survie des leurs, à devoir s’organiser et se défendre.
Au-delà de la visibilisation d’autres expériences de la maternité et parentalité qui est vitale, rendons cette journée utile en la transformant en une journée de lutte pour les droits des mères et des parents trans.
Afin de lutter contre l’appauvrissement des personnes parentes, réclamons la création de statuts protecteurs pour les personnes parentes tels que:
- un statut social non précarisant pour les parents désireux de s’occuper de leur enfant avec une meilleure rémunération et un droit à la formation
- un vrai congé de co-parents égalitaires après la naissance
- la création d’un statut de parent isolé, qui inclut un accès prioritaire au logement social et les aides de la caisse des affaires familiales accordées dès le premier enfant et jusqu'à l'âge de 6 ans.
Afin d'œuvrer pour la justice reproductive, des recherches doivent être financées et menées. Elles permettront de chiffrer et analyser des phénomènes invisibilisés et niés afin d’émettre des revendications et de discuter des solutions. Réclamons des enquêtes nationales et recherche-action pour documenter les inégalités et discriminations qui visent toutes les mères, notamment des groupes minorés.
Soutenons les mères en lutte qui s’organisent contre toutes les violences qu’elles subissent dans leurs accès au droit et à la justice. Amplifions leurs voix et valorisons les revendications des premières concernées en les suivant en ligne ou les soutenant financièrement. Pour n’en citer que quelques unes : le collectif Enfantiste qui met en garde sur les dangers de la proposition de loi qui veut imposer la garde alternée comme mode par défaut, les Mères Déters, la Collective des mères isolées qui expliquent pourquoi la proposition de “devoir de visite” du Président Macron est dangereuse, le combat des mères protectrices de leur enfants victimes d’inceste telles que @JusticePourCj, la pétiton du collectif #MonPostPartum, ou le combat militant des mères d’ Ecole pour tous et du Collectif des mamans, le Collectif de défense des jeunes du Mantois, la Brigade des mères ou le Réseau Entraide et Vérité.
Oeuvrons pour une meilleure représentation des familles appartenant à des groupes minorés dans les médias et les productions artistiques et culturelles, notamment LGBTQI+ et racisées en offrant les ouvrages des éditions de littérature jeunesse et inclusive Diveka ou en soutenant l’association Queer Education.
A l'initiative notamment de Johanna-Soraya Benamrouche - militante féministe pour la justice reproductive et mère handicapée @aboutjusticerepro, Dre Mounia El-Kotni - anthropologue en genre / santé & autrice, Tsippora Sidibé - créatrice du podcast Tant que je serai noire, Eva-Luna Tholance - doula et journaliste @ladoulaqueer,
Signer l'appel à politiser la fête des mères
Parmi les 300 signataires de l'appel en 2024 : 
-Le Planning Familial
-Comité de soutien à une mère protectrice @Justicepourcj
-Matergouinités
-Collectif Nta Rajel?
-Collectif T'as pensé à?
-Bissai Média
-Le collectif Héro•ïnes 95
-Gras Politique
-Stop harcèlement de rue
-Féministes contre le cyberharcèlement
-Embrase le monde
-Collages Judéités Queer 
-Collages Féministes Poitiers
-L'Association Coudes à Coudes
-Odile Maurin, activiste antivalidiste et élue
-Fiona Schmidt, autrice
-Maedusa, autrice BD
-Soan, père transgenre militant
-Cédric Rostein @papatriarcat, podcaster
-Laurier The Fox - auteur BD et illustrateur
-Sarah Zouak - co-fondatrice de Lallab
-Sonia Bisch fondatrice de Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques France
-Stella Tiendrebeogo, psychologue
-Mélanie Ngoye Gaham, militante
-Elena Chamorro, militante anti-validiste, enseignante
-Lesbienne Ordinaire, militante écoféministe
-Osmose, existant.e
-Fatima Benomar
-Isaac Salaün, compte Queer et trans pour les Lilas
-Lucie Otto-Bruc
-Maryam Pougetoux, militante
-Nina Faure, réalisatrice
-Fatimata Diagana, mère de 2 enfants et médecin généraliste
-Anaïs Leleux, militante féministe
-Deborah Lambert-Perez, @maman_mais_pourquoi
-Géraldine Franck, animatrice du podcast Devenir woke
-Aline Nanko Samaké, chercheuse
-Coline Charpentier, éditrice
-Thu-An Duong, cofondatrice de Bissai Média
-Julie Finidori - agente Littéraire
-Niena-Louis, Sexothérapeute
-Marine Gohier - projet militant et artistique Seum’euse
-Auriane Dumesnil, co-fondatrice de Pépite Sexiste
-Nadia Cherif, Omoubou
-Sarah Memmi, référente DSSR
-Lila Lakehal, mère, artiste
-Claire Faugouin-Vié Comédienne
-Math Régnier,  parent queer divorcé.e
-Christel J., personne non binaire sans enfant par choix
-Alice Rocq, sage-femme
-Adija Benamrouche, mère et grand-mère queer
-Nadia Sefiane, maman solo, fanfaronne et chargée de communication
-Sarah M, chercheuse et militante féministe et antiraciste
-Joanna Precioso
-Daphné Guillot, autrice
-Flore @ledroitcestnous
-Claire Faugouin-Vié, comédienne
-Hildegarde, artiste et militant.e
-Clara achour / @surviv_hante
-Laura Pereira Diogo - cofondatrice de StopFisha
-Clara Blum, doula et photographe
-Cluny Braun, militante féministe
-Mel Noat, militant au Planning familial
-Emeline Alfandari, @Sacrée_pondeuse
-Elise Fouillet, Chargée de Mission chez Equipop
-Françoise Laveder, mère mais pas que....
-Kapik Namias-Muntlak, formatrice diversité & inclusion
-Raphaëlle Behaghel, psychologue et mère de 3 enfants
-Marion Jagu, éditrice jeunesse
-Marine Leboulanger, militante féministe
-Isabelle Monnier, doula - douce naissance
#PolitiserLaFêteDesMères #UneFêteDesMèresUtile #JournéeDeLuttePourLesDroitsDesMères #JournéeDeLuttePourLesDroitsDesParentsTrans
Sources *
(1) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6453768?sommaire=6453776
(2) : Source INSEE, No 1454, Paru le : 25/06/201
(3) : DREES, op cité
(4) : Insee dans https://www.vie-publique.fr/en-bref/293272-des-inegalites-salariales-persistantes-entre-femmes-et-hommes#:~:text=En%202021%2C%20l'%C3%A9cart%20de,de%20trois%20enfants%20ou%20plus
(5) : Rapport de la collective des mères isolées, p.7 https://static.mediapart.fr/files/2022/07/06/programme-cmi.pdf
(6)La grossesse à l’épreuve des violences conjugales, Muriel Salmona - 2021 ( les chiffres varient entre 6 % et 20 % selon les études internationales)
(7) https://www.jean-jaures.org/publication/feminicides-cest-aussi-la-mere-quon-assassine-et-les-enfants-qui-sont-devastes/
(8)enquête canadienne de 1993 citée dans un article de Muriel Salmona pour la revue L’Observatoire sur grossesse et violences conjugales : impact sur l’enfant. décembre 2008
(9) “Actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical”rapport du HCE, 2018
(10)Une étude conjointe de Santé publique France et de l’Inserm, publiée en 2024 sur les morts maternelles en France de 2016 à 2018
(11)https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/3-4/2023_3-4_1.html#:~:text=Ces%20in%C3%A9galit%C3%A9s%20concernent%20notamment%20les,%2F100%20000%20naissances%20vivantes)
(12) L’Inserm et Santé publique France op citée
(13) rapport de Santé publique France publié le 20 septembre 2022
(13) étude publiée le 8 janvier dans la revue "American Journal of Epidemiology (1) ", les chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale Inserm : https://www.actu-environnement.com/ae/news/chlordecone-etude-inserm-impact-naissances-prematurees-20454.php
(14) Priscille Sauvegrain https://www.cairn.info/revue-europeenne-des-migrations-internationales-2012-2-page-81.htm ou https://www.icmigrations.cnrs.fr/2021/03/15/defacto-025-02/
 
                 
             
            