Maman,
Non, maman, ne t'inquiète pas. Je sais, ce n'est pas ta fête, ce n'est pas ton anniversaire, et tu n'es pas, « dieu merci », prête à passer de l'autre côté.
Mais tout simplement, ce matin, comme tous les matins, tu es venue me dire bonjour. Il était plus tard que d'habitude. Oh, au moins sept heures et demie. J'étais dehors déjà, et je t'ai regardée descendre ton escalier.
Qu'il pleuve, qu'il vente ou bien qu'il neige, tu descends cet escalier dans l'intention de venir dire bonjour à ta fille.
Tu ne le dis pas comme ça. Tu as toujours un truc à faire : descendre ta poubelle, laisser sortir Minette, ou aller arranger tes fleurs dans le jardin. Mais toujours tu passes par chez moi, faire un commentaire sur le temps, les faits-divers, sur les chats ou les dernières photos de tes petits enfants et arrière-petits-enfants sur facebook.
Bien souvent, je suis pressée. Je te réponds tout juste, parce que je me prépare à aller travailler, je suis dans la salle de bains, ou occupée tout simplement. Heureusement, nous avons les mêmes horaires toi et moi. Nous avons eu les mêmes « parents »...
Alors pendant quelques minutes, tu parles aux chats et aux poissons rouges. Tu ne t'installes jamais. Tu passes juste en coup de vent, voir si tout va bien.
Nous deux, nous avons peu parlé. Je n'ai pas vécu avec toi, ou si peu. Même à mes dix-sept ans, quand je t'ai annoncé ma grossesse, tu ne m'as rien dit. Juste offert un collier de turquoises, que j'ai encore.
Alors il est difficile de rattraper tout ce temps perdu. Même si aujourd'hui j'habite tout juste en dessous et que je dois te dire si je rentre ou non, nous sommes aussi empruntées l'une que l'autre pour parler de nous.
Ta visite, maman, m'exaspère souvent. Mais me manque quand tu n'es pas là.
Il me semble que tu ne vieillis pas. Puisqu'en moi je te retrouve. Ou l'inverse.
Bonne journée, maman.
Ta fille qui t'aime.