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L'histoire tout d'abord.
Angèle est la fille unique de Clarius Barbaroux, le fermier de la Douloire. C'est une fille simple et confiante. Elle se laisse séduire par Louis, un mauvais garçon marseillais, qui la prostitue.
Saturnin, le journalier, entièrement dévoué à Angèle apprend qu'elle est à Marseille et qu'elle est enceinte. Il décide d'aller la chercher.
Elle finira par trouver l'amour et un père pour son enfant, avec Albin, jeune gars de la montagne, qui l'aime en secret depuis longtemps.
C'est un des plus grands films de Marcel Pagnol, adapté du roman de Jean Giono « Un des Baumugnes »
(photo : la ferme d'Angèle avec le trou dans le mur pour la caméra)
Et un texte magnifique, plein d'amour et de poésie.
Extrait :
Saturnin : Écoute, Angèle, de pleurer ça mouille et ça sert à rien. Parlons de tout ça bien posément, comme si c'était pas toi, et comme si c'était pas moi. .. J'ai la comprenure difficile, c'est vrai. Mais quand il s'agit de toi, je comprends tout.
Angèle : Va-t-en Saturnin ! … Je sens bien que je te dégoûte...
Saturnin : Qu'est-ce que tu inventes, demoiselle ?... Pour moi, tu es toujours la même... Toi, tu es toujours notre Angèle. Bien sûr c'est horrible ce qui t'est arrivé. Mais quoi ! C'est aussi de ma faute...
Angèle : Mais non, mais non...
Saturnin : Mais si c'est de ma faute. C'est moi qui te disais toujours « il te faut un monsieur de la ville. »
Angèle : Oui, tu me le disais... Mais quand même, c'est pas toi qui m'as dit d'appeler les passants dans la rue ?...
Saturnin : Oh ça non, je te l'ai jamais dit... Ecoute, ce qui t'arrive en ce moment, voilà comment je me le comprends... C'est comme si on me disait : « notre Angèle est tombée dans un trou de fumier » Alors moi j'irais, et je te prendrais dans mes bras, et je te laverais bien. Et je te passerais des bois d'allumettes sous les ongles, et je te tremperais les cheveux dans l'eau de lavande pour qu'il te reste pas une paille, pas une tache, pas une ombre, rien... Je te ferais propre comme l'eau, et tu serais aussi belle qu'avant. Parce que tu sais, l'amitié, ça rapproprie tout, tout, tout. Et si un jour, par fantaisie, tu venais me dire : « Saturnin, tu te rappelles le jour où je suis tombée dans le fumier ? » Moi, je te dirais : « Quel fumier ? Où ?... Quand ?... Comment ?... » Moi, je t'ai vue si petite, que je te vois propre comme quand tu es née.
Angèle : Saturnin !... (elle fond en sanglots)
Saturnin : Ecoute, Angèle, parlons comme il faut. Quand tu es partie, tu n'étais pas seule ! Tu avais un homme pour te protéger.
Angèle : Pour me protéger ? C'est lui qui m'a mise où je suis !
Saturnin : Pourquoi ? C'est parce qu'il était malade. Alors toi, par bonté, par dévouement...
Angèle : Par bêtise, par lâcheté....
Saturnin : Ah, tu l'aimes pas ?
Angèle : Si j'avais pas mon enfant, je le tuerais... je le tuerais...
Saturnin : Oh ! Ça va mal ! Ça va mal !... Angèle, on part tout de suite, fais tes paquets.
Angèle : Pourquoi ?
Saturnin : A la ferme, il y aura toujours de quoi manger, pour toi et ton enfant...
Angèle : Mais tu sais bien que mon père me tuerait...
Saturnin : Mais non, il te tuerait pas. Il a toujours été juste pour les autres, il sera juste pour sa fille... Écoute, je t'ai dit qu'ils se portaient bien tous les deux : je t'ai menti. Mais il ne faut pas m'en vouloir, c'était un mensonge de finesse... La vérité, c'est qu'ils sont bien tristes tous les deux... Depuis que tu es partie, notre maître ne fume plus...
Angèle : Qu'est-ce-qu'il fait ?
Saturnin : Il ne fait rien. Il ne parle plus. Il est même devenu méchant... Toute la journée il dit des Couquin de Bon Diou... Oui, et la pauvre maman Philomène, tout à l'heure on ne la voit plus, tellement elle est devenue petite : elle semble une bouscarle, et maintenant ses cheveux sont devenus tous blancs... Même la pendule qui s'est arrêtée. Ecoute Angèle, reviens et le maître la remontera...