Invectives, anathèmes, horions... Rien ne va plus dans le club de Mediapart. On s'insulte, on s'exclut, on privatise des fils de discussion. Il est temps visiblement de rappeler quelques principes.
«L'imprimerie et la librairie sont libres.» C'est cette phrase de l'article 1 de la loi de 1881 qui fonde, encore aujourd'hui, le régime de libre expression dans les médias, et, partant, sur Internet. L'idée, reprise par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (art. 10-1) qui consacre la «liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques» est pourtant aussitôt encadré (art. 10-2) par le respect de « la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé et de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui.»
Qui est donc responsable de quoi dans le Club de Mediapart? Plusieurs membres de la communauté nous ont demandé ce que l'on avait le droit d'écrire sur son blog, dans une édition ou dans un commentaire sur Mediapart. Les principes généraux de la participation est disponible dans notre charte (http://www.mediapart.fr/charte-editoriale) que vous pouvez consulter au bas de chaque page du site. Le Club de Mediapart est un espace ouvert; chaque adhérent a donc le droit de commenter où bon lui semble, ainsi que dans son blog. Pour ce qui est des éditions, c'est le fondateur du groupe qui décide qui peut publier un article dans cet espace. La souscription d'un abonnement à Mediapart vaut acceptation de ces règles. Ici, c'est avant tout la loi qui s'applique et qui interdit les propos racistes, diffamatoires, injurieux, certaines provocations et apologies, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, reproduisant des échanges privés, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…). Mais parce que Mediapart est un espace de publication éditorialisé, nous refusons également le hors-sujet, les commentaires répétés, les contenus de promotion ou de propagande, la grossièreté, etc. Tous critères subjectifs et appréciables en fonction du contexte, à un moment de publication donné, dans une continuité de publications, en fonction des réactions du reste de la communauté.
Qui doit faire la police, dès lors? L'auteur avant tout, puisqu'il est légalement responsable de ce qu'il publie et de ce qui s'écrit à la suite de son article (y compris donc, les commentaires, article 42 de la loi du 29 juillet 1881). C'est la raison pour laquelle il a la possibilité de supprimer son billet et donc tous les commentaires qui suivent. La communauté évidemment aussi qui a la possibilité de commenter et donc de discuter les propositions de l'auteur, de nous alerter d'un contenu manifestement illicite (alerte@mediapart.fr). Et in fine Mediapart lui-même, qui, dès lors qu'il sélectionne un article pour le promouvoir en une du site, du club ou de l'une des rubriques, passe du statut d'hébergeur de blogs à celui d'éditeur de contenu, et devient alors coresponsable légal de ce qui est écrit, même s'il n'en assume pas nécessairement les vues.
L'article 27 de la loi du 29 juillet 1881 réprime « la publication, la diffusion ou la reproduction par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler… ».
L'injure et la diffamation sont des délits correspondant à des définitions subtiles et complexes qui font le régal des juridictions spécialisées.
Une récente disposition votée au Sénat vient de remettre ces questions au centre du débat sur le Net: si la loi est promulguée en l'état, il sera possible de porter plainte pour diffamation pendant toute l'année qui suit la mise en ligne du billet.
Il est impossible ici de préciser ce qui est diffamatoire et ce qui ne l'est pas tant ce droit est touffu. En règle générale, on peut constater qu'un plaignant têtu, entouré d'avocats spécialisés, pourra faire condamner un blogueur comme un organe de presse pour une peccadille alors qu'un quidam franchement diffamé qui engagera des poursuites sans précautions sera débouté sur une finesse de procédure. Mais la jurisprudence condamne généralement « l'intention de nuire », « l'imprudence », la pratique de « l'amalgame », etc. L'obligation «d'enquête sérieuse» faite aux journalistes est néanmoins moins stricte pour les blogueurs. Notons aussi que, contrairement à une croyance répandue, le conditionnel ne met à l'abri d'aucune poursuite.
La publication de l'image d'une personne suppose son autorisation écrite préalable, sauf si l'image a été captée lors d'un événement public d'actualité. Les textes, les dessins, les photographies originales produites par un blogueur sont protégés par le droit, qui réprime également les manquements au respect de la propriété littéraire et artistique des tiers. Il n’est donc pas possible, sauf autorisation authentifiable, de reproduire l’œuvre de qui que ce soit d'autre, même en citant sa source. De courtes citations permettent néanmoins de reproduire partiellement les publications d'autrui pour peu que cela soit fait à des fins d'analyse et d'information (ce qui signifie qu'un commentaire conséquent doit accompagner la citation) ou encore de caricature (la falsification doit alors être manifeste et ne pas donner l'impression de l'authenticité). Le lien vers une œuvre n'est en revanche pas attaquable, sauf à renvoyer vers des contenus manifestement illicites (œuvres piratées, racisme...)