Je reproduis ici un article de la newsletter de jeudi véggie, excellent site, où on trouve des recettes et infos de qualité qui démontent les idées reçues. Après l'article sur les protéines
en voici un sur le calcium, toujours aussi informatif et bousculant les idées reçues
L’obsession du calcium
Le calcium est l’un des éléments les plus abondants du corps humain, qui en contient à l’âge adulte plus de 1 kg, dont 99 % contribuent à la formation des os. Il intervient également dans les contractions des muscles (dont le cœur), dans la transmission des influx nerveux, dans les processus enzymatiques, dans le maintien de la pression sanguine, dans la coagulation, dans la régulation du pH sanguin, dans la formation des dents. Dans ces fonctions il travaille en tandem avec d’autres éléments, notamment le sodium, le magnésium et le phosphore.
Si on devait juger l’état nutritionnel de la population sur la base des campagnes publicitaires dans les médias on pourrait penser à une véritable pandémie de carence de calcium, qui est adressée comme coupable de l’incidence d’ostéoporose, maladie invalidante qui comporte un risque de fracture qui augmente avec l’âge. Pour prévenir cette soupçonnée carence, un véritable matraquage publicitaire en faveur de produits laitiers est mis en place depuis des décennies. Or, en réalité l’apport en calcium dans les pays occidentaux est excédentaire par rapport aux besoins et l’ostéoporose n’est pas liée à une carence d’apport de calcium.
La leçon de l’épidémiologie
Les études épidémiologiques (qui rapportent la répartition, la fréquence et la gravité des états pathologiques aux populations en fonction de leur emplacement et état nutritionnel et de santé) montrent de façon très claire ce que le dernier rapport FAO/OMS a appelé « la paradoxe du calcium » : les populations qui consomment les plus de calcium, en particulier sous forme de produits laitiers, sont les plus affectées par l’ostéoporose et les fractures, alors que les populations qui consomment peu ou pas de laitages, comme les asiatiques, ont une incidence très inférieure. Cela n’a rien à voir avec la génétique, comme les messages publicitaires voudraient nous faire croire, car les asiatiques qui ont migré dans les pays occidentaux montrent les mêmes pathologies que les autochtones dès qu’ils assument leur style de vie et d’alimentation, y compris l’ostéoporose.
Ce paradoxe n’est qu’apparent et s’explique aisément si on prend en compte le bilan global du calcium, qui comprend la quantité ingérée, celle absorbée et celle excrétée.
•Une alimentation riche en sodium (sel) augmente l’excrétion rénale du calcium car le sodium entre en compétition au niveau des tubules rénales avec le calcium pour la réabsorption vers la circulation sanguine.
•Une alimentation riche en protéines animales augmente également l’excrétion rénale du calcium, notamment à cause de l’effet acidifiant des protéines animales et de la formation de sels complexes de calcium par les sulfates et les phosphates provenant du métabolisme des protéines.
La figure ci-dessous, extraite du rapport FAO/OMS, montre la courbe d’absorption du calcium en fonction de la quantité ingérée. Après une absorption importante pour des faibles apports, l’absorption est plafonnée. Les trois lignes droites représentent les pertes par l’urine et par la peau dans trois contextes : alimentation occidentale standard ; faible apport en protéines animale ou en sel ; faible apport des deux simultanément. Au croisement des la courbe et des lignes droites on trouve le bilan de conservation du calcium (absorption égale excrétion). On voit clairement que les besoins pour atteindre ce bilan de conservation varient énormément avec le type d’alimentation.
Ce que montre clairement ce schéma, c’est qu’une alimentation faible en protéines animales permet d’atteindre l’équilibre calcique avec 600 mg de calcium ingéré par jour, c’est-à-dire les deux-tiers des valeurs préconisées par les recommandations institutionnelles. En réduisant également le sodium, ce qui est de plus bénéfique sur le plan cardio-vasculaire, les apports nécessaires sont d’environ 450 mg par jour, soit la moitié des apports recommandés.

Où trouver du calcium ?
Les deux tableaux suivants montrent le contenu en calcium, magnésium, sodium, potassium et fer dans des produits laitiers et dans des produits végétaux (pour 100 g. d’aliment). La comparaison montre que les produits laitiers sont certes riches en calcium mais aussi en sodium, mais ils sont pauvres en magnésium (nécessaire pour l’absorption et la fixation du calcium), en potassium (qui contrebalance l’effet du sodium) et en fer. En revanche, les produis végétaux présentent une composition minérale bien plus équilibrée. À remarquer en particulier leur extrême pauvreté en sodium, tout le contraire des produits laitiers.
voir les 2 tableaux des taux de calcium par aliment ici:
http://123veggie.fr/comment/info-nutritionsante/b-a-ba-du-calcium-2/
Le mythe du pic osseux
L’un des arguments utilisés par l’industrie afin de promouvoir la consommation de produits laitiers est que ceux-ci permettraient d’atteindre un pic osseux pendant la jeunesse : cela signifie que les os des jeunes gros consommateurs de produits laitiers sont davantage minéralisés. Cet argument repose sur l’idée que ce pic osseux représenterait une sorte de « capital » pour l’âge avancé. En réalité, l’os n’est pas une matière minérale inerte mais une matière vivante en perpétuel renouvellement. Les ostéoclastes résorbent les parties vieillissantes des os et les ostéoblastes en forment des nouvelles. Pousser les ostéoblastes à produire un pic osseux renforcé pendant la jeunesse, c’est-à-dire quand on n’en a pas besoin, signifie épuiser leur capacité de renouvellement de l’os plus tard, quand la formation de l’os devient vraiment un facteur critique. Le résultat est ainsi la fragilité osseuse observée chez les populations fortes consommatrices de produits laitiers.
Comment préserver la santé de l’os ?
Des règles très simples permettent de réduire l’incidence d’ostéoporose et les risques de fracture.
1) Consommer abondamment des aliments alcalinisants et riches non seulement en calcium mais aussi en magnésium et potassium : en particulier des végétaux en feuilles.
2) Optimiser son apport en vitamine D, indispensable pour l’absorption du calcium, en s’exposant au soleil. Durant les mois d’hiver et aux hautes latitudes, se supplémenter en vitamine D.
3) Pratiquer une activité physique régulière, indispensable à la santé osseuse.
Pour en savoir plus :
Le rapport FAO/OMS sur les besoins en vitamines et minéraux (en anglais) :
La fiche « calcium » sur le site de l’AVF
Thierry Souccar, Lait, mensonges et propagande, Thierry Souccar Editions, 2007