Rien de personnel, bien sûr. Manuel Bompard est un homme de valeur, qui s'est engagé à gauche depuis plus de dix ans. Il a une formation d'ingénieur spécialisé dans une branche de l'intelligence artificielle (l'apprentissage artificiel), c'est un homme instruit.
Les militants de la France Insoumise qui, comme moi, ont fait les campagnes présidentielles de Jean-Luc Mélenchon sur le terrain en 2012 (c'était alors "Le Front de Gauche"), 2017 et 2022, ceux qui collent des affiches, distribuent des tracts sur les marchés ou au porte-à-porte, collent des affiches, ont appris le 8 décembre, par une dépêche de l'AFP, la nomination de Manuel Bompard comme dirigeant, coordinateur, voix, porte-parole de la France Insoumise.
C'est non. Pourquoi ? Parce que ce n'est plus possible, nous ne pouvons pas continuer ainsi, dans la verticalité et l'opacité les plus extrêmes.
Nous avons échoué trois fois à l'élection présidentielle, trois fois aux élections législatives, et encore d'autres fois aux élections européennes, municipales, régionales...
Certes, nous avons progressé. Les scores de Jean-Luc Mélenchon ont progressé, le nombre de nos députés a fortement progressé.
Mais la situation des salariés, des artisans, des paysans de notre pays s'est terriblement aggravée. Tous les services publics : École, Hôpital, Justice, Transports, Énergie, sont ruinés. La désindustrialisation de la France se poursuit et s’accélère et en conséquence, la dette, et le déficit du commerce extérieur atteignent des montants pratiquement jamais vus. Dans le même temps, les charges et les impôts pour les grosses entreprises et pour les ultra-riches (patrimoines qui dépassent des centaines de millions, des milliards...) ne cessent de baisser.
Le climat se détériore de manière dramatique, la diversité du vivant s'effondre. Le gouvernement du Capital ne prend aucune mesure sérieuse, trop occupé qu'il est de répondre aux désirs gloutons des actionnaires.
Or, que voyons-nous ? C'est la démagogie de l'extrême-droite qui capitalise les angoisses et les mécontentements. Le candidat du Rassemblement National est arrivé devant le notre en 2012, en 2017 et en 2022. Ce parti a aujourd'hui plus de députés que la France Insoumise.
À l'Assemblée Nationale, nos députés sont actifs et talentueux, mais est-là que se joue l'avenir ?
Non. Il se joue dans les villes et dans les campagnes. On ne peut faire reculer l'extrême-droite fascisante et gagner la majorité des citoyens que sur le terrain.
La force des partis, RN inclus, qui défendent la dictature des actionnaires, c'est l'argent et les grands médias.
Notre force, celle des citoyens qui défendent le travail et l'environnement, c'est le nombre. Mais le nombre n'est une force que s'il est (aurait dit Hegel) "POUR SOI" c'est à dire conscient et organisé.
Or il n'y a d'organisation populaire que démocratique. Il est impossible de remettre en cause cette assertion. Un mouvement libéral capitaliste peut se passer de démocratie. Pas un mouvement de gauche éco-socialiste.
Qui va adhérer à un mouvement qui n'a pas de statuts ? La FI n'a pas de statuts. Elle a des règles, mais qui ne contraignent que les militants : les militants ne peuvent voter. Ils ne désignent pas, même indirectement, les dirigeants, qui sont nommés, cooptés par le petit groupe autour du dirigeant : Mélenchon hier, Bompard aujourd'hui ? Non.
C'est l'organisation prétendue "gazeuse". Il faut en tirer le bilan : nous avons perdu toutes les élections depuis dix ans.
Pourtant les idées politiques sont bonnes : pour la répartition des richesses produites, pour la mutation énergétique, pour une agriculture durable, pour une réindustrialisation, pour un certain protectionnisme intelligent, pour une UE sociale et écologique et sur le plan international, pour une action dynamique, non alignée, en faveur de la paix et pour une coopération équilibrée avec les pays africains, sud américains, asiatiques.
La théorisation de l'organisation "gazeuse" est tout simplement, sur le plan intellectuel, pitoyable. On ne "vote pas" parce qu'on cherche le "consensus". On n'élit pas les responsables parce qu'il y a trop d'exigences (sic !) ? On ne recherche pas la démocratie parce qu'on recherche l'efficacité !
Mais qui donc écrivait, en 2017 :
«Dans un régime tyrannique, la loi, la décision s'impose par la force. Elle ne se discute pas. Elle arrive de l'extérieur et sa “légitimité” tient toute entière au fait qu'elle s'impose sans recours.
En démocratie, le mécanisme est exactement inverse : on consent individuellement à l'autorité même si on n'est pas d'accord. Il en est ainsi parce qu'on pense la décision légitime. Et elle est légitime parce qu'elle résulte d'une décision collective, qui est prise par le vote. Bien sûr, le vote n'éteint pas la discussion, ni l'opposition des points de vue. Le vote c'est seulement, mais c'est décisif, la forme de la prise de décision. Et de cette forme vient la légitimité de la décision».
Jean-Luc Mélenchon (page 8 de l'opuscule "De la Vertu" Editions de l'Observatoire".
Et que voyons-nous ? Du ciel nous tombe Manuel Bompard et, sous le même signe arbitraire, sont plus ou moins tenus à distance, relégués, écartés, Clémentine Autain, François Ruffin ! Mais non !
C'est la victoire que nous voulons. On ne recrute pas pour une telle pétaudière ! Assez joué maintenant, les fascistes sont à l'affût !
Nous voulons un mouvement sain, honnête, démocratique, transparent, présentable : on adhère, on prend une carte, on paie une cotisation selon ses revenus, on élit ses responsables, on envoie des délégués à un congrès et le congrès élit des dirigeants.