Billet de blog 17 janvier 2009

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Au secours !!! C’est au tour des anarcho-syndicalistes maintenant …

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Réaction à chaud de l’autre côté de La Manche. La semaine de travail est enfin terminée. A peine rentré à mon domicile, je me connecte, comme je le fais quotidiennement d’ailleurs, sur le site Internet de France 5 afin de regarder le « C’est dans l’air » du jour. Le titre de l’émission, avec le jeu de mots habituel, est : « SNCF : duraille pour les usagers ! ».Pas vraiment le temps pour moi d’entrer tout doucement dans le cours de l’émission en m’adonnant à quelque autre tâche de rangement ou de nettoyage, car cela démarre très fort avec l’un des tous premiers intervenants : Yves Thréard, directeur adjoint de rédaction et éditorialiste du Figaro, je devrais plutôt dire « photoshopiste » au Figaro. Le lecteur m’excusera de cette attaque facile et pas vraiment dans le contexte, mais je me demande en permanence si un salarié de ce quotidien et titulaire d’une carte de presse peut encore raisonnablement bénéficier du doute d’être appelé journaliste…Après un long laïus sur l’impossibilité de réformer en France, l’absence de culture du dialogue chez les syndicalistes, un mot ou plus précisément un préfixe est lâché : anarcho : « Sud-Rail …un syndicat …qui est lui dans une logique frontale, anarcho-syndicaliste… ». C'est curieux, ce qualificatif me dit quelque chose, car de la toute proche Albion d’où je me trouve en ce moment, j’en ai entendu l’écho et je pense même, ironique coïncidence, qu’il a été utilisé à propos de présumés saboteurs de lignes de chemin de fer … Notre cher journaleux ne s’arrêtant d’ailleurs pas là-dessus, renchérit vivement sur le second intervenant du jour, économiste de son état, en dénonçant tout simplement une entreprise ouverte de déstabilisation pilotée par Besancenot et ses vilains amis trotskystes… Je vous épargnerai la suite, longue litanie d’interventions, très peu partisanes il faut le dire, qui ont ponctué les différents reportages. Il y a par exemple été question d’une « entreprise publique, propriété privée des syndicats… » ou encore d’une « entreprise quasi-familiale où l’on est cheminot, fils de cheminot et ainsi de suite… »J’ai été pendant les dernières années un usager quotidien du transport public d’Ile de France. Les perturbations sur le trafic, surtout du côté des RER et de trains de banlieue, il est vrai, je choisis mes mots, ne sont pas rares. Il m’est arrivé quelques fois de mettre plus de deux heures et demie à me rendre sur mon lieu de travail ou de patienter par un froid glacial le soir sur un quai suite à l’annulation successive de trains, et de finir par rentrer très tard à mon domicile. Bien évidemment, l’utilisateur innocent que l’on est dans ces cas de figure n’a qu’une seule envie, celle de maudire ces fichus « bons à rien » dont on nous répète régulièrement de surcroît qu’ils sont gavés de privilèges, dont celui ô ultime de l’emploi garanti à vie ! Je fus aussi auparavant un utilisateur assez régulier des lignes régionales de train en Midi-Pyrénées ou des grandes lignes vers la capitale, Provence Alpes et Rhône-Alpes, ... Globalement je peux dire que je fus assez satisfait en tant qu'usager, en étant conscient que c'est un point de vue strictement personnel et qu’il y a toujours des choses à améliorer dans tout service qui est délivré à un public de masse.

En comparaison, je suis maintenant installé en Angleterre depuis bientôt un an et je suis toujours ébahi par la piètre qualité du service dans le transport en commun, pour ne parler que de celui-ci. La toute première semaine, j’ai essayé de me rendre en transport à mon travail distant de mon domicile de 7 miles (à peine 11 km) et il m’a fallu une combinaison compliquée de trains et de bus pour compléter mon trajet en une heure et trois quarts !!! On est à environ 40 km du centre de Londres et sur un site où travaillent plus de 5000 personnes. Je m’enquis auprès de mes nouveaux collègues sur l’existence d’un système de transport ou de navette assez efficace pour parvenir sur le site et la réponse que l’on me fit en guise de conseil amical fut celle de me procurer au plus vite un véhicule car presque tout le monde ici vient en voiture. En effet, il suffit de jeter un rapide coup d’œil sur la taille des trois immenses parkings qui ceinturent le site pour comprendre…Bien évidemment, se comparer à pire que soi n’est pas une garantie de progression dans la vie. Mais j’ai été étonné des analyses des invités de l’émission, qui s’ils sont rapidement passés sur le désastre de la privatisation du rail anglais de la fin des années 80 - début 90, ont essayé de nous démontrer que ce qui se faisait ailleurs marche peu ou prou et qu’il serait en substance grand temps que l’on s’y mette dans l'Hexagone. Je les inviterai volontiers à venir tester au choix le transport public ou le système hospitalier de ce pays qui fait quand même partie du groupe select des cinq premières puissances économiques de la planète! L'autre argumentaire qui fut développé par nos intervenants porte sur la faiblesse du taux de syndicalisation en France comparé à celui des autres pays membres de l’OCDE, ceci pour mettre l’accent sur la forte capacité de nuisance et la culture de l’affrontement d’une petite minorité de travailleurs. C’est bizarre, cette tendance souvent dans le débat sociologique à pointer l’index sur une minorité de semeurs de trouble par opposition à la majorité restante des pris en otages ou victimes silencieuses. Un sociologue confirmé serait plus à même de nous en donner l’explication. Oui, le taux de syndiqués en France est près de deux fois moindre qu’aux Etats-Unis, environ quatre fois moindre qu’en Grande-Bretagne. Y a-t-il une corrélation directe entre ce taux et la qualité de la défense des droits des salariés? La réponse est : non ! Les charrettes de licenciements se succèdent à un rythme effrayant aux US et au Royaume-Uni, est-ce pour autant que l’on assiste à une réelle mobilisation du corps social dans ces pays ? L’on pourra m’objecter que la défense du salarié ne signifie pas forcément battre le macadam avec des mégaphones et des banderoles ou à faire la grève, mais que fait t-on ou a-t-on fait de façon efficiente dans ces pays pour éviter que les premières victimes de toute crise économique soient systématiquement les mêmes ? J’avoue que j’ai réellement du mal à le discerner. Aux US pour exemple, la puissante association syndicale UAW (United Auto Workers) fera certainement les frais de la mort annoncée ou de la profonde restructuration de l’industrie automobile américaine. On lui reproche son puissant corporatisme, et principalement de se cramponner aux immenses acquis sociaux glanés pendant l’âge d’or des « Big Three » ; autant dire que ses adhérents jouissent d’une image de privilégiés pas nécessairement positive auprès du reste de leurs compatriotes et des medias. De fait, la culture du dialogue qu’appelle de leurs vœux le brillant Yves Thréard et ses amis objecteurs de conscience serait plutôt une culture du monologue d’un pouvoir politico-économique avec, en face, en guise de faire-valoir un mouvement syndical émietté, anesthésié et des catégories socioprofessionnelles dressées ou mises en concurrence les unes contre les autres. Même s’il souligne avec euphémisme la maladresse de Nicolas Sarkozy qui naguère déclarait triomphalement que « maintenant, quand il y a une grève en France, on ne s’en aperçoit même plus… », cette attitude puérile, qui plus est de la part de celui qui est à la tête du pays, est sûrement à prendre comme exemple pour la lubrification du dialogue social. D’ailleurs, les malheureux usagers de la Gare Saint-Lazare ne s’y trompent sûrement pas, son gros coup de colère et sa bruyante sortie sur cette affaire ne sont pas les résultats d’une quelconque sollicitude à leur égard, mais plutôt ceux de la colère de perdre la face par rapport à ses multiples gesticulations déclaratives et sa suractivité législative.Certes il est bien évident que la France comme n’importe quelle autre société au monde doive se réformer et s' éloigner en permanence des immobilismes. Je pense que l’écrasante majorité des citoyens est d’accord sur ce fait contrairement à ce que l’on peut entendre ou lire. Mais, réformer dans quelle direction et à quel prix ? Que faut-il emprunter ou surtout pas aux voisins aux contrées lointaines ? Sur les réponses collectives à apporter à ces questions, il est essentiel que les media jouent un rôle d’information et même d’éducation qualitatives. Je reste malheureusement pessimiste sur ces dernier aspects… Gare citoyens ! Prenez gare à la résurrection de cette ancienne menace latente dans les cœurs des dispensateurs de connaissance, des réparateurs de petits ou grands bobos en blouse blanche, des distributeurs d’épistoles en uniforme bleu et jaune en danseuse sur leurs bicyclettes. Gare à cette menace affirmée l’on prétend, chez ces jeunes gens forcèment louches qui ont choisi de s’éloigner le plus possible du tumulte de la société consumériste de masse. Tous ces anarchistes potentiels veulent vous entraîner sur des sentiers ou des territoires inconnus où personne n’a encore jamais posé les pieds. Dans leur rhétorique, ils appellent cela meilleure justice sociale ou même justice tout court, pérennisation et renforcement du service public, suppression de la logique purement marchande, etc. Soyez plutôt des gens raisonnables, citoyens, et demeurez attachés à ce que vous connaissez et qui est plus sûr : précarisation galopante de tous les aspects essentiels de votre existence. Et vous verrez, vous serez tous dans un jour très proche des experts en système-D pour pouvoir survivre dans ce monde de plus en plus implacable. Non vraiment, éloignez de vos pensées ces chemins incertains, et puis comme dirait l’autre, l’amour, la santé, tout est précaire dans la vie et donc le travail inclus…

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