
« Les occasions de contact se réduisent. Personne n’a plus envie d’affronter le gigantisme architectural. Bientôt un espace quadrillé, sûr, cohérent, parfaitement ergonomique aura rendu tous nos déplacements efficaces. Je ne veux pas renoncer à mes semblables bien que tout m’y encourage. »
Les territoires, les racines, les liens sont au cœur du roman. Abordés comme des questionnements, à travers les confidences des personnages et à travers les actions qu’ils et elles mènent pour créer des brèches, à travers aussi leurs habitations. Le temps nocturne favorise le récit de soi, qui consolide le groupe.
« et ce nous dans la bouche de Filasse nous a électrisé »
Ils sont comme des sorciers autour du chaudron, qui possède les mots ? Lily est télépathe et la narratrice principale. Elle est aussi le double de l’écrivaine et se méfie de leur soi-disant légitimité de discours. Les récits – de vies abandonnées, exclues, surveillées – se déploient, se déplient, se défroissent. La parole émancipe. Voix schizophrènes des entendeurs ou récits livrés à des inconnus qui libèrent. Chaudron magique.
Il y a une portée philosophique du texte. Il y a aussi une portée poétique. Et une portée minuscule/majuscule, de la fissure, de l’interstice. Les chemins de traverse font les vies dressées.
« on exposait le territoire de nos vies parce qu’on croyait non seulement à la puissance du verbe, mais à l’archéologie, à la géologie, à la spéléologie comme modes d’explication de la surface. »