Dans son Dom Juan, Molière déguise Sganarelle en médecin. Revêtu de l’habit de la profession, Sganarelle pense avoir le niveau pour se mesurer intellectuellement à Dom Juan
« Cet habit me donne de l'esprit,
et je me sens en humeur de disputer contre vous »
Mais l’habit ne fait pas le moine. Et Sganarelle se révèle incapable de raisonner. Pourquoi ? Parce que Dom Juan le laisse avancer ses arguments sans le contredire. Or cette contradiction est la condition sine qua non du raisonnement de Sganarelle
« Oh dame, interrompez-moi donc si vous voulez,
je ne saurais disputer si l'on ne m'interrompt,
vous vous taisez exprès, et me laissez parler par belle malice. »
La nature finit toujours par ressembler à l’art.
Pour l'instant, la campagne présidentielle ne nous a présenté que des Sganarelle.
L'ombre de Dom Juan, alias De Gaulle, plane toujours. C'est cette ombre qui explique la nostalgie des électeurs pour qui c'était mieux avant. Quant aux autres électeurs, la majorité d'ailleurs, ils ont quitté le navire.
Un peu comme dans la Commedia dell'Arte, Il Magnifico existe mais on ne le voit jamais. Alors ne reste que ses caricatures le Capitaine Fracasse, Pantalone et le Docteur : Un va-t-en guerre qui a peur de son ombre, un riche marchant avare de ses deniers, très intéressé par des jeunes femmes pré-pubères et enfin un pseudo-scientifique qui noie dans "un pompeux galimatias, un spécieux babil", la vacuité de sa pensée.
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Pour ces piètres candidats, l’essentiel est d’insulter une partie de la population en espérant une réaction. La situation de la France, tant économique que sociale, serait la faute d’une partie de sa population : les immigrés, les femmes, les arabes, les musulmans, les chômeurs, les pauvres, les assistés, les jeunes, les étudiants, les vieux, les malades, etc…
Et , à ce jeu, l’extrême-droite est dans son élément.
« Je suis l'esprit qui toujours nie !
Et avec raison, car tout ce qui naît
vaut la peine d'être détruit ;
Il vaudrait donc mieux que rien n’existe.
Il en va ainsi de tout ce que vous appelez péché,
destruction, en un mot, le mal,
c’est-à-dire mon véritable élément. »
Ainsi s’exprime le médiocre diable lui-même selon Johann von Goethe dans son magistral FAUST.
C’est de cela dont il s’agit : L’extrême-droite a gagné la bataille internet, sur les réseaux sociaux mais aussi, hélas, dans les médias des milliardaires subventionnés par de l’argent public.
Pourquoi ? Parce que ces pauvres médias ne se nourrissent que de la polarisation des idées. Vous devez être pour ou contre. Cela seul fait le buzz. Et le buzz est la base du succès politique.
Tous les jours, les électeurs sont sommés de prendre partie dans un clash mis en scène par ces médias de milliardaires subventionnés :
Regardez comment Tartempion a clashé Tartempoire !
Le fond du débat n’intéresse pas ces médias. Les jeux de l’esprit chers à Pierre Boulle se réduisent à une foire d’empoigne. Et c'est la planète des singes...
A ce jeu, l’écologie politique n’est pas armée. Elle est une science qui ne se nourrit que de faits scientifiques. Elle n’a que faire des effets de manche face à l’urgence climatique et sociale.
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Le pari des militants d’Europe Ecologie Les Verts a été la carte de l’apaisement dans une France visiblement en colère.
L’écologie est l’affaire de tous et tous les français sont d’accord sur le constat.
Donc les militants EELV ont délaissé leur candidat naturel, Eric Piolle. L’idée était de sortir de l’entre-soi pour s’ouvrir à tous les français sensibilisés à l’enjeu écologique, quelque soit leurs idées politiques. Alors Yannick Jadot s’est imposé comme le candidat du rassemblement... et de l’apaisement.
Seulement un tel candidat n’intéresse pas les médias en mal d’audimat. Et sa campagne est jugé "atone", même par un média tel que Mediapart dont le milieu social des lecteurs est plutôt proche de celui des militants de l’écologie politique, avec un niveau de revenu et d'éducation supérieure à la moyenne française.
La campagne actuelle a atteint un niveau historique de mièvrerie intellectuelle. Elle n’intéresse plus que ses acteurs. L’immense majorité des français s’en détourne.
En 2017, le vainqueur du premier tour fut l’abstention avec 10 578 455 voix
.
Loin derrière se trouvait celui qui allait emporter l’élection, Emmanuel Macron avec 8 656 346 voix, soit 18 % des inscrits; et donc 82% des français n'avaient pas voté pour lui.
Et encore plus loin son challenger du deuxième tour, Marine Le Pen, avec 7 678 491 voix.
Au deuxième tour, l’abstention sera encore plus forte avec 12 101 366 voix
Elle sera même supérieur au score de Marine Le Pen, pourtant un record historique pour le Rassemblement National avec 10 638 465 voix
Cette année, le risque est de voir l’abstention être supérieure à la somme des scores réalisés par les deux candidats du deuxième tour.
Quelqu'il/elle soit, le ou la futur.e président.e n'aura ni légitimité ni crédibilité.
L'opposition sera dans la rue et il y aura des morts et des violences policières.
Car, on le sait maintenant, l'incompétence tue.
- L'incompétence dans le maintien de l'ordre tue,
- l'incompétence dans la gestion de la santé publique tue
- L'incompétence dans la vision de l'action extérieure de l'état tue, en Afghanistan comme au Mali ou ailleurs.
Aujourd'hui voter est un acte de légitime défense pour le peuple français.
Il s'agira de s'en souvenir au moment de glisser son bulletin dans l'urne... ou d'aller à la pêche à la ligne le jour de l'élection.