Billet de blog 29 octobre 2025

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Grenoble capitale du vélo

et les frères Michaux n'y sont pour rien…

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Ah, le vélo, cette merveille de simplicité qui fait transpirer les dimanches et respirer les villes.

Mais saviez-vous ce qui serait arrivé si les frères Michaux n'avaient pas eu leur éclair de génie ? Eh bien, nous serions probablement tous en train de nous déplacer sur des draisiennes, poussant frénétiquement du pied comme des enfants de maternelle géants et légèrement ridicules.

Car oui, rappelons-le pour la postérité, c’est bien à Pierre et Ernest Michaux que nous devons l'invention de la pédale vers 1860-1861.

Imaginez un instant le vélo sans pédale.

Illustration 1

Un vélo qui n'en est pas vraiment un. Une sorte de... chaise roulante avec guidon ? Un skateboard pour adultes en mal de sensations douces ? Bref, quelque chose d'aussi utile qu'un assemblée nationale sans majorité.

L'histoire commence à Bar-le-Duc

Petit détail croustillant que tout bon amateur de vélo devrait connaître; Pierre Michaux est né le 25 juin 1813 à... Bar-le-Duc. Oui, oui, LA Bar-le-Duc meusienne, celle de la confiture.

Artisan serrurier et charron de formation, ce Barisien monte à Paris où il ouvre un atelier de réparation de véhicules. C'est là, avec son fils Ernest (lui aussi natif de Bar-le-Duc, ce détail est important pour la suite de l’histoire), qu'il a l'idée géniale d'adapter une manivelle sur la roue avant d'une draisienne, créant ainsi le vélocipède à pédales… que certains appelleront affectueusement la “michaudine".

Les frères Michaux, dans leur atelier parisien de la rue Jean Goujon, ont donc eu cette intuition formidable :

"Et si on ajoutait des pédales sur la roue avant ?"

Certains diront que c'était du génie, d'autres que c'était simplement logique. Toujours est-il que sans ces deux Barisiens d'origine, le Tour de France se résumerait à un championnat de trottinette géante, et personne ne voudrait voir ça.

Bar-le-Duc peut donc légitimement se targuer d'avoir vu naître les inventeurs du vélo moderne. La ville rend d'ailleurs toujours hommage à ses illustres enfants, notamment au Musée barrois où trône fièrement un vélocipède Michaux d’époque.

Mais alors, Bar-le-Duc ou Grenoble ?

On pourrait donc légitimement penser que Bar-le-Duc, berceau des frères Michaux et patrie de l'invention qui a changé la mobilité mondiale, aurait toutes ses chances pour décrocher le titre de capitale française du vélo 2025. Ajoutez à cela sa fameuse confiture de groseilles épépinées à la plume d'oie (oui, oui, vous avez bien lu), et vous avez là une ville qui a du patrimoine à revendre.

Eh bien... perdu !

C'est Grenoble qui a raflé la mise pour la quatrième fois consécutive. Et avec une note de 4,37 sur 6 au Baromètre vélo 2025 de la Fédération des usagers de la bicyclette, ce n'est pas un hasard. C'est même mieux qu'en 2022 (4,21/6), preuve que la ville ne se repose pas sur ses lauriers… enfin, sur ses pédales.

Illustration 2

Un maire écologiste qui pédale dans le bon sens

Parlons franchement, ce qui distingue Grenoble des autres villes françaises, c'est son engagement politique assumé en faveur du vélo.

Depuis 2014, la ville est dirigée par Éric Piolle, maire écologiste qui a fait des mobilités douces sa priorité absolue. Et ça change tout.

Là où certaines municipalités tergiversent pendant des années sur un bout de piste cyclable, Grenoble investit massivement, planifie stratégiquement, et transforme concrètement l'espace urbain.

D'ailleurs, le hasard fait bien les choses : juste derrière Grenoble au classement, on trouve Strasbourg, deuxième du Baromètre vélo 2025. Tiens donc, une ville elle aussi dirigée par une maire écologiste, Jeanne Barseghian. Coïncidence ? On ne pense pas.

Quand la volonté politique est là, quand le vélo devient une vraie priorité et pas juste un slogan de campagne, les résultats suivent naturellement.

Bar-le-Duc a beau avoir du charme, de la confiture artisanale et probablement quelques vélos garés devant l'église, Grenoble a fait un choix de société.

Là-bas, ne pas avoir de vélo, c'est un peu comme ne pas avoir de majorité à l'Assemblée Nationale. On vous regarde avec une compassion mêlée d’incompréhension.

Le triomphe de la pédale... et de la volonté politique

Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Sur 334 000 participants à l'enquête nationale (un record), les Grenoblois ont clairement fait savoir leur satisfaction. Et ils ne sont pas seuls : 21 communes de la région obtiennent désormais la moyenne, contre seulement 8 en 2022. Plateau des Petites Roches, Saint-Égrève, Meylan... Même les villages s'y mettent.

Pourquoi un tel succès ?

Parce qu'un maire écologiste qui croit vraiment au vélo, ça fait toute la différence. Éric Piolle n'a pas fait semblant; il a investi massivement dans les infrastructures cyclables, bravant parfois les critiques et les résistances. Les fameuses pistes Chronovélo et les voies vertes ont métamorphosé la mobilité alpine. Quand on pédale à Grenoble, on ne se bat pas contre les voitures, on glisse. C'est presque poétique. Bon, ça monte quand même, ne nous mentons pas, mais au moins on a de vraies pistes pour souffrir dignement.

Le message est clair.

Quand on donne au vélo une vraie place dans la ville, quand on en fait une priorité politique et budgétaire, les habitants suivent. Et pas qu'un peu.

Grenoble et Strasbourg le prouvent; l'écologie municipale appliquée, ça marche. Les deux villes en tête du classement sont dirigées par des écologistes. Le vélo n'est plus un simple moyen de transport, c'est un projet de société.

Les frères Michaux n'ont certes jamais mis les pieds à Grenoble (à notre connaissance). Mais leur héritage y prospère comme nulle part ailleurs. Dans cette ville où même les grands-mères bravent les côtes avec un sourire tranquille, où Vizille, Corenc et Fontaine progressent de plus de 10 % en quelques années, la pédale est devenue bien plus qu'un outil de transport : c'est un art de vivre.

Et pendant ce temps, Bar-le-Duc…

Pendant que Grenoble pédale vers l'avenir, Bar-le-Duc continue de préparer sa confiture, excellente, soit dit en passant, et d'honorer la mémoire de ses illustres fils Michaux. La ville peut être fière de son patrimoine historique : sans Pierre et Ernest, nés entre ses murs, le vélo n'existerait tout simplement pas. Mais avoir inventé la pédale et savoir s'en servir au quotidien, ce sont deux talents bien différents.

Chacun ses spécialités, chacun son époque. Bar-le-Duc restera à jamais le berceau du vélo moderne. Grenoble, elle, en est devenue le temple contemporain. Peut-être qu'un jour, Bar-le-Duc créera des pistes cyclables à la confiture de groseilles en hommage à ses enfants prodiges ? On ne sait jamais. Ce serait collant, mais original.En attendant, félicitons Grenoble pour cette consécration méritée. Un avenir où l'on respire mieux, où l'on transpire un peu plus, et où l'on se dit que, finalement, ces frères Michaux avaient vraiment vu juste en inventant la pédale.

Merci à eux pour leur invention révolutionnaire. Et bravo à Grenoble de savoir si magistralement s'en servir.

Allez, avouez-le... après avoir lu ça, vous allez ressortir votre vélo du garage, non ? Enfin... si vous n'habitez pas une ville trop pentue.

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