
Troisième partie de nos rendez-vous pour les élections régionales des 14 et 21 mars prochain avec Joël Mekhantar (à droite sur la photo) et François Patriat. L'un est tête de liste de "Pour la Bourgogne citoyenne", l'autre de "La Bourgogne pour tous, un avenir pour chacun". Petit jeu de questions/réponses assez personnel pour cette première partie de leur interview...
* Joël Mekhantar, tête de liste régionale de "Pour la Bourgogne citoyenne, à gauche sur les valeurs de la république"
1 - Papiers s'il vous plaît !
- Date de naissance : 23 août 1957
- Ville et département d'origine : Paray-le-Monial en Saône-et-Loire.
- Situation familiale : Marié, quatre enfants.
- Profession / Mandat : Professeur de droit public / Conseiller municipal de la ville de Dijon (adjoint délégué à la modernisation du service public, à l’informatique et à la politique de la ville).
- Passé politique : "J'ai adhéré au parti socialiste en 1974 mais je l'ai quitté en 1990, au moment de la guerre du Golfe. J'ai été candidat sur des listes aux cantonales et aux municipales en 2001. Ensuite, j'ai rejoint le Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement, de 2004 à 2008, et je me suis présenté aux élections régionales. Depuis, je suis sans étiquette mais je reste acquis aux valeurs de la République à gauche".
- Identité numérique : "Facebook, Twitter, Blog... Oui, j'ai tout ça".
2 - Les "Qu'en pensez-vous?" et "Ça vous fait quoi?" de l'actualité...
Engagée en 2007 par la garde des Sceaux de l'époque, Rachida Dati, la carte judiciaire a été chamboulée le 1er janvier 2010 : 178 tribunaux d'instance et juridictions de proximité ont en effet été fermés. La Bourgogne n'a pas été épargnée puisqu'onze tribunaux d'instance ont ainsi été supprimés... En tant que professeur de droit, qu'en pensez-vous ?
"Je pense que le président s'est servi de Rachida Dati pour qu'elle fasse ce travail-là et elle l'a fait... Sur le fond, je pense que ça éloigne les citoyens de la justice. Sans doute fallait-il réorganiser le fonctionnement de l'organisation judiciaire mais pas dans cette proportion, pas sans concertation. Il faut au contraire renforcer les possibilités pour les gens de s'adresser aux juges quand les choses ne vont pas. Parce que le droit au quotidien, c'est quoi ? Ce sont des histoires de divorce, de contrats de travail... Des événements qui touchent la vie quotidienne des gens. Or plus on les éloigne des tribunaux, moins ils se plaignent. Et au final, c'est la loi du plus fort qui l'emporte.
La cause écologique, ça vous fait quoi ?
J'ai dit une fois que je n'étais pas pour l'écologie des petits oiseaux, même si j'aime les petits oiseaux, les fleurs... Sur la question de l'amiante, et ça ce n'est pas l'écologie des petits oiseaux, on n'entend pas les Verts. Mon père a passé sa vie dans l'amiante et en est mort. En ce moment, je vois l'un de ses copains, qui est en train de partir lui aussi... Il y en a plein dans ce cas-là. Il faut faire quelque chose mais que fait-on au juste en France ? On fait des études d'épidémiologie alors que dans certains pays, de vraies études pour soigner les gens sont réalisées ; aux États-unis, on arrive à prolonger leur vie de cinq ans ! A mon sens, c'est cela l'écologie. C'est avant tout l'homme, la santé de l'homme. Mais je ne suis pas pour le massacre des animaux pour autant...
Georges Frêche, président sortant de la région Languedoc-Roussillon, avait parlé de la "tronche pas catholique" de Laurent Fabius, d’origine juive. Pour ces propos, il a été écarté de la tête de liste PS en vue des Régionales... Qu'en pensez-vous ?
Je pense que les propos de Georges Frêche sur les Harkis, en les traitant de sous-hommes, sont absolument inadmissibles. Maintenant, sur la nouvelle affaire qui vient d'être instrumentalisée, on connait le franc parler du personnage... Je ne pense pas qu'il l'ait dit à dessein antisémite. Je ne crois pas que Georges Frêche soit antisémite : ce type-là est professeur d'histoire du droit au départ, ce n'est pas un abruti. J'ai vu que François Rebsamen était parti le soutenir. C'est assez marrant parce que c'est une bagarre interne au parti socialiste, entre une ligne qui a gagné le dernier congrès et d'autres gens qui avaient d'autres choses à dire. Si le dernier congrès s'était passé autrement, on aurait sans doute eu une dynamique d'union de toute la gauche. En attendant, je trouve ça plutôt drôle car on sait bien que Georges Frêche va gagner.
La France qui arrive douzième aux Jeux Olympiques de Vancouver (nb : la question a été posée mercredi 24 février), ça vous fait quoi ?
Ça va embêter les champions, les compétiteurs comme Jean-Jacques Hayne (3ème sur la liste en Saône-et-Loire) : il aimerait que la France soit première dans tous les sports et que la Bourgogne soit bien représentée... Moi aussi d'ailleurs : c'est mon petit côté chauvin quelque part. En tout cas, je ne m'en fiche pas mais c'est vrai que je regarde moins le sport en ce moment ; je suis quand même pas mal occupé...
3 - Portraits "Président de région" et "chino-bourguignon"
Si vous êtes élu président de région, quelle sera votre première action symbolique ?
Ma première mesure rejoint la question de l'amiante : si je suis président de la région, je ferai un diagnostic sérieux sur la sécurité des établissements qui relèvent de la région.
Si vous êtes élu président de région, quelle sera la qualité qui vous sera utile et le défaut que vous aurez à combattre ?
Pour la qualité, je pense à l'enthousiasme, la volonté de faire et de réaliser. Vous voyez, il y a des gens qui disaient que je n'arriverai pas à monter une liste. Déjà en 2004, on disait cela... Mais aujourd'hui, regardez ma liste : il y a des syndicalistes, des maires de toutes les sensibilités de la gauche, des socialistes qui s'affichent comme socialistes en étant élu ! L'envie de faire et la ténacité : voilà mes qualités, même si je suis mal placé pour les juger. Pour le défaut, je pense que ce serait de faire trop facilement confiance aux gens. J'ai en effet tendance à penser que les gens sont naturellement bons. Dans cet esprit, on m'a fait des coups sur ma liste : on m'a envoyé quelqu'un qui m'a lâché au dernier moment... Maintenant, je serai plus prudent.
Si vous étiez... une route départementale en Bourgogne ?
J'aime bien le Charolais en général alors je choisirais la route de Paray-le-monial à Saint-Christophe-en-Brionnais (71) pour aller à la foire le jeudi matin...
Si vous étiez... une personnalité Bourguignonne ?
Ma grand-mère ! C'était quelqu'un d'humain qui avait une vraie personnalité. Mais si je dois choisir quelqu'un connu de tous, alors c'est Lazare Carnot*... C'était un grand révolutionnaire."
* François Patriat, tête de liste de "La Bourgogne pour tous, un avenir pour chacun"
1 - Papiers s'il vous plaît !
- Date de naissance : 21 mars 1943
- Ville et département d'origine : Semur-en-Auxois (Côte-d'Or).
- Situation familiale : marié, trois enfants.
- Profession / Mandats : Vétérinaire de formation / Président du conseil régional de Bourgogne depuis 2004 et sénateur de la Côte-d'Or depuis 2008.
- Passé politique : "J'ai fait mai 68, j'ai été au PSU (Parti socialiste unifié) avec Mendès France et Rocard, puis j'ai adhéré au parti socialiste alors que rien ne m'y obligeait, au lendemain de la défaite de Mitterand en 1974. Ensuite, tous mes mandats politiques, je les ai arrachés. J'ai gagné trente ans le canton de Pouilly, pourtant très à droite. J'ai gagné, perdu, regagné... En 1993, j'ai perdu et je me suis retrouvé chômeur. Mais en 97, j'ai été réélu et je suis devenu ministre. Je n'ai pas été ministre parce que j'appartenais à un courant minoritaire du parti socialiste mais parce que j'avais bien travaillé à l'Assemblée nationale et que le Premier ministre avait pensé que sur des dossiers importants, j'avais été un peu courageux et présent. En 2002, j'ai été rebattu, j'ai recréé mon entreprise à nouveau. J'ai gagné la région en 2004, j'ai été le premier sénateur de gauche de Côte-d'Or. Je suis fier pour ma famille, pour mes parents. Mon père, petit agriculteur, il ne m'a appris qu'une chose : travailler. Quand on a commencé berger et qu'on se retrouve ministre de l'Agriculture, on ne peut pas ne pas être fier mais ça ne me monte pas à la tête. J'ai même oublié que j'ai été ministre... J'ai toujours été minoritaire dans le parti et sans les militants, je n'aurai jamais été élu."
- Identité numérique : "Facebook et Twitter ? Oui, j'ai tout ça aujourd'hui mais je ne pense pas que je les garderai éternellement. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je n'aurai d'ailleurs pas de Facebook car je pense que je ne maîtrise pas tout... Quelqu'un s'en occupe pour moi car ça demande beaucoup de temps mais je le consulte quand même tous les jours".
2 - Les "Qu'en pensez-vous?" et "Ça vous fait quoi?" de l'actualité...
Le 1er octobre 2009, les militants du parti socialiste ont été appelés à se prononcer sur le cumul des mandats : ils ont voté contre. C’est donc à l’occasion d’une convention nationale, prévue pour le mois de juin 2010, que les différentes modalités du règlement seront entérinées. Les cumulards au PS devront donc choisir parmi leurs mandats aux prochaines élections... Bien que cela ne vous concerne pas pour cette fois, qu'en pensez-vous ?
"Dans ma vie, j'ai toujours cumulé deux mandats. La seule fois où j'en ai eu trois, j'ai démissionné le soir même. En 1986, j'avais en effet été élu conseiller général, régional et député : le soir-même, j'ai quitté le conseil régional alors qu'il n'y avait pas de loi. Aujourd'hui, je suis sénateur et président de région. Bon, vous savez, il y a des gens qui pensent qu'automatiquement, tous les présidents de département et de région devraient être sénateur. Parce que je suis au Sénat deux jours par semaine, je défends la région. Donc je suis pour deux mandats. Je ne suis pas pour le mandat unique, je n'y crois pas. Si j'avais eu un mandat unique, il y a longtemps que j'aurais arrêté la politique car je n'y aurais pas survécu. Le parti socialiste fera ce qu'il voudra ; cette fois-ci en tout cas, il a accepté que les présidents de région cumulent pour ces élections. Après, on verra... Mais je ne tiendrai jamais compte de cette règle inique. Ils peuvent m'exclure ! J'ai déjà été exclu en 1981. Ça ne m'a pas gêné et après, Jospin m'a pris dans son gouvernement, alors vous voyez...
Georges Frêche, président sortant de la région Languedoc-Roussillon, a parlé de la "tronche pas catholique" de Laurent Fabius, d’origine juive. Pour ces propos, il a été écarté de la tête de liste PS en vue des Régionales... François Rebsamen, sénateur-maire de Dijon, s'est prononcé sur cette polémique et défend Georges Frêche. Et vous, qu'en pensez-vous ?
Faire les élections régionales uniquement autour de Frêche, de Huchon d'Ali Soumaré, je le regrette... Bon, mon sentiment sur Georges Frêche : c'est quelqu'un que je connais depuis 25 ans. Ce type, qui a de grandes qualités d'élu et intellectuelles, est quelqu'un qui sait parfois être odieux. Je me souviens à titre exemplaire, qu'un jour il m'avait dit à l'Assemblée nationale : "Mon pauvre François, il y a longtemps que tu seras retourné soigner les vaches que moi je serai encore député maire de Montpellier !". C'est quelqu'un pour qui je n'ai pas de sympathie mais j'ai du respect. C'est pas la première fois qu'il prononce des phrases qui prêtent à caution plus ou moins grave mais je les replace à chaque fois dans leur contexte et je vois que ça en limite tout à fait la portée. Quand il dit aux Harkis que ce sont des sous-hommes, il leur dit qu'ils ont tort d'aller chercher protection auprès de l'UMP et des gaullistes qui les ont trahis. Parfois ça relève de la provocation, mais je connais Georges Frêche : il n'est pas anti-sémite, il n'est pas raciste. Il est provocateur. De là à en faire les choux gras... Sur cette dernière phrase, je me demande s'il l'a fait sciemment. Si oui, ça mérite une réprimande générale mais peut-être pas tout le tintamarre actuel. Et puis au second tour, le PS appelera à ne pas voter UMP donc je trouve tout cela un peu sinique et mesquin. Je n'irai pas soutenir Frêche car j'ai assez de travail ici, chez moi, et je demande à mes amis plutôt que d'aller là-bas de me soutenir ici... et c'est ce qu'ils font puisqu'ils seront là ce soir ! Donc je réprime les propos mais Frêche c'est un tout : on le connait comme ça depuis toujours alors ou il fallait dire avant que ce type n'était pas fréquentable et on le virait, ou alors on l'accepte pour de bon.
Depuis quelques mois, la chaîne de hamburgers Quicks ne vend que des hamburgers halal dans huit de ses 362 restaurants français... La nouvelle ne manque pas de faire polémique et me permet de vous poser deux questions : tout d'abord, qu'en pensez-vous ? Ensuite, serait-il imaginable de servir des repas halal et casher dans les cantines des lycées bourguignons ?
A partir du moment ou quelqu'un exerce un métier d'une profession libérale, il fait ce qu'il veut. Voilà ce que j'en pense. Pour le reste, je dis : respectez vos religions. Je suis choquée quand, dans des repas, on amène à des jeunes filles musulmanes qui ne mangent pas de porc des salades bourrées de lardons : est-ce que ça n'est pas provocateur également ? Je veux qu'on ait l'alternative, je veux que les élèves puissent manger autre chose que ce qu'ils ne veulent pas manger. Je ne dis pas qu'on va faire des repas halal dans les lycées mais je veux qu'ils puissent pouvoir manger décemment...
Histoire d'évoquer l'identité bourguignonne, l'un des thèmes de campagne de François Sauvadet... Que pensez-vous des indépendantistes du Mouvement pour la Bourgogne Libre, mouvement plus ou moins anecdotique ?
Les vrais Bourguignons, il n'y en a que deux races : les Mandubiens et les Eduens. Les Burgons ne sont pas des Bourguignons, ce sont des envahisseurs ! Bref... Aujourd'hui, quelle est la Bourgogne ? Si son identité est celle de l'identité terrienne, c'est à dire travail famille patrie, ça me choque beaucoup. J'ai d'ailleurs refusé de participer à ce débat parce que je ne vois pas pourquoi en 2010 on figerait l'identité. Pensez qu'à Saint Florentin, j'ai voulu faire une réunion et je n'ai pas eu de salle publique ouverte. Alors je l'ai faite à la mosquée... C'est quoi l'identité bourguignonne aujourd'hui ? Elle est multiculturelle et elle nous enrichis. Elle peut également être patrimoniale : ça peut être les églises romanes, les chateaux... Je crois à la luxurience des hybrides. Donc la Bourgogne libre, bon d'accord, c'est marrant... Mais même si on avait le choix, je n'en voudrais pas : je suis citoyen du monde, un européen convaincu qui pense que la Bourgogne à sa place dans l'Europe
3 - Portraits "Président de région" et "chino-bourguignon"
En tant que président de région, quel est la qualité qui vous est utile et le défaut que vous avez à combattre ?
Ma qualité, c'est le travail incessant, la passion pour la Bourgogne et la simplicité. Six ans, j'ai été président tous les jours à la région. Je n'ai jamais manqué une journée, je n'ai jamais eu de congé maladie. Mon principal défaut c'est peut-être de croire que tout est possible, d'être extraverti, de vouloir faire trop de choses à la fois... et parfois d'être coléreux !
Si vous êtes réélu président de région, quelle sera votre première action symbolique ?
J'irai sur le campus universitaire car je pense que tout converge et que tout commence là-bas.
Si vous étiez... un club de foot bourguignon ?
L'Aj Auxerre, parce que Guy Roux est bien plus connu que Sarkozy en Belgique ! Il est quand même sixième club français aujourd'hui. Et puis il existe un engouement, un esprit AJA, c'est pour ça que je le choisirais... si j'étais foot bien sûr !
Si vous étiez... une personnalité bourguignonne ?
Pas Colette, pas Vincenot... Lazare Carnot ! Il a survécu à toutes les révolutions, c'est un républicain convaincu qui a sauvé sa tête pendant la terreur et il a pu agir pendant longtemps, très longtemps..."
* Têtes-à-têtes : La Rédaction entre dans le cœur des Régionales et organise un face-à-face entre chaque tête de liste régionale et deux journalistes de dijOnscOpe. Objectif ? Les confronter aux questions directes du journal sur les thèmes d’actualité et surtout, aux exemples concrets impliquant l’action du Conseil Régional.
** Les candidats ont tous les deux répondu Lazare Carnot à la question "Si vous étiez... une personnalité bourguignonne ?". Pour info, l'interview a pourtant été réalisée le même jour !
