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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 1 mars 2010

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Tête-à-tête* Régionales 2010 : Sylvie Faye Pastor et Edouard Ferrand sur le grill

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Deuxième partie de nos rendez-vous pour les élections régionales des 14 et 21 mars prochain avec Sylvie Faye-Pastor et Edouard Ferrand. L'une est tête de liste pour l'Autre gauche en Bourgogne, l'autre pour le Front National. Petit jeu des questions/réponses...

* Sylvie Faye-Pastor, tête de liste pour l'Autre gauche en Bourgogne


Question désormais traditionnelle : quel bilan retenez-vous de la mandature de François Patriat ?


"Cette mandature était placée sous le signe du socialisme mais a paradoxalement donné beaucoup trop d'argent à mon goût aux entreprises. Il souhaitait favoriser l'emploi mais sans aucune sécurité derrière. De notre côté, nous somme beaucoup plus précis : les aides aux entreprises devront être conditionnées à des critères sociaux et environnementaux. Cependant, il y a eu des choses bien comme la gratuité des manuels scolaires, le développement des TER mais ce sont des choses en marge, tout comme le petit développement de l'économie sociale et solidaire. Nous sommes dans une crise majeure du capitalisme et la région n'a pas servi de rempart à cette crise ; c'est à peine si elle a servi d'amortisseur. Nous allons, en Bourgogne, vers 92.000 chômeurs, dont un certain nombre qui seront en fin de droits d'ici peu.

Différents points sur lesquels nous reviendrons plus tard... Dès le début de votre programme, vous vous présentez comme une "alternative sociale écologique et citoyenne". Une alternative en quoi et par rapport à qui ?


Par rapport aux autres partis qui se présentent, ça c'est une évidence. Nous sommes un parti rouge et vert mais aussi vert et rouge. Nous remettons en cause le capitalisme car ce mode de développement économique ne permet pas de continuer comme ça ; il nous conduit droit au mur tant au niveau social qu'écologique. Notre liste est avant toute une liste unitaire formée du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), du Parti de gauche, de nombreux communistes et de la Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE).


Les gens ont pris conscience que nous ne pouvions pas aller tout seul aux élections et qu'il fallait absolument des résultats. De par ce fait, nous sommes la seule liste unitaire qui se présente aux régionales. Nous sommes différents des verts ou de l'alliance écologiste car selon nous, il ne peut pas y avoir de résolution des problèmes écologistes sans une remise en cause du système économique. Nous sommes clairement de gauche, celle qui promeut une nouvelle donne économique tout en tenant compte de l'écologie

Sur les 15 principaux points de votre programme, six sont directement liés à l'environnement. Est-ce un effet de mode ou l'envie de faire prendre à la Bourgogne un tournant écologique ?


Ce n'est pas une mode mais une réelle obligation, on ne pourra pas faire autrement. Dans notre programme, nous proposons une planification écologique car il faut absolument arriver un autre type de progrès humain, aussi bien au niveau de la région qu'au niveau du pays ou des grands blocs comme l'Europe. Il est même question de la survie de l'espèce humaine. Le progrès doit donc être humain, respectueux des individus et des environnements, du climat et de la biodiversité. En aucun cas, il ne doit être un progrès basé sur la croissance, la richesse et le PIB. Les contraintes écologiques s'appliquant à tous les niveaux de la planète, la région Bourgogne doit faire partie d'un tout en coopération avec les autres régions et avec l'aide, on l'espère, d'un État.

Dans ce domaine, vos ambitions sont multiples. Parmi elles, un moratoire sur les transports régionaux ou encore une planification écologique plus globale...


Notre planification écologique programme une sortie progressive du nucléaire avec une remise en cause du pôle nucléaire Bourgogne. Ce pôle est basé sur l'EPR (ndlr : European Pressurized Reactor = Réacteur pressurisé européen), qui est une technique dangereuse et non prouvée. Il faut savoir que le nucléaire civil s'accompagne toujours du nucléaire militaire avec les risques de déflagration mondiale. On peut modifier ce pôle nucléaire sans qu'il n'y ait de pertes d'emplois en développant les filières des énergies renouvelables ou encore les filiales de traitement des déchets, qui évitent par ailleurs toute contamination. Il y a tout à fait moyen de ne pas avoir de pertes d'emplois dans ces branches. Mais pour pallier à cette carence énergétique, il faut avoir une vision certes régionale mais aussi mondiale.


En effet, on ne peut pas enlever la Bourgogne de son contexte international. Nous mettrons aussi en place un moratoire sur les grands équipements régionaux : la Ligne à grande vitesse (LGV), qui représente un investissement de 2 milliards pour un trajet raccourci de six minutes, la route Europe centrale atlantique ou encore les aéroports comme celui de Dijon. Ces structures sont des gouffres financiers qu'il faudra payer ensuite sans pour autant être sûr de leur utilité sociale. Nous souhaitons par exemple mettre en avant les transports ferroviaires et notamment le TER, qui pourra irriguer les régions par la rénovation des petites gares. À un moment ou un autre, nous allons épuiser les ressources fossiles ; nous devons donc limiter leur consommation. Dans cette optique, la construction d'un aéroport est rétrograde.

Toujours sur cette question des transports : vous proposez de les rendre gratuits. Financièrement et compte tenu des temps qui courent, est-ce véritablement réalisable ?


Oui, nous pouvons réorienter les crédits vers les transports pour les rendre gratuits, prélever des sommes notamment sur les crédits accordés aux deux pôles régionaux de compétitivité qui sont une véritable pompe à finances publiques : Vitagora et le pôle nucléaire Bourgogne. Nous sommes pour un aménagement du territoire diffusé avec l'installation de petits agriculteurs plus proches des gens afin de favoriser les circuits courts. Les crédits sont ainsi à reprendre sur ce secteur.


À l'heure actuelle, ce que payent les usagers ne représente que 25 % de la facture. Rendre gratuit les transports ne se fera pas du jour au lendemain mais c'est techniquement possible. Il faudra peut-être favoriser dans un premier temps les chômeurs et les étudiants, puis aller progressivement vers une gratuité totale. En période de péril écologique majeur, il faut à tout prix que le réseau de transport puisse se développer et soit accessible à tous. La gratuité est donc un moyen d'inciter les gens à laisser de côté leurs voitures.

Sur le plan économique, nous avons évoqué la fermeture du pôle nucléaire Bourgogne. Vous proposez également une revalorisation des salaires des apprentis mais aussi une politique active en faveur des personnes à mobilité réduite?


Nous souhaitons mettre en place une politique pour employer au sein des collectivités territoriales des travailleurs handicapés. C'est en général quelque chose qui reste à la marge et que personne n'ose faire. Dans le même registre, nous serons rigoureusement vigilants sur la mise en accessibilité des différents équipements publics. Les personnes à mobilité réduite ou handicapées ne constituent pas une force électorale qui intéresse généralement les partis ; pourtant, dans les valeurs du Front de gauche, elle est prioritaire. La loi est censée obliger la mise en accessibilité mais pour autant, elle n'est que rarement respectée. Il y a de gros efforts à faire pour permettre aux handicapés d'être employés et ceci est faisable si l'on prévoit les aménagements nécessaires. Et pour peu qu'il y ait une volonté politique...

Ainsi, vous comptez bien développer les services publics, avec l'ambition de se substituer aux carences du secteur privé. Est-ce bien le rôle d'une région ?


Bien entendu, ceci ne fait pas partie des domaines d'action généraux de la région mais c'est partie intégrante de nos convictions. Le service public doit être au service de la population ; sans avoir d'actionnaires privés à servir, il peut être aussi rentable et largement aussi efficace que le privé. Nous voulons que l'argent public aille au public en priorité. Dans ce cadre, nous souhaitons aussi supprimer les subventions distribuées aux lycées privé. Le service public a cette particularité de s'adresser à l'ensemble de la population ; il faut donc que cette population ait accès aux mêmes droits. Par exemple, en défendant le retour en régie publique de l'eau, de la restauration scolaire, de l'énergie, ce qui permettra de tendre vers la gratuité et de créer du pouvoir d'achat de façon réelle.

Pour vous, quelle sera la Bourgogne de demain ?


On ne veut pas que la Bourgogne ne soit qu'une image mais qu'elle soit un territoire, où les gens vivent bien, y compris dans les campagnes reculées. C'est une région qui a un énorme potentiel sur les plans touristique et culturel ; encore faut-il que le tourisme soit à taille humaine. Nous souhaitons développer un écotourisme, qui permettrait de créer beaucoup d'emplois de façon durable. La Bourgogne doit aussi porter des valeurs de solidarité : un véritable droit au logement, des services publics développés, sans oublier de défendre le système de santé.


Ensuite se définir entre deux pôles tels que Lyon et Paris, c'est entretenir une compétition alors que nous sommes fondamentalement opposés à la réforme territoriale : nous ne voulons pas tout concentrer sur des grandes villes mais au contraire proposer un maillage du territoire de proximité. Nous souhaitons en revanche développer la coopération inter-régionale afin d'éviter cette compétitivité qui s'installe entre les individus, les entreprises et les structures mêmes de la région. Que ce soit au niveau des TER, de l'université ou de l'hôpital, cette coopération sera sans doute beaucoup plus intéressante et productive, tout en respectant l'aspect humain.

Vous n'avez pas été des plus tendres avec le candidat sortant François Patriat ; quelle stratégie suivrez-vous au second tour ?


Il n'y a pas de surprise : aucune alliance n'est possible avec une force qui voudrait battre la droite mais qui voudrait aussi s'allier avec le Modem. Sinon, tout dépendra du résultat. Au niveau de la gauche, il y a un rapport à cinq : le Parti socialiste, les Verts, le Modem, une partie du PC et le Parti de gauche. Tout dépendra donc des mesures que l'on pourra appliquer ensemble. Certes, la volonté est de battre la droite mais il est encore plus certain que nous refuserons toujours de travailler avec le Modem, qui n'est rien d'autre que la droite."

* Édouard Ferrand, tête de liste Front National et les Français d'abord

À la veille des élections régionales, quel bilan dressez-vous de la mandature de François Patriat ?


"Mon premier principe est d'attaquer les idées et non les hommes. François Patriat est en quelque sorte le Jean-Pierre Soisson de la gauche, c'est-à-dire quelqu'un qui est plutôt convivial et qui essaye de mettre, comme un chef d'orchestre, tout le monde en musique. Bien évidemment, sur son bilan, il y a des reproches à faire, notamment sur l'augmentation des impôts de 81% : je pense qu'il faut avoir une vision vertueuse des finances publiques. Je considère qu'il y a de nombreux domaines dans lesquels nous aurions pu mieux faire comme dans la viticulture, fleuron de la Bourgogne à l'étranger, mais qui enregistre une baisse de son activité de -25 % en 2009. Cette activité économique n'a pas été assez soutenue, tout comme le tourisme.


Par ailleurs, le soutien à la politique de la ville de Dijon n'a pas été judicieux puisqu'il n'a pas permis de résoudre les violences. Quant au développement de la coopération internationale, je me pose la question de la légitimité de la région en ce domaine et constate le délire mégalomane de chacune d'entre elles. Il y a presque 100.000 chômeurs en Bourgogne, 7.000 entreprises en difficulté... Ne faudrait-il pas un grand Haïti en Bourgogne pour aider ses personnes qui sont dans une détresse sociale terrible ? J'ai surnommé François Patriat :"Monsieur taxe", mais mes flèches vont essentiellement à l'UMP et à l'opportuniste Sauvadet. Aujourd'hui, il veut se parer des vertus et s'oppose à François Patriat tout en ayant voté 99 % de ses mesures. En 2004, il a trahi Jean-Pierre Soisson avant de retirer sa liste sans consigne de vote ; en 2008, il a organisé la prise du Conseil général de Côte d'Or ; il a aussi trahi François Bayrou en étant un cumulard.
Mais cette mandature a aussi été le théâtre d'une scission, celle du FN. Aujourd'hui, qu'en est-il ?


Ces gens-là mènent leur vie mais ne figurent en aucune manière sur nos listes. Ce sont des gens qui ont voulu partir pour créer un autre mouvement... Personnellement, je ne m'intéresse plus à ces personnes. Pour moi, c'est fini.


Vous dites et je vous cite : "La Bourgogne est en faillite". Vous annoncez vouloir baisser les impôts de 50 %, est-ce possible ?


Aujourd'hui, on assiste à un phénomène qui consiste à trouver de la richesse en augmentant les impôts. N'y a-t-il pas d'autres solutions que d'augmenter de 81 % les taxes locales en Bourgogne ? [ndlr : François Patriat se défend en avançant le fait qu'il ne s'agit que d'une hausse de 20€ sur les cinq dernières années...]. De 1998 à 2004, Jean-Pierre Soisson a été élu avec les voix du Front National (20 de gauche, 18 de droite, deux chasseurs et 9 du Front National), nous lui avons donc demandé de ne pas augmenter les impôts. Dans les trois premières années de son mandat, François Patriat a augmenté de 81 % des impôts.


Nous pensons qu'il y avait d'autres moyens, par exemple en réalisant des coupes sombres, notamment sur les frais de communication qui sont passées de 800.000 € à 4 millions. Une somme symbolique par rapport au budget du Conseil régional, mais symptomatique. Nous proposons de ne pas renouveler un agent qui part en retraite et de revoir globalement l'intérêt de la commission formation professionnelle, qui ne produit pas beaucoup d'emplois. Les possibilités sont multiples et nous avons toutes les cartes en main.

Vous fustigez le bilan en matière d'emploi de François Patriat. "Du travail pour les Bourguignons" donc, toujours selon vos termes, mais avec quels moyens ?


On enregistre presque 100.000 chômeurs en Bourgogne mais la réalité dépasse souvent les chiffres. L'idée est de dire aujourd'hui que le chômage pourrait être mieux aidé en Bourgogne : la formation professionnelle n'est pas forcément l'outil adéquat car elle se contente de faire une mise à niveau du candidat mais ne crée pas un emploi. Nous sommes pour la relocalisation des entreprises en leur proposant une aide à la réinstallation, une exonération des charges sociales, une aide à la création d'emplois, à l'embauche et au recrutement. Toute entreprise bourguignonne qui aurait été aidée par la région sera redevable s'il y a licenciement ou délocalisation pendant les cinq années suivantes.

La loi sur la sécurité, LOPPSI 2, est passée la semaine dernière. Vous proposez de généraliser les caméras de vidéosurveillance dans les lycées, les trains, les gares : ne craignez-vous pas de jouer sur les peurs des Bourguignons ?


Nous proposons une police régionale des transports, une vidéosurveillance, la mise en place d'agents techniques aux abords des lycées. Tous ceci, nous le regrettons ; nous ne sommes pas pour cet arsenal aberrant ; il y a suffisamment d'outils législatifs pour assurer l'ordre et la sécurité. C'est absolument débile comme mesure puisqu'elle va contre ce que nous voudrions. Qui n'a pas eu un enfant qui s'est fait agresser dans le train? C'est une honte, ce n'est pas normal que notre société en arrive là. Ce sont des mesures pragmatiques que l'on prend à notre corps défendant. Cette police sera créée et financée par le Conseil régional, opérationnelle 24h/24 et 7jours/7 dans les gares ferroviaires, routières, les trains, les bus, le tout couplé à de la vidéosurveillance. Nous ne sommes pas du tout sécuritaires mais plutôt libertaires !

Premier poste de dépenses du Conseil régional : les transports et les investissements structurels. Un sujet sur lequel vous ne vous êtes pas encore exprimé. Quelle politique souhaitez-vous voir mise en œuvre dans ce domaine ?


Il faut arrêter la chasse aux automobilistes, les rendre responsables de tous les maux des transports en Bourgogne. Il y a des ayatollahs qui ont décrété qu'il fallait interdire l'automobiliste tout comme le fumeur, le consommateur d'alcool. En second lieu, il faut favoriser et de façon rapide l'implantation du haut débit dans toute la Bourgogne. Là, il faudra se poser la question du principe de précaution même si le WiMax a d'ores et déjà été adopté par l'Assemblée régionale. Enfin, il faudra en venir à développer le ferroutage : certains jours, il y a jusqu'à 40.000 camions par heure sur les autoroutes de Bourgogne. Il est clair qu'aujourd'hui, il faut trouver d'autres moyens de transport pour les marchandises. Quant au grand canal, qui reste le grand projet de Sauvadet, nous n'y apporterons aucun soutien. Il est temps de développer des liaisons à travers les grands axes de la région.

Pour demain quelle image faudra-t-il véhiculer de la Bourgogne ?


La Bourgogne est le poumon historique de la France, la région où il y a le plus de monuments classés au patrimoine historique. La Bourgogne, c'est aussi un nom, sans doute la région de France la plus connue dans le monde. Elle est enviée et dispose d'une réputation qui va bien au-delà de nos frontières. On peut bien entendu parler d'une identité bourguignonne : c'est l'alliance du temporel et du spirituel, une terre sacrée, bénie des dieux.


Dernière question, quels scénarii, quelles alliances possibles pour le second tour ?


La stratégie est simple. Tout d'abord, nous n'avons pas de concurrents ; ensuite, la moyenne des dix derniers sondages nous donne à 9%. Sur ce sujet, je me demande si la Bourgogne existe encore dans les méninges des observateurs politiques français... Nous sommes globalement à deux ou trois points de mieux que la moyenne nationale. Je vois surtout l'écroulement de l'UMP : Sauvadet ne fera pas le plein des voix de l'UMP. Nous y allons sereins, sans nous poser de questions. Sauvadet va exploser en plein vol et sera même discrédité avant le premier tour... La droite dijonnaise et la droite cote-d'orienne n'en finissent pas des divisions."

* Têtes-à-têtes : La Rédaction entre dans le cœur des Régionales et organise un face-à-face entre chaque tête de liste régionale et deux journalistes de dijOnscOpe. Objectif ? Les confronter aux questions directes du journal sur les thèmes d’actualité et surtout, aux exemples concrets impliquant l’action du Conseil Régional.

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