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Billet de blog 1 avril 2010

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CNIL: "Big brother, c’est maintenant"

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Quel est le point commun entre le fichier Edvige, les lois Hadopi, Loppsi, l’affaire Soumaré et la vidéosurveillance ? Sur tous ces sujets polémiques, ont été posées les questions de la vie privée, des libertés individuelles ou collectives. Et à chaque fois, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a été l’un des principaux acteurs des débats. C’est dans ce cadre que, régulièrement, sont organisées les Rencontres régionales de la CNIL, qui ont lieu en Bourgogne mardi 30 mars et mercredi 31 mars 2010...

Les missions de la CNIL: assistance, contrôle de légalité et information


A l’origine de la création de la CNIL, un scandale : dans les années 1970, un projet gouvernemental visant à identifier chaque citoyen par un numéro et permettant de croiser tous les fichiers de l’administration crée l’émoi dans l’opinion. Pour apaiser le débat, le gouvernement décide alors de créer une commission "informatique et libertés", qui a finalement débouché sur le vote d’une loi du même nom, le 6 janvier 1978, instaurant la CNIL.


Composée de 17 membres (parlementaires, experts, représentants de l’Etat...), cette autorité administrative indépendante examine les projets de loi et décrets du gouvernement, instruit les plaintes dont elle est saisie par les citoyens, organise des contrôles... En résumé, la Cnil veille à l’application de la loi informatique et liberté dans tous les aspects possibles et imaginables.


Travaillant également en amont, elle remplit une importante mission d’information. « Nous souhaitons aller échanger avec les acteurs qui ont un lien avec la problématique des données personnelles », expliquait le président, Alex Türk, joint la veille des rencontres. « Nous expliquerons notamment aux représentants de l’Etat, du rectorat, du monde de la santé, de la justice ou aux élus les enjeux majeurs de la protection des données. »

De l’importance de rappeler à tout le monde les limites de la légalité


C’est justement devant une assemblée d’élus que la délégation de la Cnil est intervenue le mardi après-midi, à l’Hôtel de ville de Chenôve. L’événement, co-organisé avec l’Association des maires de Côte d’or, visait à informer les édiles, vers qui convergent un grand nombre de données personnelles. En l’absence d’Alex Türk, retenu au Sénat pour débattre sur la question de la vidéosurveillance, c’est Jean-François Carrez, membre de la Cnil, qui a tout d’abord pris la parole pour souligner le développement « exponentiel » du traitement des données informatiques nécessitant, dans toutes les collectivités où il est possible de le faire, de mettre en place des correspondants Cnil.


« Les maires sont pénalement responsables des données collectées sur leurs administrés », a averti quant à elle Emilie Passemard, du service relation usager et contrôle de l’organisme. « Il y a cinq règles d’or à respecter : toujours savoir la finalité de la collecte et du traitement des données, connaître celles qu’on a le droit de collecter, limiter dans le temps leur conservation, les protéger et ne pas les communiquer, et enfin garantir aux usagers les droits qu’ils ont sur leurs données personnelles : notamment leur droit de les consulter et, le cas échéant, de les modifier. »


L’intervenante a ensuite rappelé l’interdiction absolue de l’utilisation politique des fichiers et cette interdiction, assez largement enfreinte, est très stricte. « Il faut savoir par exemple qu’il est interdit d’envoyer des courriers de félicitations aux nouvelles mamans. Ce type de courrier ciblé est considéré comme une utilisation politique », a même précisé Emilie Passemard, provoquant un brouhaha d’étonnement dans la salle.

Quand la réalité rejoint les fictions les plus sombres


« Les outils de collecte des données sont devenus extrêmement performants », explique Jean-François Carrez. « Par exemple, la vidéosurveillance est, de nos jours, potentiellement invisible, tout en produisant des images d’une précision telle qu’on est maintenant en mesure d’identifier une personne par reconnaissance faciale dans une foule. » Et du côté de l’émission des données par les citoyens, là aussi les choses évoluent très vite. « La convergence technologique fait qu’avec notre téléphone portable nous ne faisons pas que téléphoner : nous faisons de la géolocalisation, nous allons sur Internet, nous réglons des paiements divers... » Un mouchard très performant donc, pour qui s’en sert pour surveiller des individus ou groupes d’individus...


Ce scénario orwellien est confirmé par Alex Türk. « Les citoyens ne s’en rendent pas bien compte, où même acceptent cette situation, mais dans 10 ans nous risquons de nous réveiller en nous disant que notre société a bien changé. Je dirais que Big brother, c’est maintenant : nous sommes tracés par nos cartes de crédit, par le télépéage, pas les passes transports, les GPS... Et demain, avec le développement des nanotechnologies et de la biométrie [ndlr : identification par l’iris, les empreintes digitales, la voix...], je crains qu’on ne se dise que finalement Big brother était une époque bénie... » D’autant plus que les nouvelles habitudes des jeunes confirment cette dérive, comme l’a d’ailleurs proclamé Marc Zuckerberg, patron du réseau social virtuel Facebook : « L’ere de la vie privée est terminée ! ».


La solution selon Alex Türk passe par deux conditions : la bonne information des citoyens sur les enjeux et sur leurs droits et la volonté politique pour pousser à légiférer au niveau mondial. « Les Européens, en moyenne plus soucieux de préserver leur vie privée, doivent peser au niveau mondial pour que la conception américaine de la soumission de la vie privée aux intérêts commerciaux ne s’impose pas à tous. »


Et ne pas oublier de rappeler que le fichage, s’il est relativement bénin dans un état de droit en paix, peut s’avérer redoutable en période de guerre ou quand le pouvoir tombe entre de mauvaises mains.

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