Votée le 09 juillet 2010 à l'unanimité par les députés, "l'ordonnance de protection" est une mesure permettant à la victime de violences au sein du couple de faire appel à un juge en vue de bénéficier en urgence de mesures de protection. Un an après, quel est le bilan de cette nouvelle loi ? Comment évoluent les violences contre les femmes ? Éléments de réponse avec Anne Joseleau, directrice de l'association Solidarité femmes 21, et Odile Legrand, juge aux affaires familiales du tribunal de Dijon...

Procédure d'urgence
En 2008, 157 femmes décédaient en France suite à des violences conjugales ; toutes les semaines, une femme succombe tous les deux jours et demi sous les coups de son mari (Consulter ici les chiffres de l'Insee)... Des chiffres alarmants que "l’ordonnance de protection" devait aider à faire reculer. Nouvelle mesure de protection des victimes de violences dans les couples entrée en vigueur le 1er octobre 2010, cette procédure permet de faire état de violences exercées soit au sein du couple, soit par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin. Elle doit permettre au juge de décider en urgence certaines mesures de protection de la victime (éviction de la personne violente, relogement de la victime en cas de départ du domicile, garde des enfants, etc).
Le juge aux affaires familiales rend sa décision après avoir entendu les membres du couple mais doit statuer dans les 24 heures. Il peut être saisi par la victime ou par le ministère public, avec l’accord de la victime. Les mesures liées à "l’ordonnance de protection" sont applicables durant quatre mois, avec possibilité de renouvellement en cas de dépôt par la victime d’une requête en divorce ou en séparation. Le fait pour une personne de ne pas se conformer aux obligations ou aux interdictions liées à l’ordonnance est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. A noter qu’une ordonnance de ce type peut également être délivrée par le juge à une personne majeure menacée de mariage forcé (En savoir plus ici ; consulter le texte de loi ici).
Sur le papier, il s'agit d'une avancée extraordinaire. Mais en pratique, tout se complique... Vendredi 22 juillet 2011, des associations relatives aux droits des femmes et deux juges aux affaires familiales se sont réunies au tribunal de Dijon pour faire le point. "Nous avons sollicité les juges dans le cadre de l'application de la loi ; nous voulions savoir quand et comment elle était utilisée, explique Anne Joseleau, directrice de Solidarité femmes en Côte-d'Or. Il s'avère que deux des quatre cabinets de juges aux affaires familiales existants au tribunal de Dijon n'ont utilisé qu'une seule fois cette ordonnance de protection". La Côte-d'Or aurait-elle un train de retard ? Il semblerait que le constat soit partout le même en France : depuis l'application de la mesure, seulement trois ou quatre femmes en ont bénéficié dans chaque département.
Une mesure "sans intérêt"...
"Les avocats sont-ils mal informés quant à cette procédure ?", s'interroge Odile Legrand, juge aux affaires familiales du tribunal de Dijon. "Pourtant, beaucoup sont spécialisés dans ce domaine ; je crois plutôt qu'eux-mêmes n'y voient pas d'intérêt. Il existe d'autres dispositions, d'autres procédures afin que des situations urgentes soient examinées rapidement, comme la procédure en référé. Personnellement, je pense que l'ordonnance de protection ne sert pas à grand-chose. Cette procédure est plus lourde, elle prévoit des formalités supplémentaires comme le fait d'être notifiée au procureur de la République. C'est une diligence de plus qui transforme une procédure civile en procédure pénale".
La juge aux affaires familiales reconnaît tout de même un plus à cette nouvelle mesure : "Si les enfants sont confiés à la mère, l'ordonnance de protection permet l'expulsion du concubin du domicile. Cela est nouveau dans le cadre des familles naturelles". Par ailleurs, Odile Legrand note que les juges aux affaires familiales sont "mal à l'aise" vis-à-vis de cette procédure qui les "oblige à présumer la culpabilité de l'auteur présumé"...
La "Grande cause" perdue ?
Ce texte ne serait réellement appliqué que dans la Seine-Saint-Denis, notamment grâce à un observatoire des violences faites aux femmes qui existait avant la loi. "C'est en effet le département-pilote en France car il s'agit du premier département de violences conjugales, précise Anne Joseleau. En 2010, vingt-quatre homicides dans le cadre de la violence conjugale y ont été comptabilisés". Dans ce département où cet observatoire est en place, "80 femmes ont ainsi pu être protégées de leur conjoint violent dans les quatre premiers mois de l’application de la loi", d'après Slate.fr (Lire ici l'article).
"Le gouvernement avait promis de créer de semblables observatoires dans d'autres départements mais aussi de créer un observatoire national, note Anne Joseleau. Or à ce jour, il n'en est toujours pas question. Cela fait cruellement défaut car il n'existe pas de vue d'ensemble des violences faites aux femmes en France. Il n'existe que l'étude nationale de la Délégation aux victimes du ministère de l'Intérieur mais les statistiques portent sur les décès uniquement. Et encore, les derniers chiffres remontent à 2009 (Consulter ici les chiffres)".
En Côte-d'Or, la présidente de Solidarité femmes note que 450 femmes consultent l'association chaque année. De leur côté, les services de police dénombraient 210 affaires de violences conjugales en 2010 sur la zone police de Côte-d'Or. Au premier semestre 2011, ils en comptent d'ores et déjà 118... Un chiffre qui révélerait "une meilleure prise en compte par les services de police, très sensibilisés sur le phénomène", selon le bureau de la communication.
Le 25 novembre 2009, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le Premier ministre, François Fillon, annonçait l’attribution du label "Grande cause nationale pour 2010" à un collectif de vingt-cinq associations de lutte contre les violences faites aux femmes. De cette "Grande cause nationale", Anne Joseleau retient la campagne de communication sur le numéro d'appel national, 3919. "Mais c'est tout ce qu'il y a eu... Et ce n'est pas suffisant".
cOntacts régionaux*
- Côte-d'Or
"Prévention : Le projet Violence et genre a vu le jour en septembre 2007 et se poursuit sur l'année 2008. Son objectif est de former/sensibiliser les adultes relais en charge d'enfants de 0 an à l'âge adulte à la prise en compte des violences entre filles et garçons, femmes et hommes dans leurs pratiques professionnelles. Ce projet initié par la Délégation départementale aux droits des femmes et à l'égalité réunit 5 associations locales : CEMEA, CIDFF, FETE, Le Pas (ADEFO), Solidarité-femmes. Au terme de son action, le projet aura permis de former/sensibilisé environ 200 acteurs-trices de la Côte à ces problématiques de violences.
Cette action est soutenue par le Cabinet de la Préfecture de Côte d'Or grâce au Fonds interministériel de Prévention de la Délinquance et par la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l'Egalité.
Un débat ouvert au public a été organisé dans ce cadre le 10 avril 2008 au Cemea avec deux intervenants, Jean François (Cemea) et Sybille Schweier (sociologue). 70 personnes sont venues débattre des problématiques de violences et de genre.
Depuis 1 ans et demi, Solidarité-femmes a constitué un groupe d'expression des enfants exposés aux violences conjugales. Une psychologue et un travailleur social se sont formés à cette prise en chage particulière.
Prise en charge : Suite aux travaux du Sous-groupe de travail Violences faites aux femmes et aide aux victimes réuni sous la présidence de M. le Directeur de Cabinet de la Préfecture, il a été décidé de mettre en place en Côte d'Or un protocole de prise en charge des victimes et des auteurs de violences conjugales et des enfants exposés à ces violences. Le comité de pilotage se compose de la Déléguée départementale, de Solidarité-femmes et d'Althéa.
Il existe actuellement deux groupes thérapeutiques pour les auteurs de violences conjugales. Actuellement Althéa travaille à la constitution d'un troisième groupe thérapeutique.
- Nièvre
Aide aux femmes en difficultés
2 rue Hanoteau - 58000 Nevers
Tel : 03 86 59 38 58
- Saône-et-Loire
La Délégation départementale et ses partenaires poursuivent l'action engagée dans le cadre de l'Observatoire des violences intrafamiliales à travers un bilan statistiques élaborés conjointement avec les CISPD.
Des groupes de paroles de femmes victimes de violences ont été mis en place dans deux villes de Saône-et-Loire, Mâcon et Chalon-sur-Saône, depuis octobre 2006. Ces groupes sont animés par des psychologues de l'AMAVIP.
Le travail sur la mise en place d'un Protocole départemental de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes se poursuit. Son objectif est de créer les partenariat indispensables au traitement global de la question des violences à un niveau institutionnel durable. Plusieurs groupes de travail ont été mis en place : accueil des femmes dans les services de sécurité publique (police, gendarmerie), le suivi des plaintes et la gestion des procédures judiciaires, accueil et hébergement en urgence et à moyen terme ainsi que l'accès au logement social, le repérage des situations de violences, le renforcement des partenariats entre les acteurs institutionnels, les professionnels et les associations du secteur médico-social, l'insertion professionnelle et l'accompagnement vers l'emploi, la promotion d'une éducation fondée sur le respect mutuel des 2 sexes et la prévention de comportements sexistes à l'école.
- Yonne
Dans l'Yonne, une association milite pour préserver le lien entre les grands-parents et les petits enfants en particulier si les enfants sont exposés aux violences conjugales : "Papi, mamie et moi, accès aux droits des grand-parents"."
* Informations transmises par la préfecture de Bourgogne.