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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 3 mars 2010

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Les Régionales, sans langue de bois : c'est possible ?...

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Coups bas, vieux dossiers, polémiques... Comme toute bonne élection, celles des Régionales 2010 est assortie de son lot de rebondissements mais reste assez creuse sur le fond. Pas de quoi relever le niveau ni intéresser les électeurs donc... C'est avec ce regard acéré sur la politique que Marie-Thérèse Mutin commente pour dijOnscOpe les élections en cours. Celle qui fut la première femme secrétaire d'une fédération socialiste (la Côte d'Or) en 1977, mais également conseillère régionale PS de 1986 à 1992 puis sur sa propre liste dissidente de 1998 à 2004, n'épargne personne : UMP, PS, partis dits minoritaires, Georges Frêche, Jean-Pierre Soisson...

Les médias sont nombreux à désigner ces élections régionales 2010 comme des "élections caniveau"... Est-ce mérité selon vous ?


"J'ai tendance à penser que ce n'est pas sans raison. Prenez l'affaire Georges Frêche* : il parle comme quelqu'un de raciste alors qu'il ne l'est absolument pas ! Mais ce n'est pas innocent ce qu'il a fait : il va tout simplement chercher les voix du Front national qui sont d'ailleurs nombreuses dans le Languedoc-Roussillon. Ce n'est franchement pas le rôle d'un élu d'agir ainsi mais c'est plus facile de faire appel au racisme que l'inverse... Dans le même esprit, l'UMP n'est pas en reste avec l'affaire Ali Soumaré* et le débat sur l'identité nationale. Quant à Vincent Peillon, dont la presse a l'air de dire qu'il est un grand philosophe, il joue sur le même terrain en allant rechercher un article datant de 1965, publié dans un journal (Le Petit Varois) qui n'existe sans doute même plus, relatant la condamnation* de Patrick Devedjian et Alain Madelin !


Mais qu'est-ce que cela veut dire d'aller fouiller dans le passé des gens comme ça ? La tactique de salir l'autre en politique, ça a toujours existé mais avec la médiatisation à outrance, on en est beaucoup plus informé aujourd'hui. Il y a véritablement un dévoiement des hommes politiques, qui est repris par les médias parce qu'ils n'ont rien de mieux à se mettre sous la dent : les candidats n'ont en effet pas de projets de société donc les journalistes trouvent d'autres sujets sur lesquels se pencher !

Serait-ce pour cela que le grand gagnant annoncé à ces élections est l'abstention ?


Je crois surtout que les électeurs ne connaissent pas leurs conseillers régionaux et qu'ils ne savent pas à quoi sert le président de région. En France, tous ceux qui sont élus au suffrage universel sur liste ne sont pas connus ; c'est pourquoi seuls les maires et le président de la République le sont. D'ailleurs, en ce qui concerne les maires, les gens votent davantage pour une personne que pour un parti. Du coup, ces derniers se croient les plus forts, les plus beaux : ils finissent par oublier de penser à leur successeur ou ils s'imaginent que personne n'est assez bien pour les remplacer. Et c'est ainsi que bien souvent, c'est l'opposition qui gagne quand ils s'en vont ! Mais pour en revenir aux régionales, je pense que les électeurs votent davantage pour un parti même si les têtes de liste des grands partis restent très importantes.

Dans quel état d'esprit part-on lorsqu'on est en campagne sur une petite liste ?
Lorsqu'on est en campagne, on perd son objectivité et on devient même euphorique. Dans ces moments-là, vous ne rencontrez bizarrement que des gens qui vous disent : "On va voter pour vous". Alors c'est facile de croire qu'on est le meilleur, sauf que ce n'est pas représentatif de la réalité. D'ailleurs, si on additionne tous les candidats qui espèrent faire plus de 10%, on n'est pas loin d'atteindre les 250%... C'est problématique! Bon, j'imagine que tous n'y croient pas dur comme fer. C'est sans doute pour montrer qu'ils ne sont pas là pour rigoler...


Lorsque j'ai présenté ma liste dissidente aux élections régionales de 1998, tout le monde disait que je ne ferai pas 5% mais j'y suis finalement arrivée. Je ne communiquais que sur trois thèmes et je faisais des envois ciblés de notre programme : par exemple sur la culture, je m'adressais aux théâtres, aux compagnies... Et ça a marché ! Les petites listes ont intérêt à faire comme moi si elles souhaitent atteindre les 5% qui autorisent le remboursement de la campagne... Pour la suite, soyons sérieux : l'élection va se réduire aux deux François (Sauvadet et Patriat).

En parlant de François... Le troisième, le sénateur-maire de Dijon, a annoncé qu'il partirait soutenir Georges Frêche en Languedoc Roussillon. Dans une interview accordée à dijOnscOpe mercredi 24 février 2010, François Patriat disait qu'il préfèrerait que François Rebsamen reste ici à le soutenir lui... Que faut-il en penser ?


Ce soutien de Rebsamen à Frêche n'a rien à voir avec la campagne actuelle : c'est clairement une préparation au prochain congrès du parti socialiste. Parce qu'il faut bien se rendre compte que la fédération de l'Hérault compte 14.000 militants quand la Côte d'Or en compte dix fois moins ! Il y a quelques régions comme ça qui font la pluie et le beau temps au PS : l'Hérault, les Bouches du Rhône, le Nord et le Pas-de-Calais. Dans ces régions, les élus qui en sont à la tête sont les barons du parti. Et en voyant ce qui arrive à Georges Frêche, certains d'entre eux se sont dits : "Quoi, on coupe la tête à un baron ?", et ils accourent le soutenir.

Existe-t-il une particularité aux élections régionales en Bourgogne ?


Pas vraiment... A part peut-être Jean-Pierre Soisson (président de la région de 1992 à 2004) ! En 1992, il s'était allié aux socialistes et en 1998 au Front national pour présider la région. On peut dire que les scrupules ne l'étouffent pas mais il s'en va alors... Plus sérieusement, je crois que c'est surtout notre territoire qui est particulier : les Nivernais sont tournés vers le centre, la Saône-et-Loire vers le Rhône et l'Yonne vers Paris. Il n'y a guère que la Côte d'Or qui se sente vraiment Bourguignonne : il existe tout de même un problème de cohésion dans notre région.

Un candidat aux élections régionales en Bourgogne m'affirmait l'autre jour que le parti socialiste et l'UMP se partageaient plus ou moins tacitement les élections en France... C'est de la paranoïa ou de la lucidité selon vous ?


C'est un peu vrai... Je crois parfois qu'il peut y avoir des accords, non pas au niveau des partis mais directement entre les candidats. Ces accords sont imperceptibles pour les militants de base... En tout cas, ce genre de rumeurs avait circulé au sujet de Roland Carraz (maire de Chenôve de 1977 à 1999) et de Robert Poujade (maire de Dijon de 1971 à 2001), qui ne se menaient pas franchement une guerre sans merci. On l'a dit, mais rien n'a jamais été prouvé bien entendu..."

* Affaire Georges Frêche : Suite à ses propos sur la "tronche pas catholique" de Laurent Fabius, Georges Frêche, président sortant de la région Languedoc-Roussillon, s'est vu exclu du parti socialiste. Il reste néanmoins grand favori pour sa réélection et reçoit le soutien de bon nombre de socialistes, notamment celui de François Rebsamen, sénateur-maire de Dijon.


* Affaire Ali Soumaré : Le 19 février 2010, deux maires UMP du Val-d'Oise, Francis Delattre et Sébastien Meurant, accusent Ali Soumaré, tête de liste du PS aux élections régionales dans ce département, d'être un "délinquant multirécidiviste". Le 23 février, l'avocat d'Ali Soumaré répond point par point aux accusations de l'UMP : le candidat a reconnu son implication seulement dans l'une des cinq affaires... Au Parti socialiste, Martine Aubry, Jean-Paul Huchon, Bertrand Delanoë ou encore Laurent Fabius ont manifesté leur soutien.


* Affaire Devedjian-Madelin : L'eurodéputé socialiste Vincent Peillon ressort en direct sur la chaîne d'informations LCI, jeudi 25 février 2010, un article du Petit Varois datant de 1965 et relatant la condamnation à des peines d'un an de prison avec sursis pour différents vols de deux jeunes... Alain Madelin et Patrick Devedjian. Ces derniers ont depuis contesté les faits.

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