
Depuis l’émoi suscité par le non renouvellement du logement d’un étudiant mauritanien par le Crous la semaine dernière, dijOnscOpe a voulu en savoir plus sur les conditions pour venir en France et les difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants étrangers. Plongée au sein du campus dijonnais…
Un parcours du combattant
Chacun le sait, l’administration française est d’une féroce complexité. L’étudiant étranger s’en rend compte très rapidement lorsqu’il souhaite venir étudier au pays des Lumières. Selon Vincent Corneloup avocat à Dijon, la première difficulté est d’ordre administrative et relève du casse tête : « pour venir étudier en France, il faut avoir un visa et donc être inscrit à l’université. Donc il faut des papiers et donc être inscrit à l’université... ».
Faisons le point, première étape : déposer un dossier et passer un test de langue. Cela engendre bien évidemment d’importants frais pour l’étudiant étranger. Yan, jeune étudiante chinoise en master de communication à Dijon témoigne de son parcours administratif : « d'abord on doit apprendre le français pour passer l'examen. Après l'examen, on attend un mois, puis il y a un entretien, ensuite une nouvelle attente d’un mois pour obtenir le visa. J’ai payé une agence pour m’aider à venir en France, plus les frais de l'entretien ,de l'examen, du visa, du billet d'avion, de tous les documents... bref c'est cher ».
Effectivement, le test de langue n’est pas suffisant : une fois que son dossier est accepté, l’étudiant doit s’inscrire à l’agence « Campus France ». Mise en place en 2007, son objectif officiel est de mieux organiser l’accueil des étrangers. Le candidat est soumis à un « entretien personnalisé d’évaluation » conduit par un expert de l’agence. Des résultats, dépend la délivrance du visa. Ils sont transférés de l’agence à l’Ambassade.
Qui l’eut Crous ? : se loger est encore un problème
Ouf ! Le jeune étudiant est arrivé en France, oui mais voila, les difficultés ne sont pas terminées : il lui faut trouver un logement. Et là encore, les choses se révèlent parfois d’une complexité redoutable. Olga, jeune biélorusse en master de commerce témoigne des difficultés rencontrées : « trouver un logement est ce qui a été le plus difficile. Pour avoir une aide financière de la banque je devais prouver que je pouvais payer le loyer. Heureusement, j’ai trouvé une solution : je garde des enfants en échange d’une chambre, sinon je ne sais pas comment j’aurais fait ».
Les boursiers et les étudiants ayant des conventions entre leur université et celle de France obtiennent facilement une chambre, mais si ces critères ne sont pas remplis, les choses se compliquent. Selon Réseau Université Sans Frontières 21 (Rusf 21) et la FSE : « l’étudiant non européen bénéficie d’une chambre uniquement s’il est en Master de deuxième année (soit en cinquième année) et s’il s’agit de sa première année en France, de plus il doit répondre à de nombreux critères. Un étudiant étranger qui se loge au Crous doit payer deux mois de loyer en liquide. En outre, l’université et la préfecture veulent une preuve papier (compte) pour être sûres qu’il peut payer ; l’étudiant français, lui, ne donne qu’un mois de caution ».Attention, donc à celui qui redoublerait ou voudrait changer de voie : le logement n’est pas renouvelé.
Pourquoi se loger ne rime-t-il pas avec égalité?
Pour quelles raisons le logement est-il si restreint dès lors qu’on vient d’un pays étranger non membre de l’union européenne ? Selon Jean-Louis Bigarnet, responsable du logement au Crous de Dijon : « il n’y a pas de place pour tout le monde ; le Crous loge déjà 30% d’étudiants étrangers : ceux en programme d’échange Erasmus, les boursiers du gouvernement français, ceux qui sont conventionnés et ceux en Master deuxième année et « primo entrant ». Ces critères sont un choix de l’université. Il faut faire tourner les chambres, c’est pourquoi ces étudiants ne peuvent rester qu’une année. » Pourtant, selon RUSF et la FSE, les logements vides seraient nombreux sur le campus.
Selon RUSF : « le Crous préfère éviter les locataires étrangers car il considère qu’ils sont mauvais payeurs et n’ont pas de cautionnaires. »
De difficultés en problèmes : le renouvellement du titre de séjour
Selon maitre Corneloup, le renouvellement du titre de séjour de l’étudiant demeure le problème le plus important : « parfois certains étudiants n’ont pas le niveau de langue suffisant, donc ils ne valident pas leur année. Du coup, la préfecture ne renouvelle pas leur titre de séjour en pointant du doigt le manque de sérieux de l’étudiant. Ce qu’on pardonne à un étudiant français, on ne le pardonne pas à un étranger. En cas de changement de filière par exemple on pointe la non cohérence du parcours ». Et ce renouvellement du titre de séjour, RUSF 21 est le témoin direct des difficultés pour l’obtenir : « pour avoir un renouvellement du titre de séjour, l’étudiant étranger doit avoir fait preuve d’assiduité, de sérieux et de réussite. S’il n’a pas réussi à ses examens dans les deux ans, il reçoit une obligation de quitter le territoire. »
Une obligation de quitter le territoire comme seul diplôme
Toujours selon le Réseau Universités Sans Frontières, les problèmes lors d’une demande de renouvellement, sont légions : l’étudiant peut attendre la réponse jusqu’à six mois. Durant ce temps là, il ne peut toucher les aides de la caf. Si sa demande de renouvellement est refusée, il doit quitter le territoire dans le mois. Selon Vincent Corneloup, ces obligations de quitter le territoire français ne sont pas le fruit du hasard : « les préfectures doivent faire des chiffres. On a parfois la sensation que les préfectures regardent du coté des étudiants...». Tout cela, a pour effet immédiat de baisser le nombre de candidats voulant étudier en France :
« C’est si compliqué de venir en France que beaucoup vont dans d’autres pays pour étudier. » Dernier point soulevé par maitre Vincent Corneloup : le souhait de certains diplômés de rester travailler en France : « cela leur est très difficile. Ils peuvent en principe rester six ou neuf mois mais la procédure est très compliquée. Certains pensent que la France est un eldorado mais lorsqu’ils veulent travailler, on leur dit que c’est impossible. Le droit fait tout pour les contraindre ».
