
Chacun peut se souvenir de l'affaire dite du "zizi coupé", qui avait particulièrement été médiatisée au printemps dernier. L'histoire de cet instituteur qui avait lancé, sur le ton de la plaisanterie mais en pointant son cutter, "Je coupe tout ce qui dépasse" à l'un de ses élèves un peu exhibitionniste dans sa classe à Liernais (Côte d'Or). Condamné à une amende de 500 euros avec sursis en première instance, Jean-Paul Laligant avait aussitôt décidé de faire appel, rejetant la déclaration de culpabilité. Devant la cour d'appel de Dijon ce vendredi 27 novembre, l'avocat général a cette fois-ci requis 1 000 euros d'amende dont 500 euros avec sursis.
Des amis venus nombreux
"Deux femmes par semaine se font violées par un supérieur hiérarchique dans l'Éducation nationale", pouvait-on lire au recto d'un tract distribué par un "citoyen" venu soutenir Jean-Paul Laligant. Sur le verso était inscrit : "Et c'est un homme intègre que l'on juge aujourd'hui". Comme lui, une soixantaine de personnes ont fait le déplacement à la Cour d'appel de Dijon ce vendredi : des élus du canton de Liernais, des professeurs, des représentants syndicaux... Certains faisant partie du "Comité de soutien à Jean-Paul" présidé par l'un de ses vieux amis, Pascal Matter dit Gaspard : "Ce comité, c'est pour ne pas le laisser tomber, ne pas le laisser tout seul à ruminer dans son coin. Parce qu'au début, on a quand même eu peur d'un geste désespéré...".
Et le parquet double la mise...
Il faut dire que l'affaire est terrible pour cet instituteur de 53 ans, dont 32 ans de métier, qui est suspendu depuis un an maintenant. "Une espèce de deal entre les syndicats et l'inspection académique permet de maintenir son salaire jusqu'au jugement", indique son avocate, Me Dominique Clémang. De même, Jean-Paul Laligant n'a fait l'objet d'aucune poursuite disciplinaire en interne... Néanmoins, pas question de le soutenir officiellement pour l'Éducation nationale, qui avance l'argument de la faute professionnelle pour pouvoir "faire l'autruche", explique Gaspard.
Mais pour le professeur, l'essentiel est sans doute cette cour d'appel pleine à craquer de personnes venues lui apporter leur soutien. Bien entendu, tout le monde n'a pas pu entrer et il leur a donc fallu attendre plusieurs heures debout dans le froid la fin de l'audience. Vers 16 heures, Jean-Paul Laligant en ressortait enfin : l'avocat général, Michel Ezingeard, venait de demander 1000 euros d'amende, dont 500 euros avec sursis. Autrement dit, c'est encore pire qu'en première instance au tribunal correctionnel...
Quelle limite à la pénalisation des rapports sociaux ?
Poursuivi par le parquet pour violence volontaire sur mineur, une infraction qui exige qu'il y ait eu parole ou geste de nature à impressionner et que la victime ait ressenti un choc psychologique, l'avocate de Jean-Paul Laligant affirme que l'enfant n'a pourtant pas été traumatisé par son professeur : "Les faits du dossier le révèlent. Interrogé par les gendarmes, l'enfant a dit "Je n'ai pas eu peur". Même les parents l'ont confirmé et ont rapidement enlevé leur plainte. Et puis cette phrase, c'est comme de dire "je vais te couper la langue si tu continues à parler". L'instituteur l'a fait dans cet esprit. C'est sûr que ces paroles ne sont pas de haute teneur pédagogique, mais jusqu'où va s'arrêter la pénalisation des rapports sociaux. Si ce genre d'affaire arrive au tribunal correctionnel, on va siéger tous les jours !".
Et puis comme Dominique Clémang le fait remarquer, "l'audition par les gendarmes et les poursuites auront sans doute été bien plus violentes pour l'enfant". L'avocat général, lui, a retourné la situation : et si c'était un enfant qui avait menacé un professeur avec un cutter, que dirait-on ? "Cela n'a rien à voir avec la situation", avance Me Clémang. Quant à l'amende requise, il s'agirait d'une provocation du parquet selon l'avocate, "pour justifier les poursuites".
La cour a mis son arrêt en délibéré au 17 décembre. L'ultime chance pour Jean-Paul Laligant d'être reconnu innocent et pouvoir retrouver ses élèves, qui continuent de lui écrire régulièrement, même le petit garçon soit disant très traumatisé. "Je sais pas si je pourrai être réintégré le 18 décembre, a réfléchi l'instituteur. Parce que c'est le jour des vacances de Noël".
