
Visiblement, l'ambassadeur d'Israël en France a l'habitude de la confrontation, voire de l'hostilité d'une partie de l'opinion. Pourtant, il montre le visage d'un homme d'ouverture et de dialogue, avec la volonté de présenter son pays sous un autre jour, prenant quelques distances avec l'éternel problématique du conflit israélo-palestinien. Cette fois, lundi 30 novembre, c'est sur un terrain conquis d'avance qu'il est venu à Dijon lors des "Journées Israël Autrement". Au delà de notre échange avec le diplomate sur les rapports entre Etat Hébreu et pouvoir, presse et opinion publique en France, c'est surtout l'actualité de ce même jour, entre les nouvelles menaces exprimées par Téhéran et l'ouverture du procès Demjanjuk (accusé d'être le "bourreau de Sobibor"), qui a rythmé cet entretien...
Pas de "désinformation", mais plutôt une "malinformation"
dijOnscOpe : "Avez-vous quelque chose à cacher à propos du conflit israélo-palestinien, dont vous avez fort peu parlé ce soir ?
Daniel Shek : Je n'ai rien à cacher : je passe 90% de mon temps à en parler. Mais le conflit est tellement couvert par les médias que je préfère montrer d'autres aspects : Israël, c'est aussi l'histoire d'un peuple qui retrouve son indépendance après une si longue dispersion dans le monde entier. Journalistes, soyez honnêtes, montrez la réalité de cette société. Je ne pense cependant pas qu'Israël soit victime de "désinformation", mais plutôt de "malinformation" : ce n'est pas une réelle malveillance mais plutôt des raccourcis. Notre pire ennemi est souvent l'ignorance mais je crois que la même injustice est faite à la société palestinienne, tout aussi stéréotypée dans les médias...
"Je m'efforce de rester à l'écoute"
dijOnscOpe : Il y a quelques jours à Dijon, lors du Colloque sur l'Europe et la Méditerranée organisé au Conseil Régional, les propos du Consul d'Israël suscitaient peu de réactions, quand ceux, parfois véhéments, du représentant de l'autorité Palestienne, soulevaient à chaque fois de nombreux applaudissements. Comment expliquez-vous cela ?
Daniel Shek : Je ne sais pas si je peux l'expliquer. Je ne pense pas que cela soit représentatif de l'ensemble de la société française. Je me retrouve souvent devant des publics qui ne sont pas des plus amicaux mais je m'efforce de rester à l'écoute. J'espère qu'aujourd'hui le public aura retenu ce message de compréhension et de tolérance. Au delà du soutien que les Français apportent aux efforts de paix, je souhaite qu'ils jettent un autre regard sur Israël, peut-être par un angle différent de celui du conflit...
24 heures après l'annonce par Téhéran d'un projet de construction de 10 nouveaux centres d'enrichissement d'uranium, quel est la réponse d'Israël ?
Daniel Shek : La nucléarisation de l'Iran n'est pas le problème d'Israël mais bien celui du monde entier. Le Président Sarkozy estime lui-même que c'est l'enjeu numéro 1 qui se présente à la communauté internationale. Je rejoins ce constat. J'approuve également le choix initial du Président Obama de tenter de renouer des liens diplomatiques avec l'Iran. Sa politique de la "main tendue" était un préalable indispensable. Mais désormais, le dialogue avec l'Iran n'apportera rien, je crois : ce projet de 10 nouveaux centres d'enrichissement d'uranium est même la pire provocation qui pouvait être faite. Seules de réelles sanctions économiques, politiques, militaires, auront un effet...
"Je pense que John Demjanjuk est bien un criminel nazi"
dijOnscOpe : John Demjanjuk, 89 ans, d'origine ukrainienne, est soupçonné d'avoir été gardien dans le camp nazi de Sobibor, en Pologne. Extradé des Etats-Unis vers l'Allemagne, il est jugé depuis aujourd'hui (lundi 30 novembre) par la justice allemande, à Munich, pour complicité dans la mort de 27 900 juifs. Trouvez-vous légitime que ce procès ait lieu en Allemagne ?
Daniel Shek : Je rappelle que John Demjanjuk a déjà été jugé en Israël ! Il a été condamné à mort en 1988 à Jerusalem pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au camp d'extermination de Treblinka (Pologne). Il avait finalement été acquitté en 1993 par la Cour suprême israélienne en raison d'une erreur sur son identité. Aujourd'hui, il est jugé pour autre chose. Je pense qu'il n'est pas trop tard pour faire justice. Je souhaite bonne chance à la Justice allemande. Pour ma part, je pense qu'il s'agit bien d'un criminel nazi.
Votre regard sur les rapport Israël / France / USA depuis l'arrivée de MM. Sarkozy et Obama ?
Daniel Shek : Les USA restent l'allié privilégié d'Israël : la proximité historique entre nos 2 pays n'est pas simplement le caprice d'un seul homme politique. Fondamentalement, je ne vois pas de changement dans cette politique de la part d'Obama. Il est plus attaché à Israël que le plus bienveillant des dirigeants européens. Quant à Nicolas Sarkozy, je suis heureux de voir qu'il a permis au dialogue politique de retrouver la qualité et l'intimité des années 50 et 60... Les Français s'intéressent de plus en plus à notre pays et notre région, et c'est aussi mon rôle de favoriser cette ouverture et cette compréhension mutuelle..."
