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Dijon / Bourgogne

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Billet de blog 4 décembre 2009

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Le "off" & le journaliste : Tout ceci reste entre nous...

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La récente mise en examen d'un technicien de France 3 dans l'enquête sur la diffusion en ligne de propos tenus hors antenne par Nicolas Sarkozy relance la question du "off", ces informations qu'un politique, une célébrité ou un décideur peut choisir de confier à un journaliste, caméra et micro éteints, ou en marge d'une interview ("ne l'écrivez pas, tout ceci reste entre nous"). Le "off" cultive le fantasme populaire de journalistes dans le "secret des Dieux", parfois même la "théorie du Complot". Mais les journalistes savent-ils toujours garder ces secrets ? Ne deviennent-ils pas, malgré eux, les complices - ou du moins les obligés - de leurs "confidents"? Des journalistes dijonnais nous donnent leur sentiment...

Confidence pour confidence...


"Je n'en parlerai qu'à vous"... Incontestablement, faire une confidence permet de gagner l'intérêt de celui qui la recueille. Et si les journalistes ont besoin des politiques, l'inverse est aussi vrai! Daniel Taïeb, de Radio Shalom Dijon, nous le confie : "Récemment, un ministre m'a pris par le bras pour me livrer une confidence ; au delà de mon intérêt pour cette information, j'ai ressenti combien ce geste pouvait être flatteur, mais j'ai aussi mesuré à quel point il était crucial de garder distance et objectivité". Hanaë Grimal, de Dijonscope, le confirme : "Seuls les politiques pratiquent le "off" : est-ce de la manipulation, ou une façon de tenter de nous mettre dans leur poche?" Elle va plus loin : "Le off peut rendre le journaliste complice, y compris sur des questions importantes : dans certaines circonstances, garder le silence peut poser un cas de conscience".

Le "secret des Dieux"


Daniel Taïeb veut croire, parfois, en une certaine sincérité : "Il est possible, dans un climat de confiance, qu'un politique ressente le besoin de se confier". Ce rôle de confident, cette proximité entre médias et pouvoir, est la source de nombreux fantasmes. Hanaë Grimal juge ainsi que "cette estime mêlée de méfiance à l'égard des journalistes, est dûe au fait que le public nous voit tous dans le secret des Dieux". Cependant, Cyril Villemin, de Dijon Beaune Mag, voit surtout dans le "off" un "jeu de dupes, que tout le monde pratique sciemment". Selon lui, "si un politique ne veut pas révéler quelque chose, il reste silencieux". Ainsi le "faux off" est une façon pour le politique, selon Cyril Villemin, de "montrer qu'il est dans la danse, qu'il maîtrise le fond d'une affaire, ce qui transpirera sur le papier, même si on ne le retranscrira pas directement". Florence Donjon, de VOO TV, remarque que "la source a généralement intérêt à nous donner cette info. Mais dans le cas du "off", il faudra être encore plus prudent, vérifier encore davantage ces allégations...".



"On était à l'école ensemble, il m'a toujours méprisé"


Savoir lire entre les lignes... Parfois, certaines déclarations "off" apportent un éclairage sur une situation floue, tel un antagonisme politique, un conflit apparemment dénué de fondement. Ainsi Lodoïs Gravel, de France 3 Bourgogne, ne voit pas le "off" comme une information secrète, cachée, mais comme une source également exploitable, permettant de comprendre une situation complexe : "Cela a parfois pu me permettre d'identifier des conflits de personnes. Sans m'autoriser à rapporter ces propos, j'en tire toutefois une explication, un recul, qui me permettra ensuite d'affiner mon propos". Pour sa part, Hanaë Grimal accepte la règle du jeu, mais ne perd pas de vue sa mission : "Je ne répète pas, mais ça me donne des pistes. J'établis des liens afin de les exploiter plus tard".

Informer, avant tout


Si Florence Donjon insiste sur la "relation de confiance" qui doit exister entre le journaliste et son interlocuteur, elle préfère considérer le "off" au "cas par cas" : il convient pour elle de "distinguer la simple remarque personnelle de la véritable information à valeur ajoutée. Dans un système concurrentiel, ce qui prime c'est l'info : il faut évaluer les conséquences d'une éventuelle divulgation, en fonction de la personnalité du politique et de la qualité de l'info, même si le respect du "off" est quand même la règle". Pour sa part, Sabine Torres, rédactrice en chef de Dijonscope, revient sur les exigences du métier de journaliste : "Je n'aurais jamais diffusé les images de Brice Hortefeux par exemple. Cette phrase volée ne reflète aucun travail journalistique, aucune analyse de fond, et n'apporte que polémique et confusion".

L'ère de la communication permanente


Finalement, ce principe du "off" n'appartient-il pas déjà au passé? A l'heure où la communication prime souvent sur le fond, la spontaneité existe t-elle encore? Lodoïs Gravel estime que les politiques pratiqueront le "off" de moins en moins, d'autant plus que la confiance qui s'y attache a parfois été trahie : "Il y a une évolution, notamment depuis le duel Sarkozy-Royal : Ségolène Royal, quel que soit le contexte, est toujours "in". Le discours formaté continue hors caméra, car les grands politiques savent qu'ils sont toujours observés". De même, Nicolas Sarkozy se place dans une posture de communication permanente, qu'il s'adresse à un journaliste sur un plateau, ou à un agriculteur lors d'une visite en province... Caméra allumée, ou caméra éteinte...

Proximité = complicité?


En matière de confidentialité, Cyril Villemin distingue presse locale et presse nationale : "En local, on ne peut pas se permettre de divulguer une info "off" car on a régulièrement affaire aux mêmes interlocuteurs, qui n'oubliraient pas cette petite trahison. En revanche, un journaliste national pourra faire le choix de "griller sa cartouche" et sortir le scoop". Cyril Villemin revient sur l'expérience des journées qu'il a récemment partagées avec François Rebsamen : "Dans ce contexte privilégié, j'ai pu recueillir des propos plus libres, car on finit toujours par lâcher quelques infos. Mais je les garde pour moi car je ne veux pas qu'il me ferme sa porte, même si c'est parfois frustrant".

Le "off" à l'épreuve de l'alcool


Dans cette confrontation permanente entre presse et monde politique, le "filtre de vérité" pourrait parfois jouer son rôle de révélateur. Pourtant, Thierry, ancien journaliste sur une radio dijonnaise, revient sur le cas du Maire d'une petite ville de Côte d'Or, "connu pour son goût pour les breuvages à base de raisin : quand il partageait un repas avec quelques journalistes, nous savions pertinemment que, passés une certaine heure et surtout un taux critique d'alcoolémie, il devenait alors très prodigue : mais personne n'en a jamais tiré profit, car nous connaissions sa faiblesse, et pratiquions une sorte d'autocensure tacite...".

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