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Billet de blog 5 janvier 2010

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Vigiles ou voleurs : qui est la victime?

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La semaine dernière, un jeune SDF vole quelques bières dans un rayon du Carrefour du centre commercial la Part Dieu à Lyon. Il se fait repérer puis emmener à l'abri des regards par quatre vigiles du magasin. Jusque là, rien de bien extraordinaire. Mais ensuite, des coups lui sont portés au visage avant qu'il ne se fasse écraser par le poids des agents de sécurité durant plusieurs minutes, ce qui provoque sa mort. C'est une bavure, dans la plus tragique de ses formes. Conclusion : les vigiles seraient-ils de grosses brutes qui ont le poing qui les démange ? Pas sûr, répondent Éric Biro, secrétaire de la fédération des métiers de la prévention et de la sécurité au syndicat Unsa, et François Perron, directeur du secteur France-Nord chez Onet Sécurité...

La loi et l'ordre


"Auriez-vous omis de payer un article?". Voilà ce que les vigiles sont supposés lancer à un éventuel chapardeur. "Non, pas vigile. Je préfère le terme d'agent de sécurité, c'est moins péjoratif", précise François Perron, directeur du secteur France-Nord chez Onet Sécurité. Vigile ou agent de sécurité, quoi qu'il en soit, leur mission est unique : minimiser les vols dans les magasins et autres grandes surfaces. Pour ce faire, ont-ils tous les droits ? La réponse est sans appel : c'est non. Ni policier ni gendarme, ils ne peuvent intervenir que selon les termes de l'article 73 du code de procédure pénal, comme n'importe quel citoyen : "Dans le cas d’un crime ou d’un délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche".


Autrement dit, la fouille au corps ou simplement dans un sac leur est strictement interdite, le port d'arme également. Mais si le voleur est toujours dans le magasin, ils peuvent tout de même l'interpeller et l'emmener dans un local pour lui demander de donner son identité, sachant qu'ils ne peuvent juridiquement le contraindre s'il ne le veut pas. "Les agents peuvent également interpeller la personne sur le parking du magasin, qui est sa propriété. Par exemple à la Toison d'Or, ils ne peuvent rien faire dans la galerie marchande mais sur le parking oui. En tout cas, il arrive assez fréquemment que la personne reconnaisse avoir volé, règle son dû et s'en aille", affirme François Perron. Mais d'autres fois, les choses ne se passent pas aussi bien...

Un métier à la dérive...


Des dérives dans ce type de situation, il s'en passe tous les jours. "Parfois, ces incidents sortent dans la presse mais pas toujours, remarque Éric Biro, secrétaire de la fédération des métiers de la prévention et de la sécurité au syndicat Unsa. En tout cas, ce n'est pas la première fois qu'un drame pareil se produit. Je me souviens par exemple qu'il y a un an environ, un agent avait sorti son couteau et avait poignardé quelqu'un en région parisienne... Le plus délicat à gérer, ce sont pour les agents dits d'arrière-caisse, postés là où ça bippe". Pour éviter les dérives, les agents doivent pourtant suivre une formation de 105 heures depuis le 1er janvier 2009. Ils y apprennent les notions de base sur l'incendie, celles sur la sécurité des biens et des personnes mais aussi la réglementation juridique. En outre, n'est pas vigile qui veut : il faut en effet se voir délivrer un agrément ministériel, pour lequel une enquête de moralité est effectuée, afin d'obtenir une carte professionnelle et donc exercer.


"Sauf que les agents sont très mal formés sur la gestion de conflit et que la réglementation n'est pas respectée. Selon moi, après m'être baladé dans différents magasins, je pense même que la plupart d'entre eux n'a pas reçu la formation obligatoire. On leur dit ": Toi, le grand costaud ! Tu te mets là", sans les former au préalable. Ils sont négligés par leurs employeurs qui vont même jusqu'à leur demander de faire de la maintenance, de coller des affiches et même de faire du ménage, ce qui est pourtant interdit", explique Éric Biro. Et d'ajouter : "Le revenu mensuel est de 1200 euros net en moyenne. Ce n'est franchement pas énorme et cela fait deux ans qu'il n'y a eu aucune augmentation de salaire". De quoi expliquer les nombreux "turn-over" des vigiles indiqués par François Perron, qui souligne que la retraite d'un agent de sécurité se fait généralement vers 35 ans : "Après, ils se reconvertissent dans la sécurité de l'industrie ou celle de l'administration".

Tout sauf des cow-boys ?


Bref, le métier n'a pas de quoi faire rêver. D'autant plus que les agressions, insultes ou physiques, sont quotidiennes. "Le mot d'ordre est de ne pas répondre à l'affront mais de rester poli, précise François Perron. Il faut se faire respecter tout en n'étant pas agressif. C'est pour cela que l'on embauche des hommes calmes, posés mais qui n'ont pas peur de voir débarquer une bande de trente mecs dans le magasin. Parce que c'est exactement ce qu'il se passe, plus ou moins selon les régions. Je me souviens même qu'un agent s'était fait tirer dessus au fusil à pompe il y a quelques années... En tout cas, pour que cela ne dégénère pas, on fait en sorte de ne pas embaucher de nerveux. Sinon, ils risqueraient de distribuer des coups de poing à longueur de journée...".

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