
"Déchoir de leur nationalité française les délinquants multi-récidivistes nés en France de parents étrangers": voilà ce qu'a affirmé le chef de l'État vendredi 30 juillet 2010 (Lire MédiaPart ici). Et le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, de renchérir en suggérant d'"étendre les possibilités de déchéance de nationalité aux cas d'excisions, de traites d'humains ou d'actes de délinquance grave"*. Outre diverses associations de défense des droits humains et le Parti socialiste, dénonçant "une dérive droitière anti-républicaine et anticonstitutionnelle", des voix discrètes mais dissonantes commencent à s'élever au sein même de la majorité. Qu'en est-il chez nos élus de droite de Côte-d'Or?...
La France tu l'aimes où elle te quitte!
Suite aux violentes émeutes urbaines survenues dans le quartier de la Villeuneuve à Grenoble, après la mort du braqueur Karim Boudouda, abattu par la police le 16 juillet 2010, les mesures de l'État étaient attendues de pied ferme. Et il faut bien l'avouer, les annonces sécuritaires du président de la République, Nicolas Sarkozy, le 30 juillet à Grenoble ne sont pas passées inaperçues, encore moins au sein de sa majorité.
Déchoir de leur nationalité française les délinquants multi-récidivistes nés en France de parents étrangers ? Est-ce l'arme de "persuasion massive" face à des groupes de "jeunes cagoulés, armés de battes de base-ball, de barres de fer et d'armes à feu" exprimant leur haine à la police dépêchée sur place : "Vous avez tué un des nôtres. De toutes les manières, vous êtes une sale race, on va vous tuer aussi. Tout ce qui est Européen, on va tirer dessus", c'est ce qu'assure avoir entendu de la bouche même de ces jeunes, un policier déployé sur place lors ces émeutes aux allures de guérilla urbaine (Lire ici l'article publié le 17 juillet 2010 sur TF1.fr). Réactions de trois élus locaux de la majorité...
Une mesure d'exception ?
* Joël Abbey, UMP, maire de Pontailler-sur-Saône, vice-président du Conseil général de Côte-d'Or :
"D'une manière générale, les gens qui vivent en France et qui ont en plus la nationalité française doivent respecter les lois en vigueur. S'ils ne les respectent pas, il est normal de sanctionner. Toutefois, tout dépend quel projet de loi sera présenté, dans quelles conditions, ce ne peut pas être quelque chose de systématique, ça ne pourra toujours être qu'une mesure d'exception. Cela existe déjà, nous devons en discuter au parlement et je pense que Nicolas Sarkozy a voulu le réaffirmer haut et fort du fait des événements qui se sont déroulés à Grenoble. J'attends de voir les textes.
Sur la volonté du ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, de prononcer des déchéances de la nationalité, notamment en cas d'excision, je trouve que l'on va un peu loin. On ne peut pas décréter que toutes les personnes qui excisent leurs enfants soient déchues de leur nationalité. Je suis médecin, bien entendu que je suis contre, que c'est de la barbarie mais la solution, sur ce sujet en particulier, n'est pas de déchoir la nationalité du responsable. Il y a d'autres moyens d'agir. La réponse efficace contre cette pratique qui, malheureusement, est liée à des facteurs culturels chez certains, n'est pas celle-ci."
"Pas de Français à 2 vitesses !"
* Franck Ayache, sans étiquette, conseiller municipal Initiatives Dijon :
"Concernant l'attribution de la nationalité, ça ne me choque pas particulièrement pour un délinquant et un surtout, délinquant récidiviste, que l'on puisse durcir un peu son octroi ou envisager une période de probation pour l'obtention de sa nationalité française. Cependant, pour les Français d'origine étrangère qui seraient délinquants et que l'on pourrait déchoir de leur nationalité, je ne suis pas du tout d'accord : Soit on est Français, soit on ne l'est pas et si on est Français, il n'y a pas de Français à deux vitesses ! Que l'on soit Français depuis six mois, un an ou cinquante ans, je ne vois pas la différence ! A partir du moment où l'on a acquit la nationalité française et quelque soit depuis combien de temps on l'a : nous avons tous les mêmes droits. Pour moi, cela ne fait aucun doute. Que l'on durcisse l'obtention de la nationalité française pour des personnes qui n'ont pas eu un comportement correct, je ne dirais pas exemplaire mais tout de même douteux, cela ne me choque pas. Cela me paraît logique. Je veux bien que l'on soit un pays hospitalier mais il y a tout de même des limites dans cette hospitalité.
Toute obtention de la nationalité qui se serait faite dans le mensonge ou la non-transparence, si c'est quelque chose qui a été caché délibérément et qui a permis de l'acquérir, il est normal de pouvoir revenir dessus, c'est du droit tout simplement. Maintenant, si cette personne était française, qu'elle est devenue polygame, elle a donc commis un délit, c'est logique qu'elle soit jugée, au même titre qu'un vol par exemple. C'est la loi, si on n'est pas d'accord, on la modifie ou on milite pour la changer mais pour l'instant elle est ainsi. Nous sommes dans un pays d'égalité entre les hommes et les femmes. Il faut tout de même faire respecter les fondements républicains, par contre, quand on est Français, on est Français !"
"Il faut sortir du contexte dijonno-dijonnais !"
* Catherine Vandriesse, UMP, conseillère régionale (Côte-d'Or) de Bourgogne et conseillère municipale de Dijon :
"C'est une annonce, ce n'est pas un projet de loi. Elle intervient dans le contexte particulier des événements survenus à Grenoble. Il faut vraiment avoir une approche qui ne soit pas purement dijonno-dijonnaise. Les difficultés, en terme de délinquance existent sur l'ensemble du territoire et elles sont très variables, selon les régions. Ce sont de vrais problèmes de fonds réellement difficiles dans certaine territoires, moins dans les nôtres. Il faut bien rappeler que tout le monde a des droits et des devoirs. La déchéance de la nationalité existe déjà dans le droit français, elle a même été renforcée par un décret en 1998 d'Elisabeth Guigou** (Lire ici la loi Guigou n°98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité). Les choses sont très claires et très factuelles même si elles concernent des faits particuliers comme le terrorisme. Depuis, les gouvernements de droite comme de gauche n'ont jamais remis en cause cela, personne n'en a contesté la constitutionnalité. S'il s'avérait que c'est un texte anticonstitutionnel, dans ce cas le Conseil constitutionnel va délibérer."
** Lire ici l'interview d'Elisabeth Guigou, Garde des sceaux en 1998, à l'origine de la loi relative à la nationalité. Dans un article mis en ligne le 03 août 2010 sur l'édition numérique de Libération, la député de Seine-Saint-Denis fait une mise au point sur son contenu...
