
Qui, de François Rebsamen ou Alain Houpert, a dégainé l'expression le premier ? Quoi qu'il en soit, la fronde contre la suppression de la taxe professionnelle annoncée par Nicolas Sarkozy a dépassé le cadre de l'opposition pour "contaminer" les sénateurs UMP et nombre d'élus dijonnais de la majorité. Ainsi 24 sénateurs ont signé le texte de Jean-Pierre Raffarin expliquant pourquoi ils ne voteraient pas la réforme. Parmi eux, Alain Houpert souhaite voir quelles seront les nouvelles compétences des collectivités territoriales et donc leur coût, avant de modifier leur financement. François Rebsamen va plus loin encore, en avançant la somme de 11,7 milliards d'euros, que les ménages devraient payer à la place des entreprises pour financer les collectivités locales. Dans ce concert plutôt harmonieux, seules les organisations patronales sont plutôt favorables au principe de cette suppression. Quoique...
François Rebsamen : "on ignore comment substituer ces sommes, notamment pour le Grand Dijon"
Le Sénateur-Maire socialiste de Dijon précise qu'il ne faut pas "mettre la charrue avant les bœufs", en menant la réforme des finances avant celle des compétences (la réforme des collectivités territoriales devant être discutée ultérieurement au Parlement) : "comme on ne connaît pas encore les futures compétences des collectivités locales, il est impossible de déterminer quels en seront les coûts et quelles sources de financement seront nécessaires". Par ailleurs, François Rebsamen demande une simulation budgétaire : "on sait que l'Etat s'est engagé à compenser le manque à gagner mais on ignore comment on va substituer ces sommes au niveau de toutes les collectivités locales, y compris à la Communauté d'Agglomération du Grand Dijon. Ce problème de lisibilité est grave, surtout en cette période où la relance doit être au centre de nos objectifs".
Supprimer la taxe professionnelle en fonction des activités
Avançant la somme de 11,7 milliards d'euros que les ménages pourraient, selon lui, devoir payer à la place des entreprises pour financer les collectivités locales, François Rebsamen préconise plutôt le principe d'une suppression au "cas par cas" de la taxe professionnelle, s'estimant favorable à "une exonération pour les entreprises industrielles et concurrentielles, notamment dans les secteurs économiques en concurrence avec une production étrangère". En revanche, il juge illégitime une suppression de la taxe professionnelle en faveur d'entreprises de services, de banques ou de la grande distribution.
Nicolas Sarkozy "autiste" ?
Si François Rebsamen juge que Nicolas Sarkozy est "arc-bouté sur sa position" (le Président déclarait le 20 octobre qu'il ne "céderait pas"), peut-être "parce qu'il ne connaît pas les collectivités locales de France", le Sénateur-Maire de Dijon espère néanmoins que le Sénat arrivera à faire entendre raison au Chef de l'Etat malgré l'"autisme" de ce dernier. Enfin, François Rebsamen s'estime "satisfait d'être rejoint par 5 anciens premiers ministres, dont 3 issus de la majorité (Jean Pierre Raffarin, Edouard Balladur, Alain Juppé), et par un sénateur UMP de Côte d'Or (Alain Houpert) dans ce combat mené par l'opposition".
Alain Houpert : "Pas de populisme territorial"
Le Sénateur (apparenté UMP) de Côte-d'Or répond qu'il n'a "pas attendu les réactions de l'opposition pour défendre les collectivités locales". Alain Houpert insiste sur le rajeunissement actuel du Sénat et sur le poids plus important que la Constitution a donné à la Chambre Haute, "qui désormais travaille d'égale à égale avec l'Assemblée Nationale". Il exclut le principe d'un "renvoi d'ascenseur" aux élus locaux qui constituent l'essentiel des "grands électeurs" du Sénat : "on ne fait pas de populisme territorial".
D'abord la réforme des collectivités territoriales
Si Alain Houpert ne s'oppose pas au principe de la réforme ("un état qui ne se réforme pas stagne, recule"), lui aussi souhaite d'abord voir la mise en place de la réforme des collectivités territoriales : "cantons et départements ont été dessinés à la Révolution, à une époque où l'on se déplaçait à cheval". Rappelant que la taxe professionnelle représente 40% du financement des collectivités territoriales (qui elles-mêmes sont le plus grand donneur d'ordres du secteur du bâtiment et des travaux publics), le Sénateur estime qu'il faut être prudent : "on veut des simulations pour vérifier que les collectivités territoriales ne seront pas impactées". Alain Houpert refuse par ailleurs le principe d'un impôt supplémentaire pour les ménages, remplaçant la taxe professionnelle.
"On est mieux aidé par son prochain que par son lointain"
Alain Houpert, maire de Salives, rappelle son attachement aux collectivités locales et à la ruralité : "il y a des communes riches et des communes pauvres, et une véritable politique d'aménagement du territoire est à faire : il faut relocaliser l'économie sur les territoires". Il précise que "la taxe professionnelle avait aussi été créée pour doter les collectivités territoriales d'infrastructures notamment destinées aux entreprises". Enfin, sur le fond, le Sénateur juge que "plutôt que la taxe professionnelle, c'est avant tout le coût du travail qui rend la France peu compétitive".
CJD Gontran Lejeune : "une des plus grosses arnaques..."
Pour faire écho à Alain Houpert, Gontran Lejeune, Président du Centre des Jeunes Dirigeants d'entreprise (CJD), s'inquiète de la fiscalité sur la masse salariale : "nous avons toujours milité pour une simplification administrative mais là, il s'agit d'une des plus grosses arnaques qui puisse nous arriver... Aux yeux du grand public, la suppression de la taxe professionnelle est un cadeau pour les entreprises mais en réalité, cette taxe s'est juste déplacée et certains vont payer davantage". Gontran Lejeune est favorable à une suppression de la taxe professionnelle, à condition qu'elle profite à toutes les entreprises : "la taxation sur la masse salariale va notamment augmenter. Si certains gros industriels, dont les constructeurs automobiles, peuvent se réjouir de ce système car ils ont des besoins élevés en matière d'investissements, d'autres, comme les sociétés de services, vont se retrouver en difficultés. Pourquoi ne pas fiscaliser ce que l'entreprise a gagné plutôt que la pénaliser en haut de bilan, avant toute entrée financière ?"
MEDEF Pascal Gautheron : "Il y a urgence"
Le Président du MEDEF Côte-d’Or semble plus convaincu. Rappelant son "profond respect pour le travail et l’engagement des élus locaux", il estime que le gouvernement doit "répondre à leur inquiétude" mais précise qu'il y a pour lui "urgence". Et de rappeler que nombre d'entreprises de Côte d'Or, TPE, PME et grandes entreprises "sont à genoux à cause des prélèvements obligatoires et de la crise économique. Près de 70 000 entreprises vont déposer le bilan d’ici la fin de l’année". Pour Pascal Gautheron, "la réforme ne peut plus attendre. Les sénateurs, tout comme les députés, ont une responsabilité historique : celle de transformer la réforme de la taxe professionnelle en réussite. Cette réforme ne peut pas être manquée, elle est vitale pour le tissu économique français".
