
D'année en année, les tarifications des services bancaires augmentent et ces dernières sont également de plus en plus illisibles. C'est en tout cas le constat de l'étude menée par l'association UFC-Que choisir sur la période 2004-2009 et sur douze établissements bancaires*, à la demande du ministre de l'Économie Christine Lagarde. Rendue publique mardi 1er juin 2010, l'étude est ici commentée et expliquée par Pierre Guille, président de l'UFC-Que Choisir de Côte d'Or.
Etudes de marché
Pour cette fois, les sections provinciales de l'association n'ont pas travaillé sur le projet. C'est en effet le bureau d'études de la fédération de Paris qui a planché sur l'enquête commandée par le ministre de l'Economie en début d'année 2010. "Cette demande a fait suite aux dénonciations sur les tarifs bancaires du Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye. Déjà sur les crédits revolving, il avait dénoncé l'augmentation des dossiers de surendettement", précise Pierre Guille. Aux vues des résultats, ce n'était franchement pas une mauvaise idée de lancer un telle étude...
Du charabia bancaire...
Le rapport s'établissant sur les brochures des banques distribuées ou mises à disposition des clients entre 2004 et 2009, un constat s'impose : en cinq ans, la situation s'est lentement mais sûrement aggravée. Pour commencer, ces fameuses brochures sont tout à fait illisibles : elles comptent en effet en moyenne 24 pages et comprennent 303 tarifs. Autrement dit, c'est la croix et la bannière pour le client si celui-ci souhaite faire des comparaisons : il devra en effet manier 290 pages et 3.638 tarifs afin de comparer douze banques !
Sans oublier que tout est fait pour noyer le poisson selon Pierre Guille : "La complexité des différents services avec notamment l'appellation différente d'un même service par une banque ou par une autre, ne permet pas au consommateur de faire de comparaison. Pire, les tarifs d'un même service sont trismestriels, annuels, mensuels ou même quotidiens selon les banques !".
Un manque de transparence peu rattrapé par le fait que depuis la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, les banques sont obligées d'envoyer à leurs clients le relevé annuel des frais qu'elles leur prélèvent. "Elles ont également l'obligation de distibuer à leurs clients toutes les conventions dès qu'il y a des changements de tarifs. C'est la raison pour laquelle on reçoit une ribambelle de petits dépliants".
Hausses de tarifs en bonne et due forme
Mais une fois encore, difficile de s'y retrouver pour le client qui ne s'aperçoit guère des hausses de tarifs : "On peut constater que ces conventions ne sont pas reconduites sous la même forme d'une année à l'autre pour la même banque. C'est donc un vrai casse-tête. Pourtant, si l'on regarde les conventions 2010 par rapport à celles de 2009, elles sont toutes en augmentation". En effet, certains services payants sont certes devenus gratuits car la loi l'obligeait, comme par exemple la fermeture d'un compte bancaire, mais de nombreux services gratuits auparavant sont devenus payants : cela concernerait environ neuf tarifs par banque.
Mais l'inflation tarifaire se concentrerait sur les frais sanction. Depuis 2004, les incidents de paiement auraient en effet augmenté de 28% et les banques profiteraient de cette situation en détournant à leur profit le plafond règlementaire des frais d'incidents de paiement chèque pour accroître leur montant de 26%. Quant aux découverts non-autorisés, les banques bafouent la jurisprudence de la Cour de cassation en n'intégrant pas les commissions d'intervention dans le calcul du taux effectif global (TEG).
Pierre Guille revient sur ce dernier point plus en détail : "Les agios sont en effet calculés quotidiennement et sont facturés trimestriellement, sans tenir compte du TEG. Ce qui signifie qu'après quatre trimestres, au bout d'un an, vos agios peuvent être supérieurs au taux d'usure fixé par la Banque de France et publié dans le Journal officiel. C'est pourtant interdit par la loi : le TEG des intérêts pour découvert ne peut pas dépasser ce fameux taux d'usure. Il se trouve que les banques appliquent ce taux de manière trimestrielle et non annuelle comme le prévoit la loi".
Achetez à l'unité
UFC-Que choisir pointe également du doigt les packages vendus aux clients, "onéreux et seulement avantageux pour les banques qui multiplient les services superflus" : chèque de banque, SMS, abonnement aux revues "maison"...Un client prenant à l'unité les seuls services utiles - compte-chèques, carte bancaire et son assurance, accès Internet et téléphone - économiserait en moyenne 26% par rapport au package. "Les packs vendus comportent un grand nombre de services dont le client moyen n'a pas l'utilité mais ils sont incitatifs ; on vous propose en effet le service complet mais jamais à l'unité", ajoute Pierre Guille.
58% de traders en plus en cinq ans...
Des constats d'autant plus durs à avaler que les services rendus sont de moins en moins nombreux : alors le nombre de conseillers particuliers a diminué de 10% en cinq ans, celui des traders a augmenté de 58% et celui des chargés de communication de 109%. "De plus, nous estimons que les tarifs bancaires ne correspondent pas à la réalité des frais réellement engagés. Ce ne sont pas des frais à strictement parlé. Aujourd'hui, les dates de valeur n'ont plus lieu d'être et pourtant elles existent encore : lorsque vous remettez un chèque à votre banque, vous devriez être crédité de sa somme aussitôt. Sans compter que c'est vous-même qui remplissez le bordereau donc le service de la banque est faible...", souligne le président d'UFC-Que choisir Côte-d'Or. Ainsi, le coût pour les banques d'un paiement carte/chèque a diminué d'au moins 9% depuis 2004 tandis que le prix de la carte bancaire a, lui, gonflé de 13%...
Le poids des chiffres... et des sympathisants
Afin que leur étude ne reste pas sans suite, l'UFC-Que Choisir a formulé sept propositions autour de deux idées phares, "plus de transparence et moins de cherté" : instauration d'une information préalable du consommateur avant le prélèvement des frais sur son compte, dénomination commune obligatoire des différents frais, introduction dans chaque brochure tarifaire d'une première page résumant les tarifs pratiqués pour les principales opérations, harmonisation des tarifs affichés dans les brochures en tarifs annuels et par opération, consécration dans la Loi de la jurisprudence de la Cour de Cassation sur le calcul du TEG du découvert non autorisé, réation d'un observatoire des tarifs bancaires sur les opérations les plus courantes, limitation du nombre et du montant des frais sanction.
"UFC-Que choisir représente un groupe de pression totalement indépendant des syndicats et des distributeurs : nous comptons 142.000 adhérents et 450.000 abonnés à notre revue. Cela fait que nous sommes écoutés et de temps en temps entendus", conclut Pierre Guille.
* Les douze banques concernées par l'étude : Banque Populaire Rives de Paris, BNP Paribas, BRED, Caisse d'Epargne IDF, CIC, Crédit Agricole IDF, Crédit Mutuel Centre Est Europe, Crédit du Nord, HSBC, La Banque Postale, LCL, Société Générale.
