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Billet de blog 7 juillet 2011

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Attention, saisir la justice vous coûtera bientôt 35 euros!

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Quels que soient les domaines concernés - commercial, social ou civil -, l'accès à la justice sera payant à compter du 1er octobre 2011. Afin de financer la réforme de la garde à vue adoptée en avril de la même année, les justiciables devront ainsi s'acquitter de la somme de 35 euros avant de saisir le tribunal. Débattue et repoussée voilà plus d'un an, la justice payante est donc de retour avec l'adoption de la loi de finances rectificatives 2011 par le Parlement, mercredi 06 juillet 2011. Une mesure qui est loin de faire l'unanimité dans les rangs des avocats de Dijon...

Un ticket modérateur pour financer la réforme

"C'est une clause abusive !". Le syndicat des avocats de France ne décolère pas et pour cause : le projet de loi de finances rectificatif qui était en discussion mardi 05 juillet 2011 à l'Assemblée nationale prévoit la création d'une contribution de 35 euros pour financer la réforme de la garde à vue : "un salarié victime d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, un accidenté du travail victime d’une faute inexcusable de son employeur ou tout simplement un citoyen qui souhaiterait engager une procédure de divorce devra, préalablement à l’engagement de toute procédure, acquitter une taxe de 35 euros". Le droit de timbre sera une des conditions de recevabilité du dossier, une mesure qui doit permettre de financer les 168 millions d'euros correspondant à la hausse des coûts de l'aide juridictionnelle générée par la réforme de la garde à vue (Lire notre article ici).

Pourtant, dans un communiqué de presse, ce même syndicat des avocats précise "avoir tiré la sonnette d'alarme et dénoncé l'absence d'anticipation budgétaire de la réforme" (Lire le communiqué de presse ci-joint). "D'autres solutions existent, explique aussi le syndicat : taxe sur les contrats juridiques, taxe sur les compagnies d’assurance ou tout simplement prise en charge par le budget général de l’État". Supprimé voilà une dizaine d'années, ces frais sont donc réintroduits, excepté pour les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle justement ou encore les victimes d'infractions pénales et l'État. "Une caricature", selon Jean-Philippe Morel - avocat, conseiller municipal UMP de Longvic (Grand Dijon) et président du parti radical valoisien de Côte-d'Or -, que cette mesure "ne choque pas outre mesure".

Premier pas vers un Grenelle de la justice ?

"C'est une somme qui n'est pas importante ; dès lors que les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle ne la payent pas, je n'y suis pas hostile". À terme pourtant, l'avocat officiant à Dijon espère que ce "ticket modérateur" fera partie des dépenses du procès, et dont la charge reviendra donc à celui qui le perd : "De fait, la mesure sera indolore et neutre", avance-t-il. À l'heure du "tout-judiciaire", il avoue prendre avec beaucoup de légèreté les arguments du syndicat des avocats de France, engagé selon lui dans une lutte contre le gouvernement : "Ceux qui feront appel au service public de la justice seront amenés à participer comme on le fait déjà dans le monde médical. Mais ceci relève plus du symbole qu'autre chose". Pour lui, cette nouvelle mesure ne constitue pas un obstacle, même s'il reste important que pour les gens sans grands revenus, elle ne devienne pas une barrière.

Et même de lancer une piste vers un possible débat pour la Présidentielle 2012 : "On entend partout parler de Grenelle de l'environnement ; le moment est peut-être venu de lancer aussi un Grenelle de la justice. Nous avons connu la suppression de la carte judiciaire (Lire notre article ici), la disparition des avoués au 1er janvier 2012 [ndlr : Les avoués sont des officiers ministériels qui peuvent postuler pour engager des procédures et pour conclure devant une Cour d'appel], et on évoque la mise en place des avocats en entreprise. Beaucoup de réformes certes, mais il faut avoir une vision plus globale et pour que la justice soit acceptée par le justiciable, il faut tout remettre à plat, peut-être lors d'un grand débat public".

Désengagement de l'Etat ?...

Pour Arnaud Brultet, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Dijon, la simple idée d'imposer un financement de 35 euros est totalement "absurde". Il reconnait tout de même ne pas maitriser totalement le dossier mais reste très virulent contre cette proposition : "Il n'est pas normal de faire supporter aux clients un effort financier supplémentaire alors que l'accès au droit est une mission régalienne de l'État !". Depuis janvier 2011, le droit à la plaidoirie est déjà à la charge du citoyen et ces derniers doivent débourser 8,84 euros pour participer au financement du régime de retraite de base des avocats. Arnaud Brultet image même son propos : "Mon seul regret est que l'État oublie ses missions. C'est un peu comme s'il demandait à chaque Français de donner cinq euros pour financer l'achat de Rafales, d'un nouveau porte-avion ou de véhicules pour la gendarmerie".

L'heure n'est cependant pas encore à la révolte d'autant que selon le bâtonnier, Dijon n'a pas vocation à être le porte-flambeau d'une potentielle contestation. À cette heure, Arnaud Brultet attend plutôt les échos du Conseil national des barreaux. "Nous avons très peu d'infos explicatives pour le moment, mais comme souvent, cette réforme va passer en catimini en plein milieu du mois de juillet et ceci, comme une lettre à la poste. Au mois de septembre, il sera trop tard". Cet accès payant concernera ainsi toutes instances introduites devant les juridictions civiles, sociales, et prud’homales. "Imaginez, un licencié qui à trois enfants et qui doit en plus débourser 35 euros pour avoir accès à la justice ! Je trouve ça très particulier", poursuit l'avocat dijonnais.

Un point de vue partagé par les syndicats tels la CGT, qui dénonce l'attitude du gouvernement : "La volonté du gouvernement de réduire le contentieux prud’homal par tous moyens, et ainsi priver les salariés de la possibilité de faire valoir leurs droits, rejoint la volonté patronale de tout faire pour éviter d’être condamné, alors que les licenciements, les non-paiements de salaires, et autres délinquances patronales continuent de frapper des milliers de salariés". A noter que le Parlement a achevé mercredi 06 juillet 2011 le vote de la loi de finances rectificatives pour 2011 par 177 voix contre 151. Le bouclier fiscal est supprimé, l'impôt sur la fortune (ISF) est allégé et le ticket modérateur devrait entrer en application le 1er octobre.

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