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Billet de blog 8 janvier 2010

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Cinq idées préconçues sur le métier de concierge...

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En fin ou en début d'année, il est d'usage d'offrir des étrennes à son gardien, en guise de remerciements pour les services rendus non rémunérés. Ce dernier, souvent croisé rapidement au détour d'un couloir ou dans la cage d'escalier, véhicule encore aujourd'hui une tonne de clichés : curieux, bavard, aigri, logeant aux frais de la copropriété avec peu d'heures de travail au compteur, si ce n'est un coup de balai par-ci par-là... Lourdes et Antonio Soares, gardiens d'immeubles de leur état, rétablissent la vérité sur leur profession...


Un métier en voie de disparition à Dijon ?


En appelant différents syndics dijonnais dans le but de rencontrer des concierges, il faut bien avouer que la tâche s'est révélée plus ardue que prévu... Les réponses négatives se sont en effet enchaînées : "Ah non, nous ne gérons pas d'immeubles avec gardien !". La profession aurait-elle déserté la capitale des Ducs ? Un syndic finit lâcher l'information : "Un couple de gardiens travaille dans la résidence Saint Bernard, rue des Rotondes, à Dijon", indique Philippe Mitaine, responsable du syndic chez Citya Gessy-Verne. Le rendez-vous est donc pris avec Lourdes Soares, non sans avoir légèrement insisté : "Vous n'allez pas me prendre en photo au moins ?", s'inquiète-t-elle par téléphone...

1. "Les concierges sont des vieilles filles aigries" : faux


A mon arrivée, la gardienne s'affaire dans le hall d'entrée : "On va aller se mettre au chaud ! Vous voulez du café ?". Énergiquement, Lourdes Soares s'agite dans sa cuisine en se préoccupant de subvenir à tous mes besoins : sucre, chocolat ?... Un accent des pays du sud rythme ses paroles : "Je suis née dans un village à 50 km de Porto, au Portugal. Je suis arrivée à Dijon à l'âge de 21 ans, pour retrouver ma sœur qui y vivait déjà. C'était en 1987". Onze ans plus tard, elle et son mari Antonio deviennent gardiens à la résidence Saint Bernard : "Cela va faire douze ans que nous travaillons ici. C'est l'ancien concierge, également Portugais, qui nous a recommandés au syndic". Depuis, le couple vit ici avec ses deux enfants de 12 ans et 16 ans. Et ne leur parlez pas de changer de métier, celui-ci leur convient parfaitement bien...

2. "Les concierges ne se tuent pas à la tâche" : faux


"Je me vois bien rester gardienne jusqu'à ma retraite, qui est dans vingt ans. Mais peut-être que lorsque je serai plus vieille, je changerai de copropriété car celle-ci est immense et la surcharge de travail est quand même très fatigante". La résidence comporte en effet trois immeubles pour 156 logements où il faut veiller à entretenir toutes les parties communes. Pour ce faire, le couple se partage les tâches : Antonio s'occupe des espaces verts et des ordures ménagères, pour lesquelles il parcourt chaque jour plus de deux kilomètres. Mais pour lui, le plus dur à gérer reste le déblaiement des routes lorsqu'il neige...


Lourdes, quant à elle, commence sa journée à 6h30 du matin : "Je finis le nettoyage des communs (sols, vitres...) vers 17h. Mais ensuite, je dois rester chez moi de 17h à 20 h pour mes horaires de permanence : c'est le moment où les habitants peuvent venir me voir pour évoquer un problème. En moyenne, je travaille dix heures par jour. Il n'y a que le dimanche où je peux me reposer et j'en profite pour faire une sieste. Sinon du temps libre, je n'en ai pas".


La sonnette retentit : il s'agit d'une locataire qui vient souhaiter la bonne année et en profite pour lui poser une question sur un problème de chauffage. Lourdes, serviable, tente de trouver une solution à son problème. Il est pourtant à peine 15h... "Je ne vais pas lui fermer la porte au nez sous prétexte qu'il n'est pas encore 17h! Idem le week-end. Il y a quinze jours par exemple, un immeuble entier s'est vu privé de chauffage un dimanche. C'était normal que je les aide ! Dans ces cas-là, je le fais non pas en tant que gardienne mais comme une habitante de la résidence".

3. "Les concierges vivent à l'œil" : faux


Si Lourdes se considère comme une habitante à part entière de l'immeuble, ce n'est pas seulement parce qu'elle y vit mais aussi parce qu'elle y est locataire. En effet, contrairement à ce qui est souvent imaginé, les Soares payent un loyer, certes avantageux mais pas anodin : pour leur appartement comportant deux chambres, le loyer s'élève à 365 euros par mois, charges comprises. "C'est certain que nous ne payons pas très cher mais dans un sens, l'appartement fait partie des inconvénients du métier : il n'y a que deux chambres alors que j'ai deux enfants... Ils ont conçu les loges pour gardien pour des couples sans enfant. Ce n'est pas logique car seuls des jeunes peuvent faire ce que nous faisons. Et un jeune couple, ça a des enfants !".

4. "Les concierges, c'est pour les quartiers chics" : faux


Les Soares ne préfèrent pas révéler le montant de leurs revenus mais la convention collective des gardiens chiffre en moyenne à 1500 euros bruts mensuels les salaires de la profession... Alors pour les compléter, les traditionnelles étrennes de fin d'année ne sont pas négligeables : "Nous avons reçu cette année des enveloppes variant entre 10 euros et 70 euros". Souhaitant rester discret sur la totalité de la somme recueillie, Antonio précise tout de même qu'il connaît un gardien à Dijon qui triple son salaire grâce à cela : "Dans certains quartiers, les gens donnent 200 voire 300 euros !". "Ici vous savez, les gens sont de la classe moyenne, reprend sa femme. De toute façon, c'est le geste qui compte... Des chocolats ou une bouteille de vin, cela nous fait très plaisir".

5. "Les habitants considèrent leur concierge comme leur homme à tout faire" : faux... et vrai !


Moins d'un tiers des personnes habitant la résidence auront pensé cette année aux étrennes... En plus d'être radins, ne seraient-ils simplement pas sympas ? "Oh non ! 90 % d'entre eux sont très gentils avec nous et ne nous embêtent pas. Sur 156 logements, il y en a moins de dix qui sont relativement pénibles. Vous savez, il y a toujours des gens qui ne sont jamais contents de la manière dont je passe le balai ou la serpillère. Je fais pourtant mon maximum pour ne gêner personne. Mais c'est comme ça...". Plus amèrement, Lourdes raconte le pire qu'elle ait connu depuis qu'elle travaille là : "Une fois, j'ai dû porter plainte contre une locataire raciste qui s'en est pris à moi et à mes enfants. Elle est allée beaucoup trop loin...". Témoins du harcèlement, l'ensemble de la copropriété a signé une pétition et a obligé la fameuse locataire à quitter son logement. Preuve que quand il le faut, les résidents savent témoigner leur gratitude pour services rendus... et pas toujours rémunérés.

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