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Billet de blog 8 janvier 2010

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Trois journalistes iraniens trouvent asile à Dijon

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Chapeau bas à la branche bourguignonne de Reporters sans Frontières, emmenée par son responsable Thomas Barbier, qui vient d'accomplir un exploit : trouver un logement durant trois mois à trois journalistes iraniens fuyant leur pays, non pas grâce à une association mais avec l'appui du Conseil général. L'événement est une première en France et démontre que pour la bonne cause, les montagnes peuvent être soulevées...

Fuir ou croupir en prison...


Il est rare que la capitale des Ducs voit se réunir un si grand nombre des journalistes qui la parcourent à longueur d'année... Pour la remise des clés des trois appartements organisée ce mardi 5 janvier 2010, toute la profession locale a répondu présente, solidarité de journalistes oblige. Il faut dire que la situation l'exige : il s'agit là de communiquer sur la venue de trois journalistes iraniens, privés d'exercer leur profession dans leur pays et victimes de l'oppression qui s'abat férocement sur tous les milieux d'opposition depuis la réélection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la République d'Iran, le 12 juin 2009. "S'ils étaient restés là-bas, c'est la prison qui les attendait. Ils en ont d'ailleurs tous déjà fait", précise Thomas Barbier, responsable de Reporters sans frontières Bourgogne (RSF) et directeur de la publication de la Gazette de Côte d'Or.

Journaliste en Iran : une profession en voie de disparition ?


Plus de six mois après la réélection contestée du président iranien, une cinquantaine de journalistes auraient d'ores et déjà quitté le pays. Leur exode est le plus important enregistré depuis la révolution iranienne de 1979. Si une vingtaine d'entre eux ont pu trouver refuge en France, c'est notamment grâce à l'organisation Reporters sans Frontière, qui vient en aide aux journalistes du monde entier. RSF a en effet convaincu le ministère des Affaires étrangères et européennes, ainsi que le ministère de l’Immigration, de l’Identité nationale et du Développement durable, de répondre favorablement aux demandes de visas d’urgence.


Mais ce n'est pas sans contrepartie : "Il faut assumer en effet leur logement et les transports. Tout cela coûte très cher ; c'est pourquoi RSF a lancé un appel aux dons des confrères mi-décembre, via les branches locales. Nous, nous avons eu l'idée d'aller directement demander aux collectivités. J'ai appelé, sans trop y croire, le chef du cabinet de François Sauvadet (président du Conseil Général). Il m'a dit qu'il y aurait peut-être une solution...", raconte Thomas Barbier.

Action - Réactions


Quinze jours, quelques coups de fil et une dose de bonne volonté plus tard, la cérémonie de remise des clés est orchestrée... Parmi ceux qui se trouvent à l'initiative du projet figure également Joël Abbey, conseiller général de Côte d'Or : "François Sauvadet et les conseillers généraux ont tout de suite été d'accord. Nous devons également voter une subvention exceptionnelle pour accompagner ce projet". Si Joël Abbey vante les mérites de ses confrères, lui a joué un rôle essentiel dans l'affaire : président d'Orvitis, Office public de l'habitat de la Côte-d'Or, il a en effet rapidement répondu à l'appel de RSF en procurant trois logements pour une durée de trois mois aux journalistes.

"Les yeux et les oreilles de l'Iran sont partout"


C'est accompagnés par une horde de journalistes que nos confrères iraniens ont découvert les lieux, à Talant. Modestes, ils ont le grand mérite de comporter de quoi vivre. Se frayant un passage dans l'étroit couloir, particulièrement encombré, chacun trouve sa chambre. Rapidement, un problème se pose : les chambres ne comportent en effet qu'un lit unique alors qu'un couple compte parmi les trois journalistes... "Il suffit de réunir deux lits dans une seule chambre", lance un employé d'Orvitis. Tout va donc pour le mieux, ou presque. Car derrière leur sourire, le regard des Iraniens en dit long sur ce qu'ils viennent de traverser. A commencer par la répression dont ils ont été victimes : "Au moment de l'élection du président, j'ai accordé une interview à des journalistes américains... Ça n'a pas plu. La police m'a arrêté à plusieurs reprises et la dernière fois, ils ont voulu que j'aille à la télévision pour dire que j'avais tort d'être du côté de Mir Hossein Moussavi (le principal chef de l'opposition iranienne). J'ai promis que j'irai pour qu'il me laisse tranquille et je me suis enfui...", raconte Benjamin S., jeune journaliste de 28 ans. Une fuite qui a été rendue possible grâce à un groupe d'opposition clandestin, vers les montagnes du Kurdistan irakien...


Par peur des représailles sur leur famille restée au pays, les trois journalistes gardent une certaine réserve quant à la critique de leur gouvernement : "Si le pouvoir apprend que nous l'avons dénigré à l'étranger, cela risque d'être dangereux pour nos familles", lâche l'un d'entre eux. Et Parviz Razavi, le père du grand reporter dijonnais Emmanuel Razavi, d'ajouter : "La république islamique a en effet des yeux et des oreilles partout dans le monde, elle est très paranoïaque...".

* Un grand merci à Parviz Razavi pour avoir fait la traduction des propos des trois journalistes iraniens.

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