La petite graine est-elle si emblématique de la Bourgogne ? Toujours est-il qu'aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, sa culture a été abandonnée au profit de plantes plus lucratives comme le colza, le blé ou le tournesol. Fruit d'une volonté économique autant que politique, son "come back" dans la région remonte aux années 1990. Malgré une rapide évolution des surfaces consacrées à sa culture et l'obtention du label européen Indication géographique protégée (IGP) en novembre 2009, la culture de la moutarde en Bourgogne semble être avant tout une question d'image plutôt qu'un impératif économique...

La graine fait son "come back" !
"Les agriculteurs ont abandonné la culture de la graine de moutarde au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale car elle n'était pas subventionnée, contrairement à d'autres productions comme le colza ou le blé", explique Marc Désarménien, dirigeant de la moutarderie Fallot, à Beaune (21), qui compte aujourd'hui une vingtaine de salariés. Sa culture abandonnée en Bourgogne, la petite graine est dès lors acheminée dans la région essentiellement depuis le Canada.
Mais voilà, au détour des années 1990, émerge progressivement l'idée de réimplanter la culture de la graine de moutarde sur le sol bourguignon. "En tant qu'industriels, il s'agit de ne plus dépendre uniquement du Canada pour assurer la production ; l'objectif est aussi de s'orienter vers une production plus qualitative et dotée d'une meilleure traçabilité, sans oublier la volonté de se réapproprier un savoir-faire ancien", explique Marc Désarménien, également membre fondateur de l'Association moutarde de Bourgogne (AMB).
L'objectif économique est aussi de pérenniser la filière par le biais d'une démarche qualitative, en favorisant la particularité de la moutarde de Bourgogne. La Chambre d'Agriculture de Côte-d'Or (CA 21), l'école d'ingénieurs Agrosup Dijon et les industriels transformateurs réunissent leurs compétences et leurs moyens. "Dans les années 1990, a été mis en place un programme de sélection variétale afin d'améliorer les qualités génétiques de la moutarde", explique Yves Charpiot, directeur de la Chambre régionale d'agriculture de Bourgogne.
L'heure de la reconnaissance
En effet, d'un point de vue technique, la culture de la moutarde s'avère quelque peu délicate ; reste à se réapproprier les modes de production. L'Association des producteurs de moutarde a donc mené tout un travail auprès des producteurs, notamment sur la définition des prix avec l'établissement d'une grille spécifique. Les multiples efforts des membres de l'AMB en faveur de la filière finissent par payer : le 24 novembre 2009, la moutarde de Dijon obtient le label européen Indication géographique protégée (IGP), gage de qualité, qui certifie que la production des graines de moutarde et du vin blanc, ainsi que leur transformation en condiment de qualité, se déroule en Bourgogne (Lire le communiqué de presse ici).
Ironie de l'histoire : le groupe Unilever annonçait un an plus tôt la fermeture de l'usine Amora-Maille de Dijon (Lire notre article ici). Néanmoins, en 2010, l'AMB est reconnue comme organisme de gestion et de défense de l'IGP. Parallèlement, les surfaces agricoles consacrées à la culture de la graine de moutarde sont en nette progression. "En 1996, seuls 250 ha étaient consacrées à la moutarde en Bourgogne, 35 producteurs seulement en produisaient ; en 2010 , la culture atteint les 5.000 ha et 297 producteurs sont concernés", affirme Yves Charpiot.
Une petite graine dans une botte de foin !
Pour autant, si la production de moutarde connait une forte croissance, elle doit être mise en perspective avec les 300.000 ha de production de blé ou les 160.000 ha de colza cultivés dans en Bourgogne. "Aujourd'hui, la France est le premier pays producteur de moutarde en Europe [ndlr : 50% environ de la production européenne] ; sur les 82.000 tonnes de pâte de moutarde produite par an, 96 % est produit en Bourgogne", se félicite Marc Désarménien.
Chez Unilever-France, l'optimisme est aussi de mise : "Le marché est stable en volume ; en valeur, il connait même une très légère augmentation, de l'ordre de 0,3 à 0,4% par rapport à 2010. Côté marketing, au-delà de l'usage de la moutarde en bord d'assiette, nous cherchons aujourd'hui à développer son usage dans des recettes des cuisine", explique Victor Tesnière, chef de produit pour la moutarde Amora-Maille.