
Les lourdes défaites électorales sont bien souvent annonciatrices de tempêtes dans le camp de ceux qui ont perdu. Celle qu’a connu la majorité UMP–Nouveau centre lors des élections régionales 2010 n’a pas dérogé à la règle. Avant même l’issue du scrutin, les premières flèches empoisonnées en direction du gouvernement ont été décochées par des membres de la majorité. Et pas sur n’importe quel sujet. En effet, les amis de Dominique de Villepin, ont choisi, tout d’abord de façon sourde pendant la campagne, de s’attaquer à la mesure emblématique du quinquennat de Nicolas Sarkozy, portée en 2007 sur les fronts baptismaux par une droite unie : le bouclier fiscal à 50%. Depuis une dizaine de jours, les critiques se font moins discrètes et, surprise, elles ne sont plus le monopole de la frange "villepiniste" de la majorité. Mais qu'en est-il des députés de droite de la région dijonnaise?...
L’UMP 21 serre les rangs derrière Nicolas Sarkozy
Interrogés pourtant séparément, Bernard Depierre et Rémi Delatte se sont livrés à une prestation de natation synchronisée politique du plus bel effet. C’est en effet en chœur que les députés de la première et de la deuxième circonscription de Côte-d’or ont réaffirmé leur soutien à la politique fiscale du président de la République. "Je suis résolument favorable au maintien du bouclier fiscal à 50%, qui était un engagement fort de Nicolas Sarkozy en 2007. Le supprimer serait une hérésie !", annonce Bernard Depierre. Lui répond en écho, tout aussi convaincant, Rémi Delatte : "Ce n’est pas rien que d’éviter que les contribuables ne payent plus d’une journée de travail sur deux ! Sans cette mesure, qui coûte 560 millions d’euros et non pas 3 milliards comme je l’entends parfois, la France verrait de plus en plus fuir ses capitaux à l’étranger..."
Puis les deux députés de rappeler, pratiquement dans les mêmes termes, l’origine du bouclier fiscal initialement instauré par Michel Rocard (mais à 70%), histoire de démontrer que la polémique n’en est pas une : "Il y a une cohérence qui dépasse les oppositions", avance Bernard Depierre. "Michel Rocard l’a mis en place, Jacques Chirac l’a fixé à 60% et Nicolas Sarkozy l’a abaissé à 50%." Un abaissement qui s’est accompagné d’une autre modification, plus discrète, mais fondamentale : l’inclusion de la CSG et de la CRDS - les deux impôts "sécurité sociale" -, dans le calcul. Selon Dominique de Villepin, invité dimanche 4 avril 2010 du Grand Jury RTL–Le Monde, sur la base de la situation en vigueur avant 2007, le bouclier fiscal est donc passé sous Nicolas Sarkozy de 60% à 38%...
Quelques très légères nuances quand même ?
La question, souvent passée sous silence, de l’inclusion de ces petites contributions, qui représentent à elles deux 12% des impôts directs, semble pourtant constituer une ligne de clivage entre Nicolas Sarkozy, attaché au maintien en l’état du dispositif, et l’UMP. Le parti présidentiel a en effet bien compris l’importance de lancer un signal aux Français qui, selon un sondage réalisé le 31 mars 2010 pour le journal La Parisien, se prononcent à 67% contre le bouclier fiscal et appellent à 87% à une augmentation de l’impôt pour les plus riches !
Ainsi, Rémi Delatte admet que, dans le cadre du débat sur les retraites, la question de l’inclusion ou non de la CSG et de la CRDS devra être reposée : "Mais je n’ai pas encore d’avis arrêté la-dessus". De son côté, Bernard Depierre ne ferme pas non plus complètement la porte à tout aménagement du bouclier fiscal. "Dans le cadre d’une réforme des tranches d’imposition et de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), il faudra peut-être en reparler. Mais ce n’est pas d’actualité aujourd’hui."
Pour l’heure, les députés UMP cherchent plutôt à valoriser d’autres aspects du bilan présidentiel. Rémi Delatte : "Moi, j’ai envie de faire le parallèle avec d’autres chiffres. Par exemple, on évoque bien trop peu les 700 millions que le gouvernement a réussis à récupérer dans les paradis fiscaux, soit plus que ce que coûte le bouclier fiscal. On peut aussi faire le parallèle entre les 500 millions d’euros que coûte le bouclier fiscal et les 14 milliards d’euros du bouclier social que lance Nicolas Sarkozy en faveur de tous les Français et particulièrement les plus modestes."
Le Nouveau-Centre se démarque un peu plus de son parti-frère
Les mauvaises langues qui présentent le Nouveau-Centre comme un vassal de l’UMP, docile en toute circonstance, n’ont qu’à bien se tenir : le parti d’Hervé Morin a décidé de ne pas suivre la majorité présidentielle sur ce coup-là. Certes, au niveau de la forme, la charge n’est pas très violente mais les différences de fond sont bien réelles puisque le parti centriste propose ouvertement de "supprimer l'ISF et renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu avec l'instauration d'une tranche supplémentaire d'impôt ainsi qu’aménager le bouclier fiscal en sortant les cotisations sociales". Une position qui rejoint dans les grandes lignes celle défendue par le Parti socialiste depuis plusieurs semaines...
La position de François Sauvadet est quant à elle sensiblement plus proche de celle de l’UMP. Pour le député Nouveau-Centre de la quatrième circonscription de Côte-d’or, outre le fait que la suppression de l’ISF serait mal comprise par les Français, la France doit surtout éviter "l’instabilité fiscale"... et donc maintenir le bouclier fiscal à 50%, mais en excluant CSG et CRDS du calcul.
La présidentielle en ligne de mire
C’est dans ce contexte plutôt agité à droite que François Sauvadet a défendu, au début du mois d’avril dans le Figaro, l’émergence d’un candidat centriste à la présidentielle de 2012. Sa candidature ? Celle d’Hervé Morin ? Il est encore tôt pour le dire. La seule certitude, c’est qu’il n’y a pas qu’à gauche qu’on y pense en se rasant le matin... La faiblesse du président Sarkozy, battant des records d’impopularité sondage après sondage, donne des ailes à certains... Dominique de Villepin bien- sûr, mais également Alain Juppé, Jean-François Copé et d’autres à venir si la crise de leadership à droite venait à durer.
A bien des égards, le bouclier fiscal est à la droite ce que les 35h ont été à la gauche : la grande réforme clivante avec le camp d’en face. En 2002, les socialistes avaient nié tout problème de perception de leur mesure phare dans l’opinion. La suite on la connaît... Dix ans plus tard, l’UMP commettra-t-elle la même erreur ? On l’a vu, du côté du parti présidentiel, les positions bougent lentement, très lentement. Et on ignore encore si Nicolas Sarkozy continuera à s’accrocher coûte que coûte à son bouclier fiscal, se maintenant dans une posture très "à droite" ou s’il cherchera à rassembler le pays sur un sujet crucial comme celui de la fiscalité, au risque de paraître céder devant la pression de l’opposition. De ce choix dépendra sans doute en bonne part le résultat de l’élection présidentielle de 2012. A gauche comme à droite, les primaires sont ouvertes!...
